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- Présentation de livre -
La Bretagne n'a pas dit son dernier mot
Le Salon d'hiver des écrivains bretons a eu lieu à Paris le 1er décembre. Occasion de dialoguer avec des auteurs connus en Bretagne et méconnus au-delà et aussi l'occasion de découvrir des ouvrages peu - ou pas - diffusés dans les librairies parisiennes ni même au Pays. Lieu d'échanges entre lecteurs passionnés et auteurs qui souvent ne se connaissent pas entre eux. Mon voisin de signature était Marcel Texier, auteur de ''La Bretagne n'a pas dit son dernier mot''.
Angèle Jacq pour ABP le 2/12/07 20:02

Le Salon d'hiver des écrivains bretons a eu lieu à Paris le 1er décembre ( voir l'article ). Occasion de dialoguer avec des auteurs connus en Bretagne et méconnus au-delà et aussi l'occasion de découvrir des ouvrages peu – ou pas - diffusés dans les librairies parisiennes ni même au Pays.

Lieu d'échanges entre lecteurs passionnés et auteurs qui souvent ne se connaissent pas entre eux. Mon voisin de signature était Marcel Texier, auteur de « La Bretagne n'a pas dit son dernier mot ». Ce livre est un régal, d'une diversité additionnée de réflexions, de commentaires, d'interviews, d'Histoire, œuvre d'un universitaire gallo qui un jour a appris le breton et que le breton a transformé.

Extrait :

Le pays-qui-n'existe-pas, un conte pour les petits et pour les grands

Il était une fois, il n'y a pas si longtemps - c'était le 30 juin 1941 - deux fées, méchantes et malfaisantes, qui décidèrent de créer le Pays-qui-n'existe-pas. Ces deux fées, qui s'appelaient Pétaine et Darlane, s'étaient acoquinées avec un encore plus méchant et plus malfaisant qui s'appelait Adolf Le Hurleur. Pétaine et Darlane n'étaient pas contentes parce que les hommes de Bretaigne eux, n'aimaient pas Adolf Le Hurleur, traversaient la mer en grand nombre pour aller le combattre aux côtés d'un général très grand qu'on appelait justement Deux-Perches. Certains d'ailleurs pensent que son vrai nom était Deux-Gaules.

Pour les punir, les deux vilaines fées Pétaine et Darlane décidèrent donc de couper un morceau de la Bretaigne et, en prenant un petit bout par-ci, un petit bout par-là, de faire un drôle de pays qu'elles appelèrent d'un drôle de nom : « Les Peaux-de-Loirs ». Elles mirent le tout dans un grand chaudron et se mirent touiller en répétant leur formule magique :
« Vite, vite, ratatouille,
Fric et fric et gross' magouille,
Décervelle et ratata,
Peaux-de-Loirs bientôt sera ! »

Mais elles avaient beau touiller et répéter leur formule magique, le Pays-qui-n'existe-pas n'arrivait pas à exister. Les deux méchantes fées finirent par passer de vie à trépas et leur succédèrent toute une série de vilains personnages qui s'efforcèrent à leur tour, en touillant et en touillant et en répétant sans cesse la même formule magique, de faire exister le « Pays qui n'existait pas ». Seulement, plus ils touillaient, moins le pays existait : les habitants du morceau de Bretaigne ne se sentaient toujours pas Peaux-de-Loiriens - les autres non plus, d'ailleurs. Il faut dire que les habitants du morceau de Bretaigne n'avaient jamais accepté d'être mis dans un pays pareil. « Nous étions dans un beau pays », disaient-ils, « avec une vraie et une fière histoire, un pays qui existe vraiment depuis plus de onze cents ans, qui envoyait ses bateaux sur toutes les mers du monde et qui en ramenaient plein de richesses au temps où il était libre. Pourquoi nous mettre dans un pays qui n'existe pas, qui n'a pas d'histoire et qui ne sait même pas ce que c'est que la mer ? ».
On ne leur répondait même pas. Sourds à toute autre chose, les vilains personnages continuaient à touiller et à répéter :
« Vite, vite, ratatouille,
Fric et fric et gross' magouille,
Décervelle et ratata,
Peaux-de-Loirs bientôt sera ! »

Les habitants du morceau de Bretaigne étaient des gens patients et peu portés aux emportements. Mais, peu à peu, quand ils s'aperçurent qu'ils devenaient de plus en plus pauvres, qu'ils avaient de plus en plus de mal à trouver du travail et, non content de cela, qu'on dépensait leur argent sans compter pour faire croire que le « Pays-qui-n'existe-pas » se mettait à exister, ils en eurent assez.

Ils se mirent à recouvrir de peinture noire le nom de « Peaux-de-Loirs » partout où ils le trouvaient. Les plus courageux refusèrent de payer leurs impôts dans le « Pays qui n'existait pas » et les payaient dans leur vrai pays, le pays de Bretaigne. Les vilains personnages d'abord firent semblant de ne rien voir. Ils touillaient de plus belle, répétant sans se lasser :
« Vite, vite, ratatouille,
Fric et fric et gross' magouille,
Décervelle et ratata,
Peaux-de-Loirs bientôt sera ! »

Ils ne voyaient pas, les vilains personnages, que le monde autour d'eux continuait à tourner, qu'il tournait même de plus en plus vite et pas du tout dans même sens qu'eux. Partout, les gens voulaient qu'on leur raconte leur vraie histoire ; ils voulaient parler leur vraie langue et décider eux-mêmes de ce qui était bon ou mauvais pour eux. Ils pensaient aussi que si chacun se comportait de cette manière-là et avait pour les autres le respect qu'il demandait pour lui-même, tout sur la terre marcherait infiniment mieux.

Ces idées-là firent resurgir sur la terre des tas de pays, des vrais pays qu'on avait cru disparus et qui étaient simplement endormis. Ils s'appelaient Estonie, Lituanie, Lettonie, Slovénie, Croatie, Moldavie, que sais-je encore ! On ne peut pas les nommer tous : il y en aurait trop.
Ce qui est curieux, c'est que plus il y avait longtemps qu'on les avait endormis - car ils ne dormaient pas d'un bon sommeil, comme le sommeil qu'on a après une bonne journée et qu'on se laisse doucement emporter par une bonne fatigue : on les avait endormis exprès - je disais donc, que plus il y avait longtemps qu'on les avait endormis, plus il leur fallait du temps pour se réveiller. C'était justement le cas du pays de Bretaigne dont - c'est bien compréhensible ! - on n'aurait pas pu couper un morceau s'il n'avait pas été plongé dans un profond sommeil.

Tout le bruit que firent les autres en se réveillant - ils étaient tellement heureux ! - finit par le réveiller aussi. Il faut dire que celui qui fit le plus de bruit était un grand, grand pays qui s'appelait la « Roussie »(*). Il dormait, lui, depuis près de soixante-quatorze ans, en faisant d'ailleurs des cauchemars épouvantables.

Et c'est précisément au moment où il s'agitait dans son sommeil, et que des brigands très méchants essayaient de lui faire prendre, de force, une potion pour l'empêcher de se réveiller, qu'il se réveilla tout à fait. Comme c'était un géant, il écrabouilla les brigands très méchants comme des moustiques !

Du coup, les vilains personnages qui s'évertuaient à fabriquer les « Peaux-de-Loirs », c'est-à-dire le « Pays-qui-n'existe-pas », eurent peur de subir un sort semblable. Ils continuèrent d'abord à touiller, en n'ayant l'air de rien. Mais, l'un après l'autre, prudemment, ils s'arrêtèrent et se cherchèrent des occupations honorables. Personne ne sait ce qu'ils sont devenus.

Quant au pays de Bretaigne, il redevint ce qu'en disait Jean de Meschinot :
« Riche pays, contrée heureuse,
Aimée de Dieu, ce voit-on clairement,
Duché sans pair, Bretaigne plantureuse… »

(*) Certains affirment que ce nom lui a été donné parce que ses habitants sont roux. Il a été démontré que c'est totalement faux.

Extrait de « La Bretagne n'a pas dit son dernier mot », par Marcel Texier, 2004, préface de Boris Pahor, écrivain slovène,
Éd. Yoran embanner,
71 Hent Mespiolet
29171 Fouesnant
Tél/fax : 02 98 56 10 11

Une légende jolie… sachant que la légende possède toujours un fond de réalité passée, présente et à venir…

En ce temps de Noël qui arrive, rêver d'un cadeau dans les sabots de la Bretagne…

A. Jacq

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