On ne peut que déplorer la baisse du pouvoir d’achat des Bretons qui, bien souvent ne peuvent même plus acheter une maison dans leur propre région, alors que Parisiens et Britanniques se disputent les places au soleil, en bord de mer ou en Argoat.
Il n'y a pas que des retraités ou des saisonniers, qui sont attirés par la Bretagne, mais de plus en plus de familles avec des enfants à scholariser, soucieux de les élever dans un cadre agréable avec une criminalité tres faible et une étonnante cohésion sociale. De plus, la Bretagne est belle. Epargnée par la révolution industrielle, les problèmes de pollution des eaux y sont relativement récents et maitrisables.
Si une maison sur l'Ile au Moine coûte aussi cher, voir plus, qu'un appartement sur les grands boulevards parisiens, une ferme ancienne en centre Bretagne coûte 3 ou 4 fois moins cher qu'une résidence dans le Devon. Dans les deux cas, les Bretons sont souvent exclus du marché. Les prix montent. Ils flambent. La Bretagne est à vendre au plus offrant et les plus offrant sont de moins en moins des locaux.
Certains veulent s'en prendre aux agents immobiliers, aux promoteurs ou simplement à ce qu'ils appellent des spéculateurs mais ceux-ci, même s'ils profitent de la situation, ne sont en aucun cas responsables du marché de l’immobilier et de la conjecture désavantageuse pour les Bretons.
Les agents immobiliers ne sont pas des spéculateurs, mais vendent au plus offrant selon ce qui se fait partout dans le monde et qui va d'ailleurs être régi par la nouvelle constitution européenne pour que tout soit clair une fois pour toutes et dans tous les états européens. C'est la règle du jeu. Elle est la même pour tous. D'ailleurs ce sont les Bretons eux-mêmes qui décident a qui ils vendent leur ferme ou leur maison. Faut-il le rappeler?
Alors à qui la faute ?
Il y a deux déséquilibres en vigueur: La politique de concentration économique en Ile de France suivie depuis des décennies par les gouvernements français a eu pour conséquence l’appauvrissement des provinces par rapport à la Région Parisienne (la première région européenne). C'est la centralisation et la concentration qui a créé les inégalités de niveau de vie entre la capitale et les régions. L'île de France est la région la plus riche d'Europe et aussi la plus peuplée. Avec 11 millions d'habitants, elle est plus peuplée et plus riche que la Belgique.
Plus du quart des établissements étrangers installés en France le sont en Île-de-France, soit près de 100 000 établissements employant 463 000 personnes. Plus de la moitié des sièges sociaux des filiales étrangères implantées en France sont regroupés en région parisienne. L'Île-de-France reste la première destination mondiale, tant pour le tourisme que pour les déplacements professionnels. Fortement tertiarisée (83%), l'Île-de-France regroupe également une surreprésentation des cadres supérieurs (41% des cadres supérieurs sont en Île-de-France).
Le deuxième déséquilibre est celui entre la France et la Grande-Bretagne. Parmi les entreprises nouvellement installées en Europe, 16% ont choisi Paris, mais 31% ont préféré Londres. Comme place financière européenne, Paris est devancée par Londres et Frankfort. Le PNB par habitant en France est passé de la 11e position mondiale en 1990 à la 21e en 2004. En fait La France recule d'une place par an d'une façon régulière. En Europe, l'Irlande, le Royaume-Uni et la Finlande sont passés devant la France et l'Espagne arrive très vite derrière. La France est de moins en moins intéressante pour les investissements. Pire, les délocalisations s'accentuent à un rythme alarmant. Le journal L'expansion reporte que 200 000 emplois-ouvriers ont été perdus en deux ans. L'OCDE affirme qu'un emploi sur 20 en France est touché par les délocalisations.
C'est l'absence d’une libéralisation radicale de l'économie en France comme cela a été fait en GB qui a fait reculer l'économie française.
En Bretagne, le recul du pouvoir d'achat des Bretons, la monté du chômage, la fermeture ou la réduction des effectifs de nombreux centre de recherches de Thalès ou de France TELECOM, la fermeture de sites de l 'industrie électronique comme STMicro à Rennes, l'échec de nombreuses startups Telecom à Lannion, ne peuvent êtres imputés qu'a la lenteur des réformes au niveau national. Le monde change plus vite que le rythme des réformes que la France peut ou veut s'imposer.
La mollesse du gouvernement, face aux lobbies syndicaux et aux intérêts particuliers d'entreprises du secteur public, est la cause profonde du recul du pouvoir d'achat des Français. Ce recul, souvent ignoré par les media est mis en évidence par ce qui se passe en Bretagne avec l'arrivé d’Anglais avec des bourses bien pleines. On avait pris l'habitude de voir un Parisien faire construire une villa en bordure de mer.. Après tout, il parlait la même langue le plus souvent. Les Anglais sont plus visibles même s'ils se font discrets et sont très respectueux de l’architecture et des traditions bretonnes. On ne peut ne pas les voir débarquer.
En période de crise économique ou de récession, les gouvernements cherchent toujours des boucs émissaires. Que certains Bretons s'en prennent aux agents immobiliers ou aux Britanniques ne fait que le jeu du gouvernement. Il fait tout ce qu'il peut pour détourner l'attention de son échec. Que ces gouvernements soient de gauche ou de droite, il devient de plus en plus évident qu'ils sont incapables d'effectuer les reformes nécessaire au niveau de la décentralisation et de la libéralisation.
L'une ne peut se faire sans l'autre.
Philippe Argouarch