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- Communiqué de presse -
LORIENT : les classes bilingues publiques en danger

Les manœuvres de l’Inspection d’Académie du Morbihan, couplées à un jeu trouble au sein de la municipalité lorientaise, mettent aujourd’hui en grand danger la filière bilingue sur la ville de Lorient.

Par Oui au breton le 5/02/07 11:40

Les manœuvres de l’Inspection d’Académie du Morbihan, couplées à un jeu trouble au sein de la municipalité lorientaise, mettent aujourd’hui en grand danger la filière bilingue sur la ville de Lorient.
A Lorient, la situation de l’enseignement bilingue dans l’école publique est la suivante.

Depuis 2001, l’école de la Nouvelle Ville dispose d’une filière bilingue, fréquentée cette année par 38 élèves (maternelle et primaire). Deux classes bilingues multi-niveaux sont ouvertes, assurées par deux enseignantes bilingues titulaires à temps plein. Depuis son ouverture, l’école peine à développer ses effectifs bilingues, pourtant recrutés sur l’ensemble de la ville. Jusqu’à cette année, les parents ont vu défiler nombre d’enseignants vacataires à temps partiels. Les enfants ont bien sûr souffert de ces mauvaises conditions d’enseignement, dues à l’administration, et qui ont conduit certains parents, pourtant favorables à l’enseignement du breton, à retirer leur enfant de la filière bilingue. Cette année encore, le remplacement des enseignantes, absentes pour cause de maternité, n’est pas été toujours assuré correctement.

En novembre 2005, après 45 jours de mobilisation parentale conclue par un deRobienthon, une nouvelle classe bilingue ouvrait à la maternelle de Merville, sur intervention directe de M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale. Un an après cette ouverture, la seule maternelle de Merville compte 37 élèves bilingues, répartis en 8 petits, 9 tout petits, 10 enfants en moyenne section et 10 en grande section. 1/4 de l’effectif de la maternelle. Les enfants appartiennent tous au quartier scolaire de l’école. L’enseignement est assuré par une enseignante vacataire bilingue à mi-temps, une remplaçante bilingue à mi-temps (le recrutement du poste prévu n’étant toujours pas effectué, ni même lancé) complétées par une enseignante francophone titulaire à mi-temps.

Le développement de la filière bilingue sur les deux écoles permettrait, dans les prochaines années, d’assurer la continuité de l’enseignement bilingue au collège Brizeux, dont dépendent les deux écoles. Le principal de ce collège s’y est déjà déclaré favorable.

Les intrigues de l’inspection académique

Automne 2006. Mme Stievenard, nouvelle inspectrice de la circonscription de Lorient-Centre, fait savoir aux parents et aux enseignants de l’école de la Nouvelle Ville, qu’avec l’apport des 10 enfants de Merville qui doivent passer en CP bilingue, il serait possible d’ouvrir une troisième classe bilingue dans leur école. Ainsi, un fonctionnement par cycle deviendrait enfin réalisable. L’équipe enseignante comme les parents concernés, et on les comprend bien, en seraient bien entendu très satisfaits. Sauf que les parents de Merville, directement impliqués par cette proposition, n’en sont pas informés.

Novembre 2006. Le conseil d’école de la maternelle de Merville formule une demande d’ouverture d’un CP bilingue dans le groupe scolaire Merville. Le conseil précise que ce CP pourrait être couplé à la grande section pour constituer un groupe de 20 élèves. Une solution viable sans création de nouveau poste, donc sans conséquence budgétaire pour l’administration. Le compte-rendu de ce conseil, transmis à Mme Stievenard, ne suscite aucune remarque de sa part.

Décembre 2006. Sans prendre la peine de rencontrer les parents de grande section concernés, Mme Stievenard organise un conseil d’école extraordinaire regroupant la maternelle et le primaire de Merville. Elle y indique "qu’au nom d’un enseignement bilingue de qualité, M. l’Inspecteur d’Académie n’envisage pas d’ouvrir un CP à Merville." Immédiatement, le représentant de la Mairie pour le primaire, Loic Champagnat, conseiller municipal PC appartenant à la majorité, s’aligne sur cette position. Au cours de la réunion, Mme Stievenard surévaluera les effectifs de la Nouvelle Ville, déclarera que "l’image de Merville est désastreuse", que "20 enfants auraient quitté Merville pour l’école privée". Des rumeurs sans fondement. Quelques parents, qui n’appartiennent pas à la maternelle de Merville, s’énervent, le ton monte. Mme Stievenard laisse dire... M. Champagnat aussi. Aucun compte-rendu de la réunion ne sera diffusé.

Janvier 2006. Nouveau conseil d’école extraordinaire avec les mêmes acteurs et dans la même ambiance. Une nouvelle fois, il n’en sera pas fait de compte-rendu. La directrice de la maternelle Merville remet à l’inspectrice un sondage, réalisé à la demande de cette dernière auprès des parents concernés. Ce sondage comportait deux questions :

-  Souhaitez-vous inscrire votre enfant en CP bilingue à l’école de la Nouvelle Ville ?
-  Préférez-vous inscrire votre enfant en CP monolingue dans votre école (Merville) ?

Constatant qu’il manquait la seule option qui les intéressait, les parents de la maternelle Merville ont rayé les deux propositions et ont réaffirmé la leur : "Nous souhaitons inscrire notre enfant en CP bilingue dans notre école".

Pourquoi ce choix ? La raison en est simple. Les parents ont inscrits leur enfant en classe bilingue français-breton parce que l’école publique offre cette option en Bretagne. Parce que le Conseil régional invite les parents à inscrire leurs enfants en classe bilingue. Parce que la directrice de l’école l’a simplement proposé et qu’ils l’ont accepté. Parce que depuis bientôt deux ans, ils voient leur enfant s’épanouir en apprenant le breton, même si eux ne le parlent pas.

Parce qu’enfin, ce choix était possible dans l’école de leur quartier où leurs enfants ont leurs habitudes, leurs amis, bilingues ou monolingues. Cela aussi participe d’un enseignement de qualité. Pourquoi ces enfants devraient-ils faire quotidiennement un trajet supplémentaire de 20 minutes à pied, pour la plupart quatre fois par jour, pour aller à l’école de la Nouvelle Ville alors que leur frère, leur sœur resterait à Merville ?

Mme Sievenard reste sourde à ces arguments. Bien décidée à vaincre cette résistance, elle fait aussitôt rediffuser un nouveau sondage posant les deux mêmes questions ! Cette fois, 3 parents excédés, choisissent de ne pas répondre une seconde fois, 4 autres rayent à nouveau les deux options, ré-écrivant courageusement : "Nous souhaitons inscrire notre enfant en CP bilingue dans notre école". 3 autres se résignent à cocher la seconde option.

Dans le même temps, Mme Stievenard invite les enseignantes de la maternelle, favorables à la demande parentale, à ne plus échanger avec les parents sur ce sujet. Fin janvier, elle organise une ultime réunion destinée, cette fois, "à calmer les esprits". Elle y invite les parents à ne plus discuter dans l’enceinte de l’école et surtout... à ne pas communiquer avec la presse... Ce qu’ils n’ont d’ailleurs que très peu fait jusque-là. Après l’intimidation, c’est l’invitation au silence.

A ce jour, Mme Stievenard n’a toujours pas rencontré les parents des 10 enfants de Merville.

L’étrange comportement de certains élus municipaux lorientais

Dans le même temps, la municipalité de Lorient garde le silence. Danièle Garnier, adjointe chargée de l’éducation a bien rencontré les parents de Nouvelle Ville. Pas ceux de Merville, qui sont pourtant les parents des dix enfants concernés. Etrange.

Sollicitée par un courrier de l’association ABM, créée par les parents de Merville, la mairie ne répond pas. Un courrier adressé à l’ensemble des élus municipaux et signée des dix parents ne la fait pas plus réagir.

Il faudra attendre le dernier conseil municipal, de jeudi dernier, pour que les choses commencent enfin à bouger. Les élus de l’opposition UDF se déclarent solidaires des parents de Merville. Yann Syz, élu UDB, qui appartient à la majorité municipale, fait une intervention courageuse pour expliquer que la question peut être résolue, sans conséquence budgétaire pour les services de l’éducation nationale. La seule réponse du Norbert Métairie, maire de Lorient, est de dire "qu’il ne faut pas que le développement de l’enseignement britophone nuise à l’enseignement francophone." (1) Concluant le débat, Loic Champagnat ajoute "qu’un consensus est en voie d’être obtenu, 7 parents sur 10 étant en voie de rejoindre la position de la mairie". Et le même de dire qu’il semblait "difficle d’arriver à la création d’un CP bilingue à Merville.

Tous les élus municipaux ont entendu ces phrases. Personne n’a réagi. Elles sont pourtant révélatrices.

A Merville, 7 parents sur 10 ont effectivement confirmé qu’ils ne souhaitaient pas changer leur enfant d’école. Nous avons expliqué plus haut dans quelles conditions ce résultat a été obtenu. Trois se sont déjà résignés à abandonner la filière bilingue. Selon Loic Champagnat, les 4 autres irréductibles, de guerre lasse, ne devraient pas tarder à faire de même... Quant aux trois derniers, ils ne s’expriment déjà plus ! Ainsi, la position de la mairie, selon Loïc Champagnat, serait donc... de maintenir ses enfants à Merville, mais en classe monolingue. Comprenez-vous la duplicité et le danger de ce (mauvais) jeu ?

Que deviendront les promesses faites à l’école de la Nouvelle Ville d’ouverture d’une 3e classe ? Il restera à faire comprendre qu’elle n’est malheureusement possible, puisque les parents de Merville ont refusé d’y mettre leurs enfants. Mme Stievenard s’en chargera. Un poste à récupérer, ce n’est pas à dédaigner dans ces périodes de disette budgétaire.

Les parents et les enseignants des deux écoles n’auront plus qu’à se tirer mutuellement dessus en se rejetant la responsabilité de cet immense gâchis. Le découragement des enseignants comme des parents suivra... Plus question de continuité au collège Brizeux. Plus question de filière bilingue, source de problèmes. Il faudra des années pour s’en remettre.

4 jours pour changer la donne

Le 29 juin 2005, l’association Div Yezh, en soutien au projet de Merville, adressait un courrier à Norbert Métairie, Maire de Lorient. Ce courrier rappelait notamment qu’une "enquête avait été réalisée en 1997 à Lorient pour tenter une ouverture de classe bilingue (...). A la question "Etes-vous prêts à changer d’école pour voir votre enfant en filière bilingue ?" plus des trois-quarts des personnes interrogées avaient répondu non." Le courrier poursuivait :

"C’est pourquoi nous devons compter à la fois sur des gens très motivés et sur des gens qui sont simplement demandeurs d’un service public ; la motivation viendra naturellement lorsqu’ils auront toute la satisfaction de voir leurs enfants en filière bilingue. " Et de conclure : "Certains parents de Nouvelle Ville n’inscriraient pas non plus leurs enfants si c’était dans une autre école."

Ces paroles de raison, qui participèrent à la décision de Norbert Métairie de soutenir la demande d’ouverture d’une première classe bilingue à Merville, auraient-elles été oubliées ?

A maintenant quatre jours de décisions décisives sur la carte scolaire, nous ne pouvons y croire. La municipalité de Lorient soutient depuis de nombreuses années les associations culturelles bretonnes de la ville. Elle a engagé de nombreuses mesures en faveur du bilinguisme français-breton (panneaux bilingues, cartes d’invitation, subventions et soutien technique aux associaton bretonnantes...) qu’elle vient de réaffirmer clairement en signant la charte Ya d’ar brezhoneg.

Lors du conseil municipal de jeudi dernier, Norbert Métairie déclarait avec force que "les parents qui le souhaitent doivent pouvoir inscrire leur enfant à l’école dès deux ans." Nous approuvons cette déclaration courageuse face à une inspection académique qui tente de supprimer la scolarité des deux ans. Une spécificité bretonne. Comme la langue. C’est pourquoi nous disons avec la même force que "les parents qui le souhaitent doivent pouvoir inscrire leur enfant en classe bilingue dans leur école de quartier."

Aux côtés des parents d’enfants, monolingues et bilingues, de Merville et de Nouvelle Ville, la mairie doit exiger de l’inspection académique du Morbihan :

 l’ouverture d’un CP bilingue à l’école de Merville,
 l’ouverture d’une troisième classe bilingue à l’école de la Nouvelle Ville.
 le refus de l’austérité budgétaire et le maintien d’un enseignement public de qualité, dans les classes bilingues comme les classes monolingues.

Avec ses moyens de communication (bulletin municipal, plaquettes...), en favorisant l’information du public sur le bilinguisme à l’école publique lors de l’inscription des enfants par leurs parents en mairie, la mairie dispose de tous les moyens pour aider à trouver les enfants dont l’école de Nouvelle Ville a besoin pour sa troisième classe. Il suffit, pour ce faire, qu’elle en est la volonté. Nous sommes certains que le mouvement bretonnant lorientais la soutiendra dans cette démarche.

C’est la voie de la raison. Nous y croyons.

Pierrick le Feuvre
 webmestre du site ouiaubreton

(1) Rappelons que les enfants qui apprennent le breton apprennent aussi le français. A cette opposition factice entre britophones et francophones, nous préférons les termes, moins équivoques, de bilingues et monolingues.
Cet article, ainsi que quelques autres sur le même sujet, est également lisible sur le site ouiaubreton. (voir le site)  

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