LETTRE OUVERTE A LA REDACTION DES INFOS DU PAYS DE REDON
Monsieur le rédacteur en chef,
Les médias nous habituent depuis longtemps au Grand Ouest, météo, réseau autoroutier, actualités, élections européennes, mais aussi aux croix celtiques que l’on retrouvent au hasard sur les tombes profanées dans les cimetières (il vaut mieux designer du doigt certaines communautés que d’autres, c’est moins risqué) etc. et à l’occasion de la conférence sur les Seiz Breur en Juillet dernier, vous avez cru bon de nous resservir, en page 8 de votre hebdomadaire, le maintenant traditionnel refrain : nationalisme breton = fascisme, communautarisme.
En vous inspirant de l’ouvrage d’une « Universitaire bretonne » (une aubaine) qui apparemment a davantage été séduite par les vents d’Est et les thèses de la FEN en ce qui concerne la décentralisation et la modernisation de ce pays que par les vents d’ouest, d’aventure et de liberté qui soufflent sur notre impétueuse Bretagne, vous contribuez ainsi largement à répandre l’idée dans l’opinion publique que toute identité ou autonomie régionale, tout dispositif de dévolution est nocif car porteur de ces « dérives fascistes »
Dans l’ouvrage cité, l’auteur va même jusqu’à présenter l’abbé Perrot comme le « promoteur de l’extermination des juifs » Je comprend qu’il fallait trouver quelque chose en cette période ou le président français entamait une campagne pour lutter contre, je cite, « un antisémitisme renaissant en France », mais excusez moi l’expression, cela paraît un peu gros et classe d’emblée votre source dans un registre douteux. Autre crime cité par cette Universitaire : une revue artistique de l’époque et intitulée « Kernog », en français « Occident ». Vous vous rendez compte oser faire référence à nos valeurs occidentales, à nos cathédrales, à nos chapelles, à nos aventures humaines, bref au génie de l’Europe, et en plus un certain Xavier de Langlais qui illustre ces revues avec des représentations de chevalier breton en armes aux couleur de l’hermine ! Quel scandale !
Chantal Delsol, professeur de philosophie politique à l’université de Marne la Vallée a écrit dans le Figaro du 22 juin dernier dans un article intitulé « comment être français » : je cite « être patriote c’est aimer sa patrie sans la travestir, et sans en avoir honte, c’est aimer un pays réel avec ses grandeurs, et ses catastrophes, ses erreurs et ses gloires »
Il y a eu pendant cette dernière guerre, en Bretagne comme dans le reste de la France, mais pas plus
(Chantal Delsol cite encore un peu plus loin : la France avec ses 40 millions de pétainistes et de son intelligentsia stalinienne) des dérives, des erreurs et personne ne le niera, mais à quoi bon nous marteler cela encore pendant des siècles ? Les bretons n’ont pas de leçon à recevoir de qui que soit en terme de « bonne conduite », leur valeurs sont celles du travail et du courage et ils sont nombreux sur les théâtres extérieurs à œuvrer au quotidien pour le développement des peuples du tiers et du quart monde. Continuer cette basse besogne de dévalorisation de notre identité, culpabilisation de notre peuple vous fait tout simplement basculer dans le camps des « collaborateurs » d’une nouvelle cause douteuse.
Car la réalité contemporaine est toute autre. D’abord, je vous laisserai aller expliquer aux associations culturelles bretonnes contemporaines, musique, chant, danse, édition, cinéma, histoire, qu’elles font le lit du fascisme. Tout le monde reconnaît, et les entreprises bretonnes en premier, que notre mouvement culturel a largement contribué à l’essor de notre économie. Ensuite, je vous laisserai expliquer aux Ecossais, aux Gallois, aux Catalans, aux Lombards, aux Toscans aux Galiciens, aux Asturiens, à toutes ces régions autonomes d’Europe, que leur parlement régional est un foyer de nazisme, et enfin que ceux qui militent aujourd’hui pour plus d’autonomie économique et politique, bref pour plus de responsabilités, soient des nostalgiques des bruits de bottes et du passé. Bien au contraire ce sont les éclaireurs, car la Bretagne d’aujourd’hui, amputée arbitrairement de son département le plus industrialisé et de sa porte vers le large, menacée d’une disparition programmée dans un grand ouest artificiel, est encore en 2004, soumise comme les autres régions de France, au centralisme outrancier de cet etat-nation à bout de souffle, ce pays dont l’organisation complètement obsolète ne répond plus aux exigences de réactivité du monde moderne, qui par ses corporatismes bloqués, son refus de la reforme, son endettement public, son niveau de prélèvement fiscal, son refus d’une véritable décentralisation, nous place chaque jour davantage hors jeux dans le concert des grandes régions européennes autonomes.
Et c’est justement ce pays, condamné chaque année pour de multiples infractions aux règles européennes, dans le domaine économique comme dans celui des droits de l’homme ( bien qu’il s’en autoproclame le champion) qui nous représente à Bruxelles ! Vous pourriez faire remarquer à vos lecteurs que si les entreprises quittent la Bretagne, c’est peut être qu’elles quittent d’abord le système français et que si nous avions les leviers politiques et économiques en main, nous aurions sûrement des réponses plus adaptées. Passer d’une logique de resto du cœur à celle de création d’entreprise, n’est pas chose facile, c’est une véritable psychothérapie
Voilà ce à quoi vous devriez œuvrer, au lieu de vous confiner dans des missions de déstabilisation et dévalorisation des esprits et des valeurs qui ont fait la réputation des bretons de part le monde. Vous accompliriez alors une action critique, positive et utile tant au niveau régional que national.
Le monde de la presse nous clame et nous réclame chaque jour sa liberté d’expression. Alors saisissez là, cette liberté : pour instruire, éclairer, élever le debat, et non pour l’obscurcir.
Pierre Le Labousse