
Les premiers programmes de l’école primaire concernant l’enseignement bilingue langue régionale-français et l’enseignement optionnel de langue régionale sont parus au bulletin officiel de l’Education nationale le 27 septembre dernier. S’ils paraissent cohérents concernant l’enseignement optionnel, ils sont plus que dangereux pour l’enseignement bilingue de par leur imprécision et leur méconnaissance
Les premiers programmes de l'école primaire concernant l'enseignement bilingue langue régionale-français et l'enseignement optionnel de langue régionale sont parus au bulletin officiel de l'Education nationale le 27 septembre dernier (consultable sur S'ils paraissent cohérents concernant l'enseignement optionnel, ils sont plus que dangereux pour l'enseignement bilingue de par leur imprécision et leur méconnaissance des réalités de l'enseignement bilingue en primaire.
En effet, l'enseignement bilingue n'y est traité que comme une extension de l'enseignement optionnel et les objectifs qui lui sont assignés sont à l'opposé des attentes des enseignants et des parents d'élèves. Ces programmes prennent soi-disant appui sur le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL), document édité par le Conseil de l'Europe, qui sert à raison de document de référence pour l'apprentissage des langues en Europe. Nous ne pouvons que constater qu'ils dénaturent l'esprit de ce cadre en replongeant dans les travers de l'enseignement traditionnel des langues en France.
Des objectifs farfelus
Les deux objectifs de ce texte pour l'enseignement bilingues sont la parité horaire (sic) et le niveau A2 de l'échelle de niveaux du CECRL.
La parité horaire ne peut être conçue comme un objectif pédagogique, c'est un type d'organisation inadapté quand on parle de langue, il n'est issu d'aucune réflexion pédagogique et nuit à l'adaptation des enseignements au niveau et aux besoins des élèves.
Le niveau A2 correspond sur l'échelle de niveaux du CECRL à des compétences telles que « je peux avoir des échanges très brefs même si en règle générale, je ne comprends pas assez pour poursuivre une conversation ». Cela veut-il dire que les élèves bilingues vont, pour la plupart, passer neuf ans à l'école primaire pour n'être capable finalement d'intervenir en classe que durant la moitié de leur journée d'école ? De plus, on voit mal dans ces conditions comment ils pourraient suivre des cours d'histoire ou de mathématiques en breton au cours la poursuite de leur scolarité bilingue au collège... Cet objectif est par ailleurs en deçà du niveau actuel des élèves des écoles bilingues de Bretagne, on voudrait éradiquer l'enseignement bilingue qu'on ne s'y prendrait autrement.
Une mise en œuvre pire encore
Dans ce texte, les références ayant trait à l'enseignement bilingue ne se font que par rapport à l'enseignement optionnel, il paraît pourtant difficile de comparer des élèves qui ont eu un enseignement de langue une ou deux heures par semaine et d'autres qui ont vécu la moitié de leur scolarité dans cette langue. Cela va jusqu'à l'absence de référentiel de compétences pour le niveau A2. Ignorant l'échelle du CECRL, les annexes spécifiques à chaque langue régionale considèrent le niveau A2 comme un approfondissement des connaissances du niveau A1 (objectif de l'enseignement optionnel), et cela, sans acquisition de nouvelles compétences. Le niveau A2 devient une sorte de A1+ en quelque sorte. Déjà que le niveau A2 était plus que mince...
Des objectifs légitimes en enseignement de langue optionnel ne peuvent être adaptés à un enseignement bilingue en ajoutant par-ci par-là des mots comme « plus vite » ou en demandant aux élèves bilingues de connaître un lexique plus développé. Le bilinguisme ne peut fonctionner que si les élèves appréhendent des expériences affectives, sensitives et intellectuelles nouvelles pour eux dans la langue régionale, c'est à dire s'ils acquièrent cette langue en parallèle de la langue française et avec une maîtrise du même ordre. Les programmes en langue régionale de l'enseignement bilingue ne doivent donc pas se baser sur ceux de l'enseignement extensif d'initiation à la langue mais sur ceux de la maîtrise de la langue française. Dans le cas contraire, les élèves bilingues seront défavorisés dans leur acquisition des connaissances et compétences non linguistiques par rapport à leurs camarades monolingues. Difficile de continuer un tel type d'enseignement dans ces conditions.
Des fantômes de l'enseignement traditionnel des langues en France
Le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues aborde de manière experte une vision de l'apprentissage des langues récente en France. On est loin des listes de verbes irréguliers à apprendre en classe de 6ème. On y parle moins de connaissances que de compétences, de prise en compte du contexte, des conditions et des contraintes, de stratégies mises en place pour accomplir des tâches. Cette approche, adaptée au développement de l'enfant, est présente dans l'introduction commune à toutes les langues régionales concernées, mais lors de la lecture des annexes spécifiques à chaque langue (en particulier celle relative au breton) on retombe sur des compétences déclinées sous la forme d'une liste exhaustive de formulations de référence à acquérir. Les connaissances formelles prédominent à nouveau ici sur les capacités comportementales telle que la réactivité et la mise en place de stratégies de communication.
Pour toutes ces raisons, UGB, l'Union des Enseignants de Breton, demande :
- l'annulation de ce texte
- la réécriture de programmes distincts pour l'enseignement extensif (initiation) de langue et culture bretonnes d'une part, et l'enseignement bilingue français-breton, d'autre part.
- que les programmes régissant l'enseignement bilingue et les compétences en langue bretonne des élèves des filières bilingues soient établis en référence aux compétences attendues pour la maîtrise de la langue française, conformément aux objectifs affirmés par la circulaire du 5 septembre 2001 ( Modalités de mise en œuvre de l'enseignement bilingue), et afin que les élèves scolarisés dans les filières bilingues ne soient pas pénalisés dans leurs apprentissages.
Gwenole Larvol, président d'UGB 11.10.07
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