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L\'\'Inspecteur d\'Académie du Morbihan veut limiter la scolarité des enfants de 2 ans
Par courrier en date du 22 décembre, Philippe Couturaud, Inspecteur Académique du Morbihan, demandait aux directeurs d'écoles maternelles de “limiter la pré-inscription des 2 ans sachant qu'en dehors des zones situées dans un environnement social défavorisé, je ne pourrai procéder à l'ouverture de classes pour accueillir ces élèves.”
Par Bedex Erwann pour ABP le 19/01/07 12:10

Par courrier en date du 22 décembre, Philippe Couturaud, Inspecteur Académique du Morbihan, demandait aux directeurs d'écoles maternelles de “limiter la pré-inscription des 2 ans sachant qu'en dehors des zones situées dans un environnement social défavorisé, je ne pourrai procéder à l'ouverture de classes pour accueillir ces élèves.”

Contactée ce matin par téléphone, Yvette Lecomte, inspectrice adjointe chargée du 1er degré, expliquait que cette mesure, déjà engagée en Ille et Vilaine l'an passé, était cette année étendue aux 4 départements bretons. Rappelant que le Code de l'Education ne prévoit l'accueil de enfants de 2 ans que dans la limite des places disponibles, elle précisait que l'objectif de l'Inspection Académique est de de réorienter les moyens disponibles dans l'école primaire. Nous souhaitons améliorer les conditions d'accueil en limitant à 25 le nombre d'élèves par classe en primaire et à 28 en maternelle. Dans la limite de 15 % de l'effectif total de l'école, les maternelles continueront d'accueillir les enfants ayant atteint l'âge de 2 ans le jour de la rentrée scolaire. Pour aider les zones sensibles (1), cette limite d'âge sera étendue au 31 décembre.

Yvette Lecomte soulignait l'esprit de totale concertation qui animait la préparation de la carte scolaire. Les inspecteurs de circonscription se sont particulièrement investis dans le dialogue avec les directeurs d'école, les associations de parents d'élèves et les mairies. Quant à la traditionnelle rencontre de février qui permettait aux délégations de parents, d'enseignants et d'élus et l'Inspection Académique, elle est supprimée mais l'Inspecteur d'Académie et moi-même iront à la rencontre des élus et des écoles, partout où cela sera nécessaire.

Une spécificité bretonne

Jusqu'à cette année, en Bretagne, 70% des enfants de 2 ans étaient scolarisés, contre 20% dans le reste de la France. Une tradition qui répond à l'attente sociale des familles et qui participe aussi sans doute aux excellents résultats scolaires de l'académie bretonne. On sait en effet que les écoliers entrés à l'école maternelle à 2 ans redoublent un peu moins souvent et que l'écart de réussite entre les élèves scolarisés à 2 ans et ceux rentrés à l'école maternelle à 3 ans atteint 5 points à l'entrée au CE2... (2) Alors, que se passe-t-il ? La Bretagne peut-elle conserver sa spécificité ?

Côté public, Jacques Brillet, délégué syndical au SNUipp (Syndicat National Unitaire des instituteurs et des professeurs des écoles publiques) et membre du CDEN (Conseil De l'Education Nationale du Morbihan), voit dans la décision de l'Inspecteur d'Académie la marque d'un autoritarisme incompatible avec le fonctionnement citoyen de la société que tout le monde souhaite aujourd'hui. Le CDEN du 12 décembre n'a même pas été consulté comme le prévoit le Code de l'Education.

Côté privé, M. Gillet, chargé du 1er degré dans les écoles catholiques au diocèse de Vannes, n'est pas surpris. Nous comprenons certes cette décision, mais elle risque de créer des réactions négatives de la part des chefs d'établissements et des parents. Même avis pour M. Le Bohec, délégué syndical à la CFDT-Enseignement Privé qui juge inadmissible ce retour en arrière de l'Education Nationale. C'est une démission de l'Etat qui transfère aux collectivités territoriales l'obligation d'accueillir les jeunes enfants alors que les aides de la CAF pour la construction de crèches et de garderies est en diminution.

Des conséquences sociales en cascade

Si la maternelle n'accueille plus les enfants de 2 ans, qui va les prendre en charge ? Faute d'anticipation, les crèches-garderies, quand elles existent, ne seront pas en mesure d'absorber l'augmentation de la demande. Dans les villes-centres comme Vannes, Lorient, Pontivy, les délais d'attente risquent donc de s'allonger, empêchant les mamans de reprendre un travail et les obligeant à rester au foyer pour garder leur enfant.

A Guéméné sur Scorff, le maire ne cachait pas son inquiétude. De nombreuses communes rurales ont investi dans leur école pour accueillir les jeunes enfants, parce que l'école est un lieu d'éducation, nous déclarait Christian Perron. Nombre de communes rurales n'ont ni crêche, ni garderie. Comment vont faire les parents face à cet abandon de l'Etat de ses obligations. Et de rappeler que c'est le Maire qui inscrit les enfants, l'Etat ayant l'obligation d'apporter les moyens nécessaires à l'accueil des enfants. A Guéméné, nous continuerons d'inscrire les enfants de 2 ans.

A Saint-Laurent-sur-Oust, petite commune rurale dont l'école privée fonctionne en regroupement pédagogique avec celle de la commune voisine de Saint-Congard, la maire, Isabelle Michel, membre du CDEN, se déclarait pour le maintien des enfants de 2 ans à l'école.

Hervé Pellois, maire de Saint-Avé, également membre du CDEN, avouait mal comprendre la position de l'inspecteur Académique. Favorable au maintien de l'accueil des 2 ans à l'école, il se déclarait préoccupé de l'équité entre les écoles. Je ne voudrais pas voir l'école publique pénalisée par rapport à l'école privée. Une inquiétude apparemment infondée, Mme Lecomte nous ayant précisé que les dispositions s'appliquaient de la même façon pour les écoles publiques et privées.

Comment vont réagir les autres mairies ? Difficile à dire aujourd'hui. En déplacement, les adjoints chargés des écoles à Vannes et à Lorient étaient injoignables ces derniers jours. Nous leur donnerons la parole dès que possible...

Pour l'heure, c'est la consternation dans beaucoup d'écoles maternelles. C'est nous qui allons devoir annoncer aux parents que nous n'inscrivons pas leur enfant alors que nous n'y sommes pour rien, nous expliquait lundi un directeur qui comptait et recomptait ses prévisions d'effectifs pour la rentrée. (3) Les classes de tout-petits vont disparaître, entrainant la suppression d'autant de postes d'aides maternelles, les ATSEM qui aident les enseignants dans les classes. Ces dernières années, beaucoup de jeunes femmes, invités à se former à ces métiers, ont été admises au concours d'agent territorial. Faute d'être engagées, elles risquent de perdre le bénéfice de leur concours. A peine formée, il leur faudrait déjà se reconvertir ?

Ultime conséquence de la fermeture de classes dans la plupart des maternelles : la suppression des "décharges" pour les directeurs qui vivent déjà mal le poids grandissant de leur charge administrative.

Premières réactions politiques

Nous avons contacté les divers groupes politiques du département. Nous publions les premières réponses obtenues.

Pour l'UDF, Fabrice Loher se prononce très clairement pour un accueil des 2 ans en maternelle et juge insupportable qu'une mesure administrative dictée par des considérations de régulation budgétaire vienne empêcher des parents de faire le choix d'une socialisation dans une structure pédagogique qu'ils jugent nécessaires pour leur enfant. Il ajoute qu'avant toute décision, cette question de l'accueil des 2 ans aurait du être abordée d'abord dans une enceinte politique, sans doute le Parlement. Les conseils municipaux seront bientôt saisis pour avis des propositions de cartes scolaires pour la rentrée 2007, mais cet avis, en amont de la procédure, parait tardif et insuffisant.

Pour Yann Syz, de l'UDB, le geste autoritaire (de l'inspection académique) montre l'absence de véritable politique en faveur de la petite enfance de la part du gouvernement qui va, une nouvelle fois, alourdir les contraintes financières des mairies qui devront répondre aux demandes légitimes des parents qui travaillent.

Un avis proche de celui de Gwendal Rouillard qui, pour la Fédération du Parti Socialiste du Morbihan, se déclare en total déscaccord avec la logique du Ministère. D'un côté, on encourage, avec succès la natalité, et dans le même temps, on refuse d'accueilir les enfants de 2 ans, alors que les collectivités territoriales font de gros efforts en ce sens. C'est un signal de découragement pour les parents. Il annoncait pour les prochaines heures une forte mobilisation des élus socialistes morbihanais sur cette question.

D'autres développements à suivre.

(1) Zones et réseaux d'Education Prioritaires ou d'Aide à la Réussite, zones urbaines sensibles (2) J.P. Caille et F. Rosenwald – France, portrait social 2006. (3) Ce directeur nous a demandé de préserver son anonymat.

Voir également les réactions du Parti Breton et de Christine Bellego (UDF) parvenues en fin d'après-midi. https://www.abp.bzh/fetch.php?id=5944

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