
L'association Bemdez de Vannes vient de faire paraître une critique du Dictionnaire d'Histoire de Bretagne aux Éditions Skol Vreizh. Il nous a paru intéressant de diffuser ce texte dans la mesure où nous pensons qu'il est grand temps que la connaissance et la vulgarisation de notre histoire re-deviennent un débat d'actualité
L'association Bemdez de Vannes vient de faire paraître une critique du Dictionnaire d'Histoire de Bretagne aux Éditions Skol Vreizh. Il nous a paru intéressant de diffuser ce texte dans la mesure où nous pensons qu'il est grand temps que la connaissance et la vulgarisation de notre histoire re-deviennent un débat d'actualité.
Communiqué de Bemdez :
Les éditions Skol Vreizh viennent de faire paraître un ouvrage intitulé : " Dictionnaire d'Histoire de Bretagne " qui veut faire le point sur la recherche historique concernant la Bretagne en cette fin d'année 2008. Un ouvrage d'une telle nature ne peut à priori que réjouir ceux qui s'intéressent à l'histoire de la Bretagne. La déception est d'autant plus grande devant le parti-pris d'une part importante des articles, au point de créer un grand malaise chez le lecteur. L'ouvrage est dirigé par des universitaires brestois dont la vision de la Bretagne se coule dans celle de l'historiographie française traditionnelle. Cette vision hexagonale de la Bretagne, liée aussi aux contraintes de l'appartenance à l'université française, tout comme le choix de favoriser les rédacteurs à l'orientation idéologique affirmée, conduit trop souvent à un travail partisan et sans nuances avec même certains dérapages inacceptables. La ligne politique choisie par l'équipe directoriale ne doit pas pour autant empêcher de noter la qualité des articles de nombre de collaborateurs de talent qui ont participé à l'ouvrage en toute bonne foi.
Dans les domaines essentiels concernant l'histoire de la Bretagne : l'indépendance de la Bretagne avant les invasions françaises de 1487-1491 ; les conditions du rattachement de la Bretagne à la France ; l'existence d'une nation bretonne et l'identité bretonne ; la Bretagne et la Révolution française ; le mouvement breton contemporain –Emsav – ; la langue bretonne ; les articles reprennent les thèses françaises les moins ouvertes. L'indépendance de la Bretagne est niée, alors même que du Ve siècle au XVe siècle elle ne subit jamais aucune administration franque ou française, sauf de manière très ponctuelle, sous le prétexte que les souverains francs et français revendiquent sa domination. L'existence de l'identité, et donc de la nation bretonne, est ramenée à une invention des folkloristes du XIXe siècle alors que l'apparition des nations est très antérieure et que la Bretagne en remplit les critères avant même la France, ce que reconnaît la communauté historique européenne. L'invasion de la Bretagne par la France de 1488 à 1491 est présentée comme un non événement, tout comme le Traité de rattachement de 1532, et donnés comme acceptés par les Bretons alors que des milliers d'entre eux sont morts pour leur liberté et que le Traité a été imposé.
Les événements les plus récents reprennent aussi cette vision franco-française. La Révolution est montrée comme refusée par une population conservatrice face à une minorité éclairée de " Bleus " et l'action des terroristes jacobins excusée. Ses conséquences sont minorées et la Bretagne est même montrée comme marchant vers la modernité alors qu'après trois cents ans de présence française elle est passée de la situation d'un État prospère à la population respectée dans toute l'Europe à celle d'une région misérable à la population méprisée. Pour le 20è siècle, si les dérives de certains nationalistes bretons sont systématiquement mises en avant, rien, ou si peu, sur la politique de débretonnisation des autorités françaises et la volonté de destruction de l'identité bretonne ; rien sur la participation de l'administration française (gendarmerie, police, juges) à la lutte contre la Résistance et à l'arrestation des Juifs ; rien, ou si peu, sur la brutalité de la répression contre le mouvement breton après la Libération. Pour la langue bretonne, rien sur l'œuvre immense de Roparz Hemon mais des allusions grossières sur son action pendant la guerre. Par ailleurs la liste des partis pris est longue, de la volonté de minorer l'importance de certains souverains bretons aux tentatives de présenter les Bretons comme antisémites et cela de façon totalement antihistorique.
Par sa façon unilatérale de présenter l'histoire de la Bretagne, quasi-systématiquement d'un point de vue français, mis à part de rares exceptions ; par son refus de la simple présentation des idées bretonnes sur celle-ci, l'ouvrage pose de graves problèmes tant il apparaît idéologiquement marqué. Une telle présentation de leur Histoire dans d'autres nations sans État en Europe (Catalogne, Pays Basque, Écosse, Pays de Galles…) aurait été impossible. Au-delà d'une histoire falsifiée, se pose le problème du respect du Peuple breton, le problème d'une véritable démocratie où l'histoire ne serait plus un instrument idéologique visant d'abord à conditionner la population. Nous appelons de nos vœux à la rédaction d'une Histoire impartiale de la Bretagne. Nous souhaitons aussi la mise en place d'un enseignement de leur Histoire qui rende aux Bretons toute leur identité dans le cadre d'un système éducatif rénové et ouvert sur le monde.
Pour Bemdez, Gérard Guillemot.
Kevredigezh / Association Bemdez
Ti ar c'hevredigezhioù / Maison des associations
6 straed ar Govuerezh / 6 rue de la Tannerie
56 000 Gwened / Vannes – Breizh / Bretagne
– Tél : 06 11 51 43 15
Commentaires (13)
Je note aussi que l'article "Réunification" n'existe pas. Le combat pour la réunification de la Bretagne ne serait-il pas de l'histoire ?
Le mot n'est pas non plus dans l'index. Donc il n'y aurait pas, dans ce monumental ouvrage, même un paragraphe qui en traiterait...
Si. Page 638, dans "Région", dernier paragraphe – après une rédaction plus haut qui laisserait croire que le Célib a entériné sans sourciller le découpage de Vichy (à vérifier) – : L'originalité bretonne tient dans la persistance de la contestation du découpage territorial, menée par l'association B5 à partir de 1973, puis par le Cuab (Comité pour l'unité administrative de la Bretagne), créé en 1980 et devenu aujourd'hui Bretagne réunie après avoir connu dans les années 1990 une "traversée du désert" selon les termes d'un de ses présidents, Pierre-Yves Le Rhun. Point question, comme on le voit, du mot qui doit faire peur : Réunification. On regrette aussi la mention du livre de Françoise Morvan "Le monde comme si" dans la bibliographie, réf. 2930.
On s'étonne aussi de la mention de Jean Markale , dont chacun sait qu'il a été parfois un plagiaire, (p. 709 dans "Surréalisme").
Toutefois, ne serait-ce que par ses 3.800 références bien classées par thèmes, en 90 pages de bibliographie, ce livre est remarquable.
Pour les sujets contemporains, je peux démontrer la légereté (au moins) des auteurs parlant d'un sujet que je connais on ne peut mieux: la musique bretonne contemporaine et son influence. A part le bon article sur les festoù-noz, ils mélangent le vrai et le faux.
Aucune raison de croire qu'il n'en n'est pas de même pour des temps moins récents. Pour l'un d'eux que j'ai étudié spécialement, la harpe, l'auteur en reste à des positions éculées, sans avoir suivi les recherches plus récentes, et, même, il se contredit.
J'en parle précisément sur mon blog dans http://www.alan-stivell.com
La question qui restera ouverte: la part d'inconscient ou de conscient dans ces approximations tendancieuses et clairement incohérentes.
Félicitations pour une analyse lucide d'un ouvrage qui n'est pas sans mérites mais pêche par tous les points que vous soulignez. Mais que fallait-il attendre d'un dictionnaire dont le maître d'oeuvre est un jaciobino-collectiviste bien connu. Il est regrettable que Skol Vreizh, qui nous a donné tant d'ouvrages remarquables dont je possède un grand nombre se soit égarée dans une aventure qui ne grandit ni l'éditeur ni certains des auteurs.
A wir galon ganeoc'h evit hor Bro.
PJ Hélias avait effectivement le complexe du plouc mais avec Alain Croix c'est impossible car il n'est pas breton. Originaire d'Amiens il a fait sa thèse d'Histoire sur le 17è siècle et connait très mal le Moyen-Age par exemple. Pour lui la France a apporté la civilisation aux Bretons et c'est tout, il est complètement dans la vision de l'école française de l'Histoire de Bretagne. Tout ce qu'il dit sur celle-ci sert à rentrer dans les clous de l'Histoire de France, qui est un tissu d'inexactitudes pour reprendre l'expression récente du romancier Gilles Martin-Chauffier, qui vient d'écrire un ouvrage intéressant : "Le Roman de la Bretagne" où il compare la Bretagne au Portugal.
Alors Alain Croix, "trouille ou incompétence ?", je répond : idéologie, jacobinisme.
Le problème c'est qu'il n'y a actuellement aucun historien digne de ce nom en Bretagne, prêt à rétablir certaines choses avec intelligence, compétence et modération...