"Passer d'une société dans laquelle chacun est présumé innocent à une autre ou la culpabilité est supposée pour tous à partir de l'âge de treize ans est une dérive dangereuse pour un État de Droit." C'est pourtant dans ce cas de figure que nous nous trouvons aujourd'hui.
Prétextant la lutte contre l'insécurité le gouvernement de l'État français a décidé de regrouper deux services de police qui hier encore n'avaient pas la même vocation. Une des premières conséquences est la création du fichier Edvige. Ce fichier est mis en place pour informer directement le gouvernement sur des individus engagés ou susceptibles de s'engager, entre autre, en fonction de leurs idées et de leurs engagements dans la vie associative. Une nouveauté par rapport à son prédécesseur, le fichier des renseignements généraux qui, lui, avait pour rôle de permettre d'apprécier une situation politique, économique ou sociale dans le pays.
"La Direction du Renseignement Intérieur"
La DRI regroupe la Direction centrale des renseignements généraux (DCRG) et la Direction de la sécurité du territoire (DST) autour de quatre missions : l'intelligence économique, la lutte contre le terrorisme, le contre-espionnage et l'"analyse des mouvements sociaux et des faits de société".
Cette réforme est une volonté de Nicolas Sarkozy. Elle est préparée de longue date par un de ses proches, Bernard Squarcini ( (voir le site) , aujourd'hui premier patron de la DRI. Le regroupement s'accompagne de l'attribution aux officiers et commissaires des RG de la qualification d'officiers de police judiciaire, délivrée par les procureurs, et dont bénéficient tous les agents de la DST. De même, certains fonctionnaires des RG devront recevoir le label "secret défense" attribué systématiquement à ceux de la DST.
Le dossier Cristina est lui aussi une conséquence de ce regroupement, à la différence d'Edvige, Cristina conserve le caractère secret des anciens fichiers DST. En clair, le premier est soumis au contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), l'autre pas. Cristina restera inaccessible aux citoyens.
Le « secret défense » protège une fiche contre la volonté du citoyen lambda quand celui-ci veut y accéder pour y faire modifier des éléments fallacieux. Cette procédure se fait par l'intermédiaire de la CNIL. "Plusieurs militants bretons se sont vu refuser cet accès direct."
"Edvige l'arbre qui cache la forêt"
Qui ficherait 60 millions de Français ? Ce n'est pas la police avec Edvige. Ce serait les gendarmes si l'on en croit les accusations formulées sur Le Post par un officier de police.
Sur Le Post le secrétaire général adjoint du syndicat de police Synergie officiers, met en cause les gendarmes qui nous fichent, en toute illégalité, sans que ce soit déclaré nulle part.
Depuis une bonne dizaine d'années, dans toutes les gendarmeries de France, on collecte des informations personnelles identiques à celles que contiennent le fichier Edvige. Tout cela en secret évidement.
Il y un problème et il est de taille : c'est que ces fichiers ne sont pas déclarés à la CNIL [Commission nationale de l'informatique et des libertés,]. « En gros, c'est secret : on ne sait pas ce qui est écrit sur les citoyens sur ces fichiers des gendarmes, » précise le policier.
D'après lui, les gendarmes collecteraient ces infos car ils sont rentrés en concurrence avec la police pour fournir des indications aux préfets et ainsi montrer à ces derniers qu'ils peuvent étendre leur champ de compétence. La guerre des polices ?
La rivalité entre les services de police et de gendarmerie ne peut pas justifier, à elle seule, les propos tenus par ce responsable syndical. Car, renseignements pris, il semble que les gendarmes collectent bien des infos en secret... Le spécialiste des questions de sécurité, Alain Bauer (voir le site) a publié un rapport très critique consacré aux "Fichiers de police et de gendarmerie" en novembre 2006. D'après ce rapport, il existe des fichiers de gendarmerie non déclarés, et ne disposant donc toujours pas de base légale.
Parmi ces fichiers, le plus inquiétant serait le "fichier alphabétique de renseignements" (FAR) selon le Big Brother Awards (voir le site) , un jury qui décerne chaque année des prix aux institutions mettant le plus en danger les libertés individuelles. Le "fichier alphabétique de renseignements" (FAR) dont parle le rapport Bauer a pour vocation de permettre aux militaires des unités opérationnelles d'acquérir une connaissance approfondie de leur population résidente, en particulier sur leur dangerosité. On l'estime à 60 millions de fiches. Le nombre de consultations n'est pas comptabilisé, d'après le rapport Bauer. Petite consolation il devrait disparaître d'ici 2 ans. Parole de gendarme ?
"Toiletter et débaptiser le fichier Edvige ne change rien." C'est simplement un effet d'annonce du gouvernement pour démobiliser une partie des opposants, les articles les plus liberticides du projet sont conservés. "Par contre l'effritement des Droits de l'Homme en France est bien réel."
M. Herjean