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- Tribune libre -
Le projet de port de plaisance au Guilvinec est un non-sens
Dans la situation actuelle de déclin économique et culturel relatif de l’Europe par rapport aux pays émergeants et aux Etats-Unis, tout investissement public, quelle que soit sa taille, quelle que
Par Jakez Cosquer pour Jakez Cosquer le 25/05/13 13:21

Dans la situation actuelle de déclin économique et culturel relatif de l'Europe par rapport aux pays émergeants et aux Etats-Unis, tout investissement public, quelle que soit sa taille, quelle que soit sa localisation n'est pas sans conséquence sur le redressement productif auquel la Bretagne et la France doivent se contraindre sans restriction.

Le choix d'investir dans l'aménagement d'un port de plaisance au Guilvinec vient couronner une politique de transformation progressive du port de pêche en lieu de villégiature menée pendant les deux dernières mandatures. Tant qu'il ne s'agissait que d'aménager les abords du port et la façade littorale ou de valoriser l'histoire de la pêche dans un musée, pourquoi pas ?

Mais faire coexister un port de plaisance de 700 places avec un port de pêche, c'est condamner à très moyen terme l'activité industrielle du Guilvinec. A court terme c'est donner, à la communauté européenne et à l'Etat un signe fort du souhait des Bigoudens et au-delà des Bretons d'abandonner définitivement l'exploitation du potentiel maritime de la Bretagne. Il ne faut pas oublier que le quartier maritime du Guilvinec est le symbole d'une volonté multiséculaire de développement et d'innovation. C'est pourquoi, les institutions qui font pressions pour règlementer les captures verront dans ce signal une aubaine pour enfin orienter le marché du poisson et l'industrie de la pêche vers d'autres territoires et d'autres pays.

Le secteur de la plaisance ne peut être source de développement économique et de création de richesses. C'est une économie stagnante dont la fragilité est bien démontrée par les difficultés actuelles des pays du sud de l'Europe. C'est une activité qui repose essentiellement sur la consommation d'espaces fonciers et maritimes avec les conséquences sur le niveau des prix non seulement à terre mais aussi sur mer. Les élus sont très imprudents, dans ce domaine, de s'engager à contrer ces évolutions prévisibles. Ces mécanismes inflationnistes échappent à leur pouvoir et par les temps qui courent tout le monde connaît le sort réservé aux promesses des hommes politiques.

Pour que la gestion d'un port de plaisance ne soit pas déficitaire, il faut qu'il y ait des clients, pour qu'il y ait des clients il faut que les prix soient compétitifs, les services de qualité supérieure à celui des autres ports de plaisance. En conséquence, pour couvrir les charges de structure il faudra immanquablement augmenter les places et pour assurer un service correct, il faudra, entre autres, lever les restrictions d'horaires d'entrée et de sortie des plaisanciers.

Inexorablement, pour des impératifs financiers, comptables et économiques, les marins n'auront plus leur place dans le port du Guilvinec et les retraités devront payer le prix fort pour mouiller leur bateau de plaisance.

Sur terre, la population changera de style et son intérêt sera alors de défendre ses loisirs au détriment des besoins légitimes des travailleurs de la mer.

La mer n'appartiendra plus à ceux qui depuis des temps immémoriaux y ont puisé leur nourriture et construit leur vie.

Après plus d'un siècle de labeur, d'imagination, de luttes, les Guilvinistes ne méritent pas que l'on sacrifie le fonds de leur port qui doit rester un lieu naturel admirable.

Le Guilvinec doit avoir une autre ambition : celle de faire de son port une place de capture et de vente de haut niveau. Mais pour cela il ne faut pas attendre des autres qu'ils dictent ce qu'il y a à faire. Au lieu de casser les roches, de déplacer les sables, de détruire l'équilibre géologique, il faut investir le coût de ce projet dans des actions de lobbying auprès de Bruxelles, de réflexions sur les conditions urbanistiques d'aménagement d'un marché du poisson de niveau européen digne du XXIème siècle et aussi de concertation à l'échelle du Cap Caval qui fût aux XVIème et XVIIème siècle, ne l'oublions pas, un pays de cocagne.

Jakez COSQUER

Economiste

Expert comptable

Président fondateur de APEEB-Divyezh, de DIORREN, vice président du Club de Bretagne

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