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Ouest France crie à la profanation du drapeau républicain
Il y a quelques jours, j'ai été surpris par un titre en première page de l'édition morbihannaise de Ouest France : "Des symboles républicains profanés pour la quatrième fois à Locminé". L'article précisait : "Les gendarmes ont ouvert une enquête pour "outrage au drapeau français", selon l'expression consacrée. Les enquêteurs n'excluent pas une action d'un ou plusieurs autonomistes bretons"
Par pour Michel Bellégo le 2/01/04 12:12

Il y a quelques jours, le 26 décembre 2003, j'ai été surpris par un titre en première page de l'édition morbihannaise de Ouest France : "Des symboles républicains profanés pour la quatrième fois à Locminé".

L'article précisait :

"Les gendarmes ont ouvert une enquête pour "outrage au drapeau français", selon l'expression consacrée. Ces profanations sont à rapprocher de faits similaires commis à Erdeven, Plumelec, Theix, Vannes et déjà Locminé. (…) Les enquêteurs n'excluent pas une action d'un ou plusieurs autonomistes bretons ".

Cet article est risible. Peut-être s'agit-il de sensationnalisme destiné à faire vendre, mais c'est totalement en phase avec la politique du gouvernement français qui en mars dernier a ajouté au code pénal un nouveau délit d'"outrage" au drapeau français et à la marseillaise. C'est également conforme à la politique traditionnelle de Ouest France. Il suffit de lire les gros titres de son ancêtre l'Ouest Éclair du 8 août 1932 : " Sur la place de l'Hôtel de Ville à Rennes, une bombe a fait sauter le monument symbolisant l'union de la Bretagne à la France. La statue renversée de son socle a été affreusement mutilée. Quels sont les auteurs de cet attentat inqualifiable ? " (Première page de Ouest Éclair reproduite dans l'Histoire de Bretagne de Skol Vreizh).

Sérieusement, on ne peut pas profaner un drapeau comme on profane un cimetière ou un lieu de culte. L'idée d'un drapeau profané ou outragé est absurde. Ce n'est pas une personne. Il ne risque pas de se sentir outragé. Lorsque Ouest France parle d'outrage et de profanation, on se demande vraiment quel viol à répétition ou quels sévices barbares ont été infligés à ce morceau de tissu. Mais ce journal ne fait que reprendre la rhétorique du gouvernement français. La loi sur l'outrage au drapeau français est ridicule (et très vague) comme toutes les lois françaises d'inspiration parisiano-nationaliste. Pourquoi au juste le drapeau préféré de Ouest France devrait-il être protégé par la loi, mais pas le Gwenn ha Du, ni la bannière de l'Union Européenne, ni les drapeaux d'autres pays.

Cette loi a été votée parce que la marseillaise avait été sifflée sur un stade de foot à Paris. Mais pour éviter les problèmes, Paris a finalement préféré limiter le nouveau délit d'outrage au drapeau français aux actions commises au cours de manifestations autorisées. Heureusement pour nous, sinon les Bretons auraient sûrement été les premiers à trinquer (sous les applaudissements de Ouest France). Pour l'instant, contrairement à ce qu'écrit ce journal, les gendarmes de Locminé ne peuvent pas ouvrir d'enquête pour "outrage au drapeau français", car ce délit n'existe pas hors manifestation.

Quoi qu'en disent les perroquets ouest-franciens, le drapeau qu'ils veulent sacraliser n'est pas un symbole républicain, car il a aussi servi sous l'empire et la monarchie (bien qu'il ait été conçu à la grande époque des "républicains" coupeurs de têtes). Il s'agit seulement de l'emblème de la France. Sa présence sur tous les bâtiments publics de Bretagne vise à bien montrer que la Bretagne c'est la France, de même qu'il n'y a pas si longtemps, l'Algérie c'était la France. Les préfets écrivent régulièrement aux mairies et autres administrations pour leur ordonner de mettre des drapeaux français sur leur façade.

Inversement, l'absence du Gwenn ha Du sur les bâtiments publics signifie que la Bretagne ne compte pas, n'existe pas, ne mérite aucun respect. Dans ce cas précis, il est justifié de parler d'outrage, non pas envers un drapeau, mais envers un peuple. Ouest France est même le grand spécialiste de cet outrage permanent, par exemple lorsqu'il nous répète obstinément que le Pays Nantais n'est pas en Bretagne.

A Erdeven, où deux drapeaux français ont disparu il y a quelques mois, et où quelques taggages ont récemment été effectués sur la signalisation, la situation était la suivante : Aux deux bouts de la rue principale flottaient quatre drapeaux - les drapeaux français, européen et allemand, ainsi que le pavillon bleu qui indique la vocation profondément touristico-balnéaire de la population d'Erdeven. On ne remarquait qu'une chose - l'absence du Gwenn ha Du. En outre, Erdeven est la dernière commune de son secteur dont le nom ne soit toujours pas indiqué en breton à l'entrée du bourg. Quel mépris pour la Bretagne !

Dans ces conditions, il n'y a pas à réfléchir beaucoup pour deviner pourquoi des drapeaux français disparaissent parfois. Ouest France nous dit que "Les enquêteurs n'excluent pas une action d'un ou plusieurs autonomistes bretons" ! Quelle clairvoyance ! Moi aussi, je pense que ces actions que Ouest France souhaite criminaliser trahissent la persistance d'un sentiment breton dans la population, et la revendication du droit à la dignité. On ne peut que s'en réjouir.