Il y a quelques années, pour mériter l'appellation de nationaliste breton, il fallait au moins avoir écrit sur les murs "Les Français dehors", ou posé une bombe. On pouvait aussi, au nom des libertés bretonnes, refuser de payer ses impôts ou de faire son service militaire. Et encore, beaucoup de ceux qui ont connu la prison pour ces raisons trouvaient l'étiquette de "nationaliste" excessive ou mal adaptée.
Aujourd'hui, il suffit d'avoir bavé sur Facebook en se disant breton pour se considérer comme nationaliste. La presse qui, elle non plus, ne connaît le sens des mots, en rajoute en décernant le titre d' "ultranationaliste".
Remettons les points sur les i.
1 - Le nationalisme breton, ce n'est pas "Plus Breton que moi tu meurs !"
L'identité n'est pas une compétition. Est Breton celui qui le décide et qui l'assume. Être nationaliste breton, c'est porter un héritage et le transmettre. Peu importe le nom que l'on porte, son lieu de naissance ou la couleur de sa peau. L'objectif du nationaliste est que l'héritage se transmette, quelle que soit la manière, quel que soit le messager, jusqu'au réveil du dragon. Ceux qui n'ont pas compris cela ne sont pas des nationalistes. Ce sont des agences de notation. Le triple A de la bretonnité n'existe pas. Ceux qui croient savoir ce qu'est un "bon breton" ont raté leur carrière de sélectionneur d'équipe de foot. Et encore, un sélectionneur fait la différence entre les qualités d'un attaquant, d'un défenseur, ou d'un ailier gauche.
L'identité bretonne n'est pas octroyée par une instance supérieure, comme la préfecture délivre une carte d'identité. C'est confondre l'État et la nation, une administration et une communauté. Un nationaliste n'est pas quelqu'un qui rêve d'être préfet.
2 - Le nationalisme breton, ce n'est pas "Prenons les armes et battez-vous !"
Au temps des attentats du FLB, il y avait peu de déclarations guerrières. Elles se multiplient aujourd'hui, alors qu'il n'y a plus d'attentats et que les actes de désobéissance sont rares. La déclaration guerrière est une sorte de genre littéraire. Elle permet, dans un théâtre d'ombres, de faire preuve d'audace, de cruauté, d'autorité, d'abnégation ou de sens du sacrifice. Ce genre de sketch n'a rien à voir avec le nationalisme breton. Le risque existe, pour les naïfs ou les généreux, d'être manipulés par des paranos ou des pervers.
3 - Le nationalisme breton, ce n'est pas "Je n'aime pas les étrangers !"
Ça, c'est de la xénophobie ou du racisme, pas du nationalisme. Pour qu'une petite nation comme la Bretagne trouve sa place dans le concert des nations, il lui faut des proches, des amis, des alliés. Il lui en faut même plus que ses adversaires. S'en prendre aux islamistes et se revendiquer de Breiz Atao est ridicule. Les vieux Breiz Atao, les vrais, auraient pris contact depuis belle lurette avec l'État Islamique. Certains séparatistes, au cours des années 70, avaient pris contact avec des pays communistes. Autrefois, ceux qui défendaient l'indépendance bretonne entretenaient des relations cordiales avec l'Angleterre, l'Espagne, l'Allemagne. Refuser des relations internationales pour la Bretagne, c'est refuser de lui donner une histoire.
4 - Le nationalisme breton, ce n'est pas "A bas le multiculturalisme !"
Ça, c'est du nationalisme français, pas du nationalisme breton. Les petits pays comme la Bretagne, le Danemark ou l'Islande, ne peuvent pas se replier sur leur langue ou leur culture. Pour survivre, ils doivent échanger, acquérir des savoirs étrangers, importer et exporter. Le monoculturalisme breton est impossible, contrairement au monolinguisme et au monoculturalisme français. L'identité bretonne ne peut s'épanouir que dans une polyculture intelligente, chargée de sens et de perspectives, bien différente du ragoût multiculturel de la société de consommation.
5 - Le nationalisme breton, ce n'est pas "En avant, marche !"
Les petites nations n'entrent pas dans la course à la puissance. Elles ne marchent pas au pas cadencé. Elles aspirent seulement au bien-être, qui passe par la relocalisation des décisions. La force d'une grande nation, c'est son armée, sa machine administrative, le poids de sa pyramide. La force des petites nations, c'est l'énergie de leurs populations. Les principes de la thermodynamique montrent que ce sont les différences de potentiel qui créent l'énergie, pas l'uniformisation. C'est ce qu'ont bien compris les Suisses. Plus une nation est petite, plus elle doit impliquer dans son fonctionnement le maximum de ses membres. Elle doit articuler les diversités et organiser la démocratie. Une grande nation dépérit quand le sommet n'arrive plus à se faire obéir de la base. Une petite nation dépérit quand ses membres perdent le plaisir d'être ensemble et de décider ensemble.
Jean Pierre LE MAT