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Interview d’ETA par le quotidien Berria
Les Solidaires du Peuple basque en lutte – Paris vous transmettent l’interview d’ETA publié par le quotidien Berria le samedi 2 avril 2005. Traduite en castillan par la RED VASCA ROJA (d’après le texte original publié par BERRIA) puis en français par les Solidaires du Peuple basque en lutte –
Philippe Argouarch Par Solidaires du Peuple Basque en Lutte le 13/04/05 22:34

Les Solidaires du Peuple basque en lutte – Paris vous transmettent l’interview d’ETA publié par le quotidien Berria le samedi 2 avril 2005. Traduite en castillan par la RED VASCA ROJA (d’après le texte original publié par BERRIA) puis en français par les Solidaires du Peuple basque en lutte – Paris/SPBL-PARIS.

Cette interview revient de façon très précise sur la disposition de l’organisation armée basque à faire les pas nécessaires pour qu’une solution au conflit politique et armé basque soit trouvée et pour que le droit d’autodétermination du peuple basque soit replacé au centre des discussions. Tout au long de ces sept pages, ETA revient sur la proposition “ Orain herria, orain bakea ” présentée par Batasuna le 14 novembre dernier. Elle évoque une opportunité historique à saisir, mais reste lucide quant aux réelles volontés du Parti Nationaliste Basque (PNV) et des gouvernements français et espagnol.

Les Solidaires du Peuple basque en lutte – Paris vous encouragent à diffuser largement ce document que la presse française n’a pas jugé utile de porter à la connaissance des citoyens qu’elle prétend informer.

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En prenant comme axe central l’opportunité de dépasser le conflit, BERRIA a fait une longue interview d’ETA au moyen d’un questionnaire. Entre autre chose, ETA apporte des éclaircissement sur l’avenir de la proposition d’Anoeta.

UNE OPPORTUNITÉ POUR LA SOLUTION?

Berria - Dans ses derniers communiqués, ETA a laissé entendre qu’il y a une opportunité pour dépasser le conflit. En ce moment, maintient-elle son opinion? Pourquoi maintenant, et pas avant?

ETA - A notre avis, nous sommes à la porte d’un changement politique et nous pensons qu’il existe maintenant une opportunité de ne pas répéter les erreurs commises au temps de la “transition” espagnole. Il y a 25 ans, nous étions à un carrefour. Comme aujourd’hui, la gauche indépendantiste revendiquait la reconnaissance du droit d’autodétermination comme base indispensable pour apporter une solution politique au conflit. Malheureusement, certains ont décidé d’opter pour un chemin qui a entraîné la poursuite de la négation et de la division d’Euskal Herria, perdant l’opportunité d’apporter une solution juste au conflit. Nous avons vu ce qui a révélé cette trajectoire de 25 ans: la désagrégation d’Euskal Herria, l’affrontement, la prolongation du conflit, qui ont maintenu les nouvelles génération dans la même situation. La gauche indépendantiste, sans accepter cette situation, a maintenu son infatigable lutte durant toutes ces années, et en plus de cette lutte, elle a présenté d’incessantes propositions pour dépasser le conflit. Nous avons beaucoup avancé: l’autodétermination apparaît maintenant comme une clef fondamentale; le fait que les citoyens basques aient la parole et la décision et qu’ils soient ceux qui décident eux-mêmes de leur futur, sont des idées de plus en plus acceptées. Nous sommes parvenus à dévoiler les raisons du conflit, et avec elles l’urgence de leur donner une réponse adéquate. Personne ne nie qu’une solution politique est nécessaire, qu’un changement politique radical est indispensable pour apporter une solution à ce long conflit, afin de ne pas apporter une fausse réponse à la situation, pour ne pas faire de faux pas qui provoquent la prolongation du conflit. Aussi, aujourd’hui, nous avons l’opportunité de remédier ensemble à l’erreur commise il y a 25 ans, de façon concrète, pour obtenir une paix juste basée sur les droits d’Euskal Herria. C’est de la responsabilité de tous.

Berria - Sur quoi se base cette opportunité? Quelles en sont les clefs?

ETA - A notre avis, la véritable opportunité viendra de la reconnaissance du droit d’autodétermination et d’un projet qui prenne en compte la totalité d’Euskal Herria, dépassant les frontières qui nous divisent et qui nous sont imposées. Pour cela, il faut ouvrir un processus de solution, pour obtenir, au moyen du dialogue et de la négociation, un accord qui respecte les droits d’Euskal Herria. En définitive, la solution viendra de la consultation de tous les citoyens basques sur le futur.

LA PROPOSITION D’ANOETA

Berria - Dans son communiqué du 16 octobre, ETA se montre disposée à participer à un processus tel que celui décrit par la proposition “Orain herria, orain bakea” (“Maintenant le peuple, maintenant la paix) présentée par Batasuna au vélodrome d’Anoeta. Quel engagement est-elle disposée à prendre dans cette direction?

ETA - Si les pas que peut faire ETA sont importants, il nous paraît plus important d’analyser ce que peuvent être les pas que nous ferons tous et examiner quels engagements les agents impliqués dans le conflit sont disposés à adopter. L’Alternative pour une Solution Démocratique précise le sens de cet engagement: d’un part, fixer les règles du jeu de la démocratie basque avec les agents basques, et obtenir un accord sur le processus nécessaire pour donner la parole et la décision au peuple. D’autre part, les gouvernements espagnol et français devront respecter l’accord entre Basques qui en découlera et ce que décideront les citoyens basques. Ce sont des engagements précis qui doivent être pris, particulièrement entre les agents et responsables gouvernementaux. Il ne nous paraît pas adéquat de toujours regarder ce que vont faire les autres ou d’imposer des conditions à la gauche indépendantiste. Nous avons clairement montré notre volonté, par la parole et par l’action. Soyez assurés que nous sommes disposés à faire les pas concrets dans la mesure où se matérialise un authentique processus démocratique. Mais la seule chose qui pourra alimenter ce processus, ce n’est pas les pas que peut faire ETA, mais ce que nous ferons tous.

Berria - ETA déclare dans le communiqué mentionné que l’unique façon de dépasser le conflit est d’organiser un processus de dialogue qui ait comme objectif un accord général. Quel type d’accord? Sur quoi? Et quel type de processus?

ETA - L’objectif de l’accord, de notre point de vue, sera le respect d’Euskal Herria et des droits des citoyens basques. Ce qui veut dire ouvrir une situation démocratique qui dépasse la situation actuelle d’oppression et rende possible tous les projets politiques. Pour cela, un changement de l’actuel statut politique est indispensable. Ainsi, l’accord devra comprendre des solutions immédiates et aussi prévoir des opportunités pour le futur. Il faudra inclure ces deux éléments afin de ne pas laisser des blessures mal cicatrisées. Quant à la nature du processus, il paraît évident qu’il sera long, puisqu’il s’agit d’apporter des solutions à un long conflit. De la même façon, il ne faudra pas se presser, ne pas mettre de conditions préalables aux différentes parties, et que l’on puisse compter sur des garanties fermes dès le début. Enfin, il y a une clef importante: la participation de tous les citoyens basques doit être garantie, et l’implication de tous les hommes et toutes les femmes d’Euskal Herria, dans leur pluralité, est nécessaire.

L’ACCORD DE BASE

Berria - Le 5 mars, divers agents basques ont signé l’Accord Démocratique de Base pour la Résolution du Conflit. L’idée principale de cet accord est simple: “Tous les citoyens basques de tout le Pays basque doivent être consultés sur le futur de Euskal Herria”. Quelle importance a cet Accord de Base?

ETA - Pour ETA, il fera date et sera une référence, parce qu’il a supposé un grand pas en avant vers la résolution du conflit. Nous pensons qu’au travers de ce que propose cet Accord, le conflit armé peut être dépassé, et un processus démocratique avec l’accord de tous peut s’ouvrir et aboutir. Nous disons cela parce qu’identifier le cœur du conflit et mettre en avant les clefs d’un processus démocratique afin de le dépasser sont des pas importants. L’Accord mentionné intègre les éléments principaux: le dialogue pour la solution du conflit, parce qu’elle viendra de la négociation et du pacte; et parce que le principal fondement démocratique pour dépasser le conflit consiste dans le respect de la parole et de la décision des citoyens basques sur le futur d’Euskal Herria.

Berria - Quelle aide représente cet accord pour la solution du conflit?

ETA - Pour solutionner le conflit, sont nécessaires un engagement le plus large possible et la participation de tous les agents. Et cet Accord a été le texte qui a réuni le plus de volontés depuis Lizarra-Garazi et jusqu’à maintenant. De plus, il offre une formule précise: que les citoyens basques prennent la parole et décident. L’impulsion viendra de là. Quand les Basques feront connaître leur décision, ne restera plus aux gouvernements espagnol et français qu’à respecter cette volonté. Cela, ils le savent. Tout comme ils savent que, tôt ou tard, cette réalité triomphera.

Berria - La solution exige que nous y participions, tous. Prenant en compte ceux qui ne l’ont pas signée, est-il possible de s’asseoir autour d’une table avec tous les partis et agents, à moyen terme?

ETA - Pour cela, il faut de la volonté politique. Sans volonté, il n’y a pas de processus de solution du conflit ni de table pour cette solution. Mais, par-dessus tout, les agents qui ne sont pas disposés à s’asseoir autour d’une table pour dépasser le conflit devront réfléchir sur les responsabilités qu’ils ont face à ce peuple. Notre proposition est très claire : asseyons-nous et parlons, sans conditions préalables, sans perspectives fermées, mais aussi sans limites.

Berria - Peut-on résoudre le problème quand certains – comme le PNV – font de la disparition d’ETA une condition préalable pour parvenir à un quelconque accord ?

ETA - Ca, c’est un discours lassant qu’utilisent certains agents comme justification de leur immobilisme. Ceux qui tentent de faire de l’activité d’ETA un obstacle à l’accord mentent, et prétendent occulter de cette façon leur incapacité et leur manque de volonté d’assumer des engagements. C’est du chantage. Mais cette discussion est dépassée. Ce sont des discours du passé, parce que dans l’Euskal Herria actuelle, le débat est tout autre : quel processus allons nous tous emprunter pour apporter une solution politique et démocratique au conflit ? Et le PNV se tient à l’écart de ce débat, parce qu’il n’a pas la volonté, parce qu’il continue à porter ses projets particuliers. Ils ont fait la même chose avec le processus de 98, et nous savons tous quel en a été le résultat. A ce moment, ils ont fait prévaloir les intérêts partisans, et le PNV a tenté d’affaiblir les instruments de lutte de la gauche indépendantiste, conduisant au pourrissement du processus et à une situation de blocage. Dans ce sens, il faudra porter attention à ce que fera le PNV. Est-il disposé à laisser de côté ses intérêts partisans et à assumer un engagement véritable pour obtenir une paix basée sur les droits d’Euskal Herria ? S’il donne une réponse positive à cette question, nous parviendrons immédiatement à une autre situation. Les pas unilatéraux, imposer des conditions aux autres, ou encore les tentatives d’apporter des solutions partielles au conflit ne font que laisser des blessures mal cicatrisées et semer les graines des conflits futurs.

LA RECHERCHE DE L’ACCORD

Berria - Avec l’agent qui a présenté une proposition de paix – Batasuna – hors la loi et sans possibilité de se présenter à des élections, est-ce qu’un processus vers la solution peut être emprunté ?

ETA - Du point de vue des possibilité de solution, la décision d’illégaliser Batasuna montre, au jour d’aujourd’hui, quelle est l’attitude du gouvernement espagnol. Si nous examinons les actions des locataires de la Moncloa, nous voyons qu’ils ont décidé d’insister dans la politique d’oppression sans apporter de réponse adaptée aux raisons du conflit. De plus, les [dernières] attaques se sont produites dans une situation spéciale, quand la gauche indépendantiste a fait une proposition pour dépasser le conflit et quand elle a montré une volonté claire de faire des pas sur ce chemin. La réponse n’a été qu’injures et mépris, répression et coups, et on peut difficilement emprunter un processus de solution ainsi. Mais, dans le même temps, nous distinguons clairement le processus de solution et la dispute électorale. Nous ne voyons pas de lien direct entre la garantie d’une présence institutionnelle de la gauche indépendantiste et la représentation nécessaire de la gauche indépendantiste dans un processus de solution. La Table pour la Solution, le processus de Négociation, le processus d’Accord, ne partent pas de la représentation institutionnelle. Qu’elle soit ou non dans les institutions, la part qui appartient à la gauche indépendantiste dans le dialogue vient de son enracinement populaire. C’est pour cela qu’il est important, malgré la situation d’illégalisation, de voter pour la gauche indépendantiste et de la renforcer.

Berria - Est-ce qu’un agent, à lui seul, peut bloquer le processus ?

ETA - Nous devrions nous faire cette réflexion : comment faire, entre tous, pour qu’une seule force ne puisse pas bloquer le processus à un moment déterminé, pour que les pas qui sont faits soient irréversibles. Mais nous parlons des gouvernements espagnol et français, pas d’agents ordinaires, parce que nous parlons des sujets qui ont provoqué l’oppression et le conflit. Ainsi, il résulte qu’est indispensable la volonté de solutionner le conflit ; autrement, il n’y aura pas de solution. Aux citoyens, il appartient de faire pression et de lutter pour que cette volonté se matérialise. Nous ne devons pas oublier que les États essaieront toujours de conditionner le processus, de le bloquer, d’inspirer la peur face aux possibilités qui peuvent se présenter.

Berria - Le résultat final du processus doit rester sans préciser le point de départ ?

ETA - A notre avis, mettre des conditions préalables peut rendre difficile, et même bloquer le processus de résolution. Le plus important est d’asseoir les bases et les garanties fermes dès le début, parce que des faux pas ne doivent pas être accomplis, pas même dans une perspective limitée. Des bases fragiles vont porter préjudice aux citoyens et au processus, parce que ce dernier n’avancera pas, et parce que le poids de ce blocage retombera sur Euskal Herria. En plus de quelques garanties de base, le processus sera dynamique, fera des zigzags, mais il doit avoir un objectif précis : la reconnaissance d’Euskal Herria et le respect des droits des citoyens basques, c’est à dire ouvrir une situation véritablement démocratique.

Berria - Est-ce quelqu’un peut avoir peur des résultats finaux du processus ?

ETA - Quelqu’un peut-il avoir peur d’un scénario qui permette de dépasser la situation de conflit et qui conduise à une situation de paix ? Dans tous les cas, ce seraient les politiques professionnels qui ont alimenté le conflit, ceux qui ont le pouvoir comme par exemple l’oligarchie de Neguri, qui dans les dernières décennies ont construit leurs intérêts économiques et politiques autour du conflit basque, et nous voyons quotidiennement ces secteurs aller à l’encontre d’une solution politique démocratique, protégeant l’oppression que subit Euskal Herria. Ils ont surtout peur de la liberté d’Euskal Herria, peur que les citoyens basques soient les maîtres de leur futur.

Berria - Et ETA ?

ETA - Personne plus que nous, les combattants basques, qui luttons et courrons le risque de perdre la vie dans cette lutte, ne désire obtenir une paix basée sur la justice. Et nous le disons avec la légitimité que nous donne une lutte qui dure depuis de nombreuses années et la claire volonté de parvenir à une solution au conflit.

Berria - Selon la proposition d’Anoeta, deux terrains d’accord sont distingués, un entre les agents basques et un autre entre ETA et les États. Pour initier le processus, faut-il faire des pas en avant sur les deux terrains ?

ETA - Il faut faire des pas dès aujourd’hui, dans l’une et l’autre direction. Selon notre opinion, le pas principal qui doit être fait est celui qui concerne les agents basques. En ce sens, nous accordons une importance particulière au pacte entre les agents basques et, ensuite, le groupe représentatif qu’il faudra constituer pour obtenir l’accord avec l’État. Avec cela, nous ferons un grand pas lorsque la volonté d’Euskal Herria s’exprimera et se fera connaître, parce que les États devront respecter cet accord. Dans la mesure où ces pas décisifs entre les agents basques auront été faits, nous obligerons les États à faire un geste, nous les obligerons à respecter la volonté de ce peuple. Dans le même temps, le gouvernement espagnol devra parler et négocier avec ETA.

Berria - Ne voit-on pas certains agents basques rester au second plan et attendre que les choses se développent entre ETA et le gouvernement espagnol ?

ETA - Ce point de vue nous paraît équivoque. Il est temps de prendre la parole, et pour cela la participation et l’implication de tous les agents et citoyens basques sont nécessaires. A notre avis, il faut éviter de rester dans l’attente de leurs mouvements, éviter que les citoyens et les agents regardent dans une autre direction. Il est temps que les agents assument et matérialisent leurs engagements.

LA PARTICIPATION D’ETA

Berria - Dans la proposition d’Anoeta, deux terrains d’accord sont distingués : entre les agents basques, et entre ETA et les États. Les points sur lesquels un accord doit être trouvé dans le cadre de ce deuxième terrain sont la démilitarisation, les prisonniers et réfugiés, et les victimes. Du point de vue de la négociation, il semble y avoir un changement dans l’exposé actuel. Qu’est-ce que cela veut dire ?

ETA - A l’heure de mettre à jour notre réflexion, nous avons pris en compte différents facteurs: d’un côté, les opportunités qu’à apporté l’épuisement toujours plus notoire des cadres qui oppriment Euskal Herria et du statut de la Moncloa. D’autre part, la gauche indépendantiste devait apporter la réponse concrète aux propositions que venaient de faire divers agents prenant pour base l’autodétermination et la consultation du peuple. Surtout, nous avons ajusté notre exposé en prenant en compte les changements qui se sont produits et les pas que nous avons accompli ces dernières décennies depuis qu’a été rendue publique l’Alternative Démocratique. L’initiative de 98 a supposé un point d’inflexion dans l’évolution du conflit et, depuis, tous les agents ont adapté leur position et leurs propositions politiques. En ce qui concerne le processus de négociation, selon l’Alternative pour une Solution Démocratique, ETA devra directement négocier avec les États pour ce qui relève des conséquences du conflit. Dans le même temps, pour dépasser le conflit armé, s’imposera une garantie de la part de l’État espagnol de son respect pour ce sur quoi s’accorderont les agents basques et ce que décideront les citoyens d’Euskal Herria.

Berria - Y a-t-il ou y a-t-il eu des relations entre ETA et les gouvernements espagnol et français?

ETA - ETA a montré publiquement et a plusieurs reprises sa disposition à donner une solution politique et démocratique au conflit. Sur les pas dans ce sens, nous pouvons dire que des tentatives ont lieu pour ouvrir un processus de résolution et de négociation avec le gouvernement espagnol; mais au jour d’aujourd’hui, un processus de ce type n’a pas lieu. ETA est disposée à parler avec les dirigeants espagnols et français, dès demain, et à ouvrir un processus de négociation et obtenir des accords politiques.

Berria - Qu’attend ETA des gouvernements espagnol et français?

ETA - En quelques mots, les gouvernements espagnol et français doivent montrer leur volonté de respecter ce que décide Euskal Herria, et ils devront donner des garanties sur ce point. Ni plus, ni moins. En définitive, ils doivent cesser d’être les États qui exercent l’oppression pour devenir les États qui respectent la parole et le décision d’Euskal Herria dans une situation démocratique.

Berria - Le chef du gouvernement espagnol José Luis Rodríguez Zapatero a déclaré à plusieurs reprises que pour écouter ETA, il est indispensable que les armes et les bombes se taisent. Y a-t-il autre chose que des paroles dans l’attitude du gouvernement espagnol?

ETA - En allant plus loin que les paroles, le gouvernement espagnol et le PSOE ont beaucoup de terrains et d’opportunités pour montrer leur volonté et faire des pas en avant. Jusqu’à maintenant, leur attitude pratique n’a rien dévoilé d’autre que l’oppression politique. Donner une réponse positive à l’attitude montrée par la gauche indépendantiste par ses paroles et ses actions est une chose qui revient principalement au gouvernement espagnol.

Berria - Quelle réflexion a fait ETA sur ce qu’a dit Rodríguez Zapatero dans l’interview réalisée sur Euskal Telebista quant à la possibilité, pour les Basques, de décider?

ETA - Nous n’enlevons pas de l’importance à certaines déclarations, nous les apprécions à leur mesure, mais plus qu’à cette nouvelle façon de faire de la politique, nous prêtons attention à certaines actions concrètes. Avec le gouvernement PSOE, comme au temps du PP, les forces policières nient les droits des citoyens basques, utilisent la torture, la dispersion des prisonniers continue, l’Audience Nationale est toujours un tribunal d’exception. Qu’est-ce que c’est : manque de volonté, ou bien incapacité? Ce que nous voyons, c’est que le gouvernement PSOE, depuis son arrivée à la Moncloa il y a un an, n’a pas offert à Euskal Herria d’autre réponse que la répression. Il s’est consacré à fermer les opportunités de résolution et à attiser le feu du conflit. Malheureusement, les dirigeants espagnols et français restent ainsi, avec la collaboration de certains partis et responsables politiques professionnels basques.

LE CONTENU DES CONVERSATIONS AVEC LE GOUVERNEMENT

Berria - Concernant les points sur lesquels ETA doit parler avec les gouvernements, que signifie concrètement la démilitarisation ? La démilitarisation doit être bilatérale et progressive ?

ETA - Concernant le point de la démilitarisation, il faudra garantir le fait que la parole et la décision des citoyens basques s’expriment sans aucune pression ni menace. Et dépasser le conflit armé assure le droit que nous, les citoyens basques, avons de vivre en paix et en liberté. Pour cela, il sera nécessaire que les forces armées qui exercent l’oppression quittent Euskal Herria. Pour ce qui revient à la Ertzaintza aussi, il y a beaucoup à dire, parce que si cette police sous commandement espagnol n’est pas “ désactivée ” en tant que force répressive, il n’y aura pas de possibilité de garantir une situation de paix à notre peuple. Pour mener à bien le processus, les formes et délais devront être négociés et faire l’objet d’un accord, les deux parties devront assurer et garantir la désactivation de leurs forces armées en vue du processus de solution.

Berria - Par rapport aux prisonniers, le premier pas nécessaire est leur transfert en Euskal Herria ? Le collectif des prisonniers politiques est en lutte pour obtenir la reconnaissance du statut politique afin de participer directement au processus. Pourquoi la participation des prisonniers est-elle importante ?

ETA - Les prisonniers politiques basques sont une conséquence du conflit, et avec la solution du conflit sera trouvée une solution au problème des prisonniers politiques, par leur libération et leur amnistie. Mais avant que nous ne parvenions à cette situation, les prisonniers politiques basques ont des droits et on ne peut accepter les punitions et vengeances politiques à leur encontre. Ainsi, avant que nous arrivions à une solution générale au conflit, il y a des moyens qui peuvent alléger ses conséquences, moyens parmi lesquels le transfert des prisonniers en Euskal Herria.

Berria - Pour ce qui concerne les victimes, particulièrement les victimes de la lutte armée d’ETA, quel apport ETA peut-elle faire?

ETA - Dans tous les camps, il y a des victimes du conflit, et c’est de ce point de vue général qu’il faut examiner ce qui doit être fait sur ce terrain, et non pas depuis un point de vue partial et unilatéral. Entre autre chose, il faudra examiner la réparation historique qui est due à Euskal Herria, les conséquences de l’oppression des États, les victimes provoquées par la guerre de 36-39, celles provoquées par le franquisme entre 1939 et 1975, et les conséquences de la pseudo démocratie espagnole entre 1975 et 2005, les morts causés par les forces policières ou les victimes de la guerre sale, les tortures, et une longue liste. Pour notre part, nous sommes disposés à examiner la question des victimes des actions armées d’ETA dans toute sa dimension, et à faire des gestes précis qui permettent d’aider au développement du processus.

TRAVAUX INTERNATIONAUX

Berria - ETA a mentionné à plusieurs reprises la dimension européenne du conflit basque. Quel niveau de participation peut avoir l’Union Européenne ou d’autres organisations ou autorités internationales ?

ETA - Comme nous l’avons récemment demandé aux ambassades espagnoles au travers d’une lettre, l’apport et la participation des institutions européennes sont nécessaires à la solution du conflit. La reconnaissance d’Euskal Herria par les agents internationaux et le fait qu’ils se montrent favorables à une négociation et une solution politique au conflit serait un grand pas. Les institutions européennes devraient comprendre que le conflit entre Euskal Herria et les États est plus qu’un conflit interne espagnol et français, parce qu’au cœur de ce conflit, il y a le droit d’autodétermination qui revient à tous les peuples. D’autres petits peuples en Europe mènent une lutte similaire, et cela affecte directement les institutions européennes.

Berria - La participation de possibles observateurs internationaux peut-elle être importante ?

ETA - La présence et la participation d’observateurs internationaux confèrent du sérieux et de la fermeté à de tels processus. Elles offrent des garanties sur les pas qui sont accomplis, parce qu’elles les rendent irréversibles. Certains préfèreraient que les engagements n’aient pas de garanties, mais cela est rendu difficile lorsque des agents internationaux participent au processus, lorsqu’ils assurent un suivi. Les expériences d’autres conflits montrent clairement l’importance de la dimension internationale. C’est pourquoi nous pensons que la participation d’observateurs internationaux est positive et nécessaire, surtout pour garantir les accords.

LUTTE ARMÉE

Berria - “ Il est temps de prendre la parole ”, disait ETA dans son communiqué de janvier. Quelle place occupe la lutte armée en ce temps?

ETA - Nous pourrions mieux poser la question : quelle place est laissée, dans la démocratie franco-espagnole, à la possibilité pour les citoyens basques de pouvoir exprimer leur décision et qu’elle soit respectée ? Comment garantissons-nous la parole et la décision des citoyens basques? Au jour d’aujourd’hui, cette parole est niée, les portes permettant de l’exprimer sont fermées, nous ne pouvons pas décider de notre futur. C’est précisément pour ouvrir cette opportunité qu’ETA lutte. Nous utilisons la lutte armée pour créer des espaces démocratiques qui aujourd’hui sont fermés. Pour que tous les citoyens basques aient la possibilité d’exprimer leur opinion, sans pressions, ni limites, ni menaces. Lorsque nous parviendrons à cette situation, la lutte armée d’ETA cessera.

LE PLAN IBERRETXE

Berria - Depuis que le Proposition de Statut du tripartite a obtenu la majorité absolue grâce à trois voix de Sozialista Abertzaleak, cette proposition a été discutée au Congrès esPagnol et a reçu une réponse négative très majoritaire. Le PP et le PSOE ont-ils voulu montrer que la souveraineté espagnole ne peut pas être remise en question ?

ETA - Par son contenu politique et sa signification profonde, la séance qui a eu lieu au Congrès des députés espagnol a eu une grande importance. Les droits d’Euskal Herria et la capacité de décision des citoyens basques furent le thème de la discussion. La réponse était déjà décidée, et cela montre, d’une part, la négation que l’Espagne apporte et, d’autre part, l’incapacité du PNV face à cette situation. Ibarretxe voulait apparaître comme un énergique défenseur des droits des citoyens basques, mais le PNV s’est ridiculisé une nouvelle fois, parce qu’il a répondu par une initiative unilatérale à la situation ouverte par la gauche indépendantiste, à l’accord en faveur des droits basiques d’Euskal Herria. A Madrid, ils n’ont pas voulu apparaître du côté du peuple et ont préféré arriver avec une opinion partisane. Le PNV persiste à ne pas donner une réponse concrète au pas accompli le 30 décembre par la gauche indépendantiste.

Berria - Comment peut-on solutionner un conflit de souverainetés ? Est-ce que la proposition de souveraineté partagée peut être une alternative?

ETA - Ce concept nous paraît très étrange. Ce qui dure depuis des siècles, c’est la négation de la souveraineté d’Euskal Herria, et de ses droits, au nom de la souveraineté de l’Espagne et de la France. Ce point de vue fait partie de la fraude d’Ibarretxe. Un peuple qui a été soumis à un État ne peut partager volontairement sa souveraineté, et tout accord signé n’obtiendra jamais le résultat qu’aurait eu une adhésion libre. Ils disent que l’objectif est d’établir un nouveau pacte de cohabitation entre la Communauté Autonome Basque (CAB) et l’Espagne, mais la seule possibilité qui s’offre est de continuer à faire partie de l’État espagnol. Rien d’autre. La formule “ Statut de libre association ” implique, derrière le terme “ libre ”, un lien avec l’Espagne.

Berria - Ceux qui ont impulsé la Proposition de Statut de gouvernement de la CAB, Ibarretxe en tête, disent qu’ils veulent donner, au moyen d’une consultation, la parole aux citoyens d’Alava, Biscaye et Guipúzcoa. Peut-on considérer que cette consultation est un instrument utile pour utiliser le droit de décider ?

ETA - C’est l’autre partie de la fraude d’Ibarretxe. Il présente sa proposition comme un exercice pratique du droit d’autodétermination, mais ce n’est pas sûr, parce qu’il n’y a pas la possibilité de choisir entre différentes options ; par exemple, elle n’inclue pas dans la discussion la possibilité de construire Euskal Herria comme un peuple indépendant. Cela défigure la nature même du conflit. Ibarretxe a voulu s’approprier tous les fruits de la lutte de la gauche indépendantiste de ces 25 dernières années. Il ferait mieux de poser les premières pierres d’un processus porteur de la récupération des droits du peuple. Avec cet objectif, la main de la gauche indépendantiste est tendue. Mais le PNV continu, malheureusement, sans projet politique pour Euskal Herria. Il n’offre rien de plus qu’un projet régionaliste pour trois des territoires, utilisant comme ornement des mots comme “Euskal Herria” et “autodétermination”. Ils préfèreraient noyer l’espérance des citoyens basques dans l’interminable concurrence électorale et dans un processus de rénovation du statut de la Moncloa. C’est ce qui nous a montré Ibarretxe dans sa législature sombre des dernières années. Devant les gens, il dit une chose mais, derrière, il dit autre chose, bien souvent en portant des coups de poignard qui brise le cœur dans le dos des indépendantistes.

ELECTION EN ALAVA, BISCAYE ET GUIPÚZCOA

Berria - L’avancement à avril des élections au Parlement de la CAB, initialement prévues pour mai, a-t-il supposé des difficultés du point de vue des possibilités de résolution du conflit ?

ETA - Avant tout, l’avancement des élections nous a montré quelle est la vocation d’Ibarretxe, parce que depuis le début et jusqu’à maintenant, son objectif principal a été de gonfler la bourse électorale du PNV. Ibarretxe a pris une très grave décision en convoquant un processus électoral qui implique la marginalisation de la gauche indépendantiste, et maintenant ils semblent tous disposés à participer à cet exercice antidémocratique pour se partager le gâteau entre eux et pour faire aboutir sans opposition leurs projets frauduleux dans leurs parlements de papier. Il est certain que cela n’aide pas à résoudre le conflit, parce qu’avec leurs prévisions malicieuses devant l’échéance des élections, ils montrent la volonté de rendre définitive la situation d’illégalisation et de conférer une légitimité à cette situation antidémocratique.

Berria - Lors de ces élections se concrétiseront les conséquences du fait de laisser hors la loi Batasuna dans toutes les institutions d’Euskal Herria. Quel obstacle cette marginalisation suppose-t-elle, à l’heure de matérialiser le changement politique ?

ETA - Cette situation est porteuse de difficultés supplémentaires pour la gauche indépendantiste, on ne peut pas le nier ; l’illégalisation politique cause des blessures. Mais, depuis longtemps, nous avons appris à avancer au milieu des ronces et encore aujourd’hui, la gauche indépendantiste, rénovant les instruments de son influence et mettant à jour sa perspective, avance comme un agent politique décisif. Au-delà de tous les obstacles, la gauche indépendantiste continuera à être une réalité palpable dans les quartiers, parce qu’elle représente un projet politique très enraciné parmi les citoyens. Comme nous l’avons vu ces derniers mois, tous les agents reconnaissent la gauche indépendantiste comme interlocuteur nécessaire, tant pour le processus de solution du conflit qu’en tant que principal référent politique des indépendantistes de gauche. La gauche indépendantiste continuera à être le moteur du changement politique, parce que les battements de sa lutte sont ceux du cœur d’Euskal Herria.

Berria - En regardant plus loin, qu’est-ce qui sera mis en jeu aux élections du 17 avril ?

ETA - Principalement, c’est le défi de renforcer l’offre politique de la gauche indépendantiste et de donner une réponse ferme à l’illégalisation politique, par une nouvelle démonstration de dignité du peuple. Pour ouvrir un processus entraînant le dépassement du conflit sur de bases démocratiques, pour renforcer cette orientation, il sera nécessaire que la gauche indépendantiste sorte renforcée de ces élections. C’est ça, principalement, qui est en jeu. Et pour cela il est nécessaire de protéger les candidats de la gauche indépendantiste et de leur donner nos voix.

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Solidaires du Peuple basque en lutte – Paris est un groupe internationaliste basé sur la région parisienne et dont l’objectif est de contrecarrer le silence médiatique pesant sur le conflit basque et la lutte du peuple basque pour le respect de ses droits individuels et collectifs, au premier rang desquels figure le droit d’autodétermination. Nous ne faisons pas partie du Mouvement de Libération National Basque, mais essayons, dans la mesure de nos moyens, d’apporter notre soutien à ce mouvement, en rediffusant des textes et traductions qui en émanent, en soutenant le Collectif des Prisonnier(e)s Politiques Basques dans leurs initiatives, et en apportant une aide concrètes à leurs familles.

SOLIDAIRES DU PEUPLE BASQUE EN LUTTE – PARIS SPBL – PARIS 10, RUE DE PANAMA 75018 PARIS spblparis [at] aol.com

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