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- Lettre ouverte -
Monsieur le Président de la République
Lettre a Jacques Chirac signée conjointement par Institut Culturel de Bretagne/Skol-Uhel ar Vro, le Conseil Culturel de Bretagne/Kuzul Sevenadurel Breizh et Collectif Breton pour la Démocratie/Galv ar vretoned evit an Demokratelezh Monsieur le Président, Le 15 février 2005, la Commission européenne de lutte contre le racisme et l’intolérance (ECRI), mise en place par le Conseil de l’Europe, a rendu public son troisième rapport sur la France. Elle y invite la France à signer et à ratifier la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE n°157), à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE n°148), à signer et ratifier le Protocole 12 à la Convention européenne des droits de l’homme, et à retirer ses réserves à l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Par pour CCB-ICB-CBDDH le 23/05/06 21:08

Institut Culturel de Bretagne/Skol-Uhel ar Vro

6, rue Porte Poterne 56000 Vannes

Conseil Culturel de Bretagne/Kuzul Sevenadurel Breizh

7, rue Général Guillaudot 35069 Rennes Cedex 7

Collectif Breton pour la Démocratie/Galv ar vretoned evit an Demokratelezh

Kervouzien Kreiz- 29510 Landudal

Monsieur le Président de la République

55 Faubourg Saint Honoré

75008 PARIS

Le 12 mai 2006

Monsieur le Président,

Le 15 février 2005, la Commission européenne de lutte contre le racisme et l’intolérance (ECRI), mise en place par le Conseil de l’Europe, a rendu public son troisième rapport sur la France.

Elle y invite la France à signer et à ratifier la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE n°157), à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE n°148), à signer et ratifier le Protocole 12 à la Convention européenne des droits de l’homme, et à retirer ses réserves à l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Dans ce même rapport, la Commission invite les autorités françaises à engager le débat public avec les groupes minoritaires pour que leur soit reconnus des droits et des aménagements dans le respect des principes d’égalité et d’indivisibilité de la République.

Ces Recommandations de la Commission font, hélas, suite à de nombreuses invitations adressées à la France de signer et de ratifier la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, invitations faites notamment par les Communautés européennes et dans les rapports annuels du Parlement européen sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union.

Alors qu’elle a été à l’origine de nombreuses initiatives en faveur de la diversité culturelle tant dans les communautés européennes qu’au sein des organisations internationales, la République française est désormais le seul Etat membre de l’Union européenne à ne pas protéger ni promouvoir ses propres minorités nationales représentant une part essentielle de sa diversité culturelle.

Pourtant la protection et la promotion des droits et libertés fondamentales des personnes appartenant à des minorités nationales figurent au rang des valeurs communes de l’union européenne et forment un devoir de protection à la charge de «l’Etat-parent» que l’Etat français, malgré ses nombreuses proclamations dans ce sens, persiste à ne pas assurer. Ces droits et libertés font partie intégrante des droits fondamentaux de l’homme comme l’a rappelé le Parlement européen (résolution 8 juin 2005), constituant un domaine privilégié de la coopération internationale.

Les associations signataires constatent que la volonté de se soustraire à la protection internationale de ces droits fondamentaux révèle la nature d’un ordre juridique marqué par des atteintes flagrantes à la diversité culturelle.

Ainsi, l’article 2 de la Constitution et l’interprétation donnée par le Conseil Constitutionnel, allant jusqu’à dégager le principe d’unicité du peuple français, exclut désormais les langues de Bretagne, breton et gallo, de la République, malgré la ferme volonté du peuple breton d’en assurer la sauvegarde. Cette volonté s’est exprimée notamment, et à l’unanimité du Conseil régional de Bretagne, par la reconnaissance officielle du breton et du gallo comme langues de la Bretagne à côté du français, et par la demande de ratification de la Charte des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l’Europe.

Le refus de l’Etat d’initier le processus législatif de ré-unification de la Bretagne, pourtant souhaité par les instances représentatives des deux collectivités locales directement concernées (Bretagne administrative et Département de Loire-Atlantique), conduit au maintien, sur ce département, de pratiques publiques de substitution identitaire inhérentes à tout découpage territorial arbitraire, au préjudice d’un sentiment d’appartenance bretonne occulté.

Les associations signataires soulignent que ces atteintes aux droits fondamentaux nuisent à l’image de la France et conduisent à vider de son sens le lien de citoyenneté, comme le lui a rappelé le Comité des droits économiques sociaux et culturels des Nations Unies en observant que «l’égalité devant la loi ne permet pas toujours d’assurer l’égalité de la jouissance des Droits de l’Homme, et en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, par certains groupes minoritaires dans un pays» (novembre 2001).

Alors que partout ailleurs en Europe, le principe démocratique s’affirme dans la protection des droits fondamentaux et le droit de pouvoir vivre et décider librement de sa culture, alors que même la Constitution française contient désormais les principes d’organisation décentralisée et de subsidiarité, les femmes et les hommes de Bretagne, sont placés dans l’impossibilité de sauvegarder leur héritage, patrimoine commun de l’humanité, au mépris des valeurs partagées par l’ensemble de la communauté internationale et du devoir de protection qui s’impose à chaque Etat .

Les associations signataires demandent à l’Etat français de signer et de ratifier la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, de signer et ratifier le Protocole 12 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH), de lever ses réserves à l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à l’article 30 de la Convention internationale des droits de l’enfant, afin que les Bretons des cinq départements puissent individuellement ou en commun bénéficier comme les autres citoyens européens de la protection offerte par ces instruments juridiques.

Les associations signataires espèrent que le dialogue recommandé par la Commission Européenne de Lutte contre le Racisme et l'Intolérance puisse se mettre en place rapidement entre les autorités françaises et les Bretons des cinq départements afin de mettre un terme à une situation discriminatoire déjà dénoncée lors des deux précédents rapports de ladite Commission.

Dans l’attente d’une réponse de votre part, et en espérant avoir attiré votre attention sur l’urgence de mettre l’ordre juridique français en conformité avec les obligations qui s’imposent à tout Etat démocratique, nous vous prions, Monsieur le Président, d’agréer l’_expression de notre haute considération.

Institut Culturel de Bretagne/Skol-Uhel ar Vro

Le Président/ Ar C'hadoriad

Conseil Culturel de Bretagne/Kuzul

Sevenadurel Breizh

Le Président/ Ar C'hadoriad

Collectif Breton pour la Démocratie

La Présidente/ Ar Gadoriadez

Copies : Monsieur le Premier Ministre,

Monsieur le Ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire,

Monsieur le Ministre de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche,

Monsieur le Ministre de la Culture et de la Communication.

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