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Jean Ollivro  brillant universitaire et président de Bretagne 
Prospective
Jean Ollivro brillant universitaire et président de Bretagne Prospective
- Interview -
Jean Ollivro : Oui à un projet breton !
« Une Bretagne belle, prospère solidaire et ouverte sur le monde. » Plus qu'un slogan, c'est l'ambition développée par le géographe Jean Ollivro dans son dernier livre « Projet breton ». Entre diagnostic, enjeux et stratégies, le président de Bretagne Prospective réfléchit à la construction du puzzle breton. Un ouvrage de référence pour nos décideurs. Entretien.
Par Ronan Le Flécher pour ABP le 6/05/10 19:03

« Une Bretagne belle, prospère solidaire et ouverte sur le monde. » Plus qu'un slogan, c'est l'ambition développée par le géographe Jean Ollivro dans son dernier livre « Projet breton » (éditions Apogée). Entre diagnostic, enjeux et stratégies, le président de Bretagne Prospective réfléchit à la construction du puzzle breton. Résolument optimiste, il donne ici un aperçu de cet ouvrage de référence sorti au moment de la campagne des élections régionales.

ABP- Qu'est-ce qui vous fait dire que « la Bretagne est à l'aube de connaître une nouvelle phase de développement économique et humain » ?

Jean Ollivro - La crise économique et la mutation fondamentale de nos sociétés nous obligent à nous prendre en charge. Les gens veulent s'en sortir. Mais, l'État très endetté et le monde politique ne sont plus les seuls à agir. Il y a quelque chose à inventer au niveau de la gouvernance en Bretagne. Les solidarités y sont fortes à l'image de l'esprit coopératif et du mutualisme. Chez nous, le mouvement associatif est plus développé qu'en France, et le bénévolat trois fois plus affirmé que dans les autres régions. La Bretagne a vraiment tous les atouts pour avancer de manière collective.

Vous écrivez que les années Celib auront été les années d'une assimilation bretonne au projet français.

J'en ai souvent débattu avec Joseph Martray. Le Celib dans les années 50 vivait avec l'obsession d'un problème breton. Il fallait rattraper le retard et désenclaver le territoire. Une vision très française du développement s'est imposée : un modèle de circulation basé sur les routes, des emplois déconcentrés, des pouvoirs de décision parisiens. Ces années-là resteront aussi synonymes de pollution et de destruction paysagère. Malgré ces impasses, sans doute cette étape était-elle indispensable ? Aujourd'hui, après ce demi-siècle, il faut embrayer la seconde vers une économie de territoires, davantage de pouvoir de décision et une gouvernance adaptée à une terre de civilisation.

Vous brisez le consensus autour du choix du TGV.

Le TGV qualifié de breton, mais qui ne fait qu'arriver en Bretagne, restera l'acquis du pouvoir actuel. Je trouve anormal que le Conseil régional ait mis quasiment un milliard d'euros là-dedans. Où est passée l'audace politique bretonne ? Pour nous, il aurait été fortement préférable de réserver tout cet argent à des opérations plus spécifiquement bretonnes. Il faut en finir avec l'idée que la circulation fait l'activité. Les véritables dynamiques ne sont pas là. Il y a des effets pervers, par exemple voir le TGV renforce le pouvoir de décision parisien. La Bretagne vaut mieux qu'un TGV.

La Bretagne peut se vanter d'un tissu de villes petites et moyennes. Pourtant, le scénario métropolitain ne cesse de gagner du terrain.

Le modèle de la grande métropole est la traduction spatiale de l'idéologie capitalistique : les emplois surtout dans le centre, les logements en périphérie. Les plus aisés vivent en plus grand nombre dans le cœur des villes ou bien dans leurs abords immédiats. Entre 2005 et 2008, le nombre de personnes payant l'ISF a plus que doublé à Nantes et presque doublé à Rennes. Une nouvelle hiérarchie sociale se met en place selon que les mobilités urbaines sont maîtrisées ou non. Ce n'est pas le moindre des paradoxes que de voir des villes socialistes fabriquer de l'exclusion sociale. Les villes tout comme l'économie résidentielles sont des supercheries intellectuelles destinées à asseoir le pouvoir des puissants.

Pourquoi l'économie résidentielle et touristique de la Bretagne est-elle un leurre, à vos yeux ?

Les chiffres démontrent que ce sont les Bretons, notamment les jeunes, qui sont chassés par des personnes fortunées souvent présentes quelques semaines par an. Une première erreur bretonne est d'avoir construit 80 % de l'hébergement touristique sous forme de résidences secondaires. Pour maintenir une économie permanente, il faut créer des équipements capables de capter des richesses. Le tourisme représente relativement peu d'emplois, au maximum l'été 69 000 et 20 000 l'hiver. Il n'est utile que s'il est digéré par la société. Le risque est grand de banaliser et d'artificialiser les territoires.

L'affirmation d'un projet breton suppose de passer d'une revendication sentimentale à une identité politique et citoyenne. En prend-on le chemin ?

Il me semble que oui. Le pouvoir politique en Bretagne ne correspond en rien à la force et à l'identité du territoire. Les élus doivent faire attention. La représentation institutionnelle est déjà parfois débordée par la société civile.

Les Bretons sont orphelins de la Bretagne. Ils ne la connaissent pas. C'est un réel problème, non ?

C'est le problème majeur. Être breton. Très bien. Mais l'enjeu est aujourd'hui de dépasser ce stade pour créer une communauté humaine responsable de son territoire et de son destin. On ne peut pas bâtir sans avoir une connaissance fine du lieu dans lequel on vit. Combien de civilisations ont disparu en raison de pratiques inadaptées à leurs territoires ? Aujourd'hui, la clé est d'avoir des projets spécifiques à nos régions. Des modèles économiques et financiers nous ont envoyés dans le mur. C'est l'occasion de se poser les bonnes questions : Que voulons-nous construire dans cinquante ans en Bretagne ? Quel paysage, quel littoral, quel développement urbain voulons-nous avoir ?

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