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- Chronique -
Telgruc-sur-mer : une victoire pour la langue bretonne et après ?
Le mouvement de protestation contre la municipalité de Telgruc-sur-mer sur le terrain de la désignation des noms de lieux s'est soldé par une victoire pour la langue bretonne. L'esprit du temps n'est plus au jacobinisme. Alors osons prendre attache avec nos conseils municipaux pour mettre en place de bonnes pratiques.
Par Yvon Ollivier pour ABP le 11/10/20 19:24

Je viens d’apprendre avec plaisir que le nouveau Conseil municipal de Telgruc-sur-mer va bien donner de nouveaux noms de rue, à la demande de la Poste, mais il va le faire dans notre langue bretonne. L’association EOST sera chargée de lui faire des propositions en ce sens. Souvenons-nous, il y a un peu plus d’un an, les artistes et auteurs de Bretagne avaient lancé une mobilisation contre le projet de l’ancien maire visant à nommer de multiples noms de lieu, exclusivement en Français, conformément à la loi Toubon disait ce dernier, et souvent de manière totalement hors sol. Une manifestation organisée par Kevre Breizh avait eu lieu sur la plage de Telgruc.

Ce maire a perdu les élections et on peut penser que la forte résonance médiatique de l’affaire y est pour quelque chose.

Quelles conclusions tirer de tout cela ?

Ma première réflexion est que la mobilisation paie toujours dans notre monde ultra-médiatique. L’avenir appartient à celles et ceux qui savent maîtriser les outils modernes de communication pour faire connaître l’injustice de leur sort. Je crois pouvoir dire qu’à ce petit jeu, nous ne sommes pas très bons.

Et pourtant, nous aurions tout à gagner à bouger et ce d’autant plus que nous sommes nombreux – et même majoritaire en Bretagne- et que les injustices que nous subissons sont indéfendables sur le plan du droit international comme sur celui de la morale. La démocratie ne saurait tout légitimer et certainement pas la mort d’une langue.

Ce qui m’a le plus surpris, dans cette affaire des noms de lieux, c’est le silence de nos adversaires traditionnels. Les jacobins étaient comme pétrifiés et n’ont jamais su faire entendre une voix discordante. Nos pires adversaires, partisans farouches du national-souverainisme et de la destruction de la diversité culturelle, comme le rassemblement national et la France insoumise- étaient aux abonnés absents.

Le charisme de gens comme Alan Stivell ou Nolwenn Korbell n’explique pas tout ! Les Bretonnes et les Bretons aiment leur culture. Ils ont compris tout l’intérêt que représentent leur langue et leur identité dans cette mondialisation broyeuse de différences. Ils étaient avec nous.

Ma seconde réflexion consiste à rappeler que l’on peut aussi attribuer de nouveaux noms de lieux en breton. Il suffit d’en avoir la volonté, et surtout l’idée. Notre langue bretonne est plus ancienne que le français, mais c’est aussi une langue d’avenir. Dans chaque situation où les municipalités sont amenées à forger de nouveaux noms de rue ou de quartier, le premier réflexe doit consister à se tourner vers le passé et la toponymie du lieu pour y puiser le nom adapté. L’histoire fait sens, le plus souvent. Si aucun nom utile n’apparaît, rien n’empêche de faire preuve d’imagination, de désigner les lieux en breton ou en gallo, ou de mettre en place une désignation bilingue. Il est encore possible de se plonger dans l’histoire locale pour honorer la mémoire de femmes et d’hommes du pays qui ont accompli de grandes choses.

Ma troisième réflexion consiste à appréhender la situation générale. L’arbre de Telgruc cache une forêt qui, trop souvent, n’en a que faire de nos langues. Nous connaissons tous des endroits où un Conseil municipal bien intentionné a attribué à de nouvelles rues, des noms qui fleurent bon la banlieue parisienne. Il est aussi permis d’être optimiste en considérant que l’affaire des noms de lieu a dessillé les yeux d’un grand nombre de gens et qu’ils ne seront pas si nombreux les maires à reproduire les erreurs du maire de Telgruc, ne serait-ce que pour éviter de subir la même déconvenue. Certains maires avaient compris avant les autres, comme à Plonevez Porzay où une carte exhaustive de la toponymie bretonne a été établie.

C’est sur le terrain que la bataille se joue, au sein des Conseils municipaux mais aussi dans la capacité des Bretonnes et des Bretons à interpeler leur maire sur ces questions et à faire toute proposition utile. Si toutes les communes ne disposent pas d’association aussi dynamique que celle d’Eost, rien n’empêche d’agir, via une association, ou à titre individuel, afin que la question soit posée. Il suffit d’oser !

Pour conclure : lorsque j’étais enfant à Brest, la ferme familiale comportait un champ éloigné au « dour Gwenn » . C’est ainsi que nous l’appelions. Un jour, ce lieu a reçu l’appellation « rue de l’eau blanche » par la mairie de Brest. Mais nous avons continué à parler du « dour gwenn » , comme si de rien n’était. En repassant dernièrement à Brest, je me suis arrêté sous un panneau. Et j’y ai lu « rue dour Gwenn » . C’est donc nous qui avions raison !

Yvon Ollivier

Auteur

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logo Yvon OLLIVIER est juriste, auteur de l'ouvrage "la désunion française essai sur l'altérité au sein de la République" ed l'harmattan 2012 et membre de la coordination des juristes de Bretagne blog associé desunion-francaise.over-blog.com
Vos 12 commentaires
Muichka Le Dimanche 11 octobre 2020 19:51
Je signale juste que La Poste est devenue une société de statut privé. Elle a donc la liberté de faire ce qu'elle veut. ce qui est bien dommage. Car dans sa rationalisation (dans tous les contrats qu'elle propose), elle IMPOSE SA FAÇON DE VOIR HEXAGONALE.
Les noms de village sont interdits;par exemple, si ils ne sont pas précédés du mot "quartier" !
Elle agrée ce que l'on appelle le RNVP (rationalisation et normalisation des voies postales) et peut rejeter tout courrier qui n''est pas passé par ce RNVP. Dans mon job, je suis obligé de passer tous mes courriers (en masse, très nombreux) par ce RNVP.
La Poste veut devenir un des maîtres de la France, comme les GAFAM sont devenus les maîtres du monde.
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Naon-e-dad Le Dimanche 11 octobre 2020 21:11
Les fins connaisseurs remarqueront que l'on dit bien " an dour gwenn" alors que l'on dira "ar veunteun wenn". En breton: dour (eau) est masculin, feunteun (fontaine) est féminin. Au passage et sur ces deux exemples, "blanc", signifie ici plutôt "sacré".
Ceci pour dire que les panneaux bilingues doivent être rédigés avec soin,en particulier s'agissant des mutations consonantiques, qui réhabituent les passants à la langue. On observe parfois des erreurs - en français aussi, mais c'est beaucoup plus rare - qui font penser que les processus de contrôle en commande/fabrication devraient être sécurisés.
Ra vleunio añvioù-ru brav e Breizh e bloavezhioù da zont....
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Hervé Le Lundi 12 octobre 2020 00:05
Pourquoi ne pas mediatiser chaque année un prix ou une palme de la municipalité la plus anti bretonne ! En 2020 ce n est pas la municipalité de Telgruc qui aurai reçu cette palme mais probablement celle d yffiniac qui a voté contre l ouverture d une filière bilingue bretonne dans son ecole publique ! Yffiniac est donc contre l enseignement d une langue et d une civilisation à l ecole ou du moins contre le respect d un choix donné aux parents de pouvoir scolariser leur enfant en langue bretonne ! Cette politique discriminatoire est passée totalement inaperçue et n a été dénoncée par aucun media ! La sensibilité aux droits de l homme est manifestement très sélective dans notre république : des français à part entière d un coté avec des droits culturels décents, et des "français " de seconde zone, avec très peu de droits culturels. Doit on les nommer des sous-hommes pour justifier leur condition d extrême indigeance culturelle ? Le plus grand problème de la Bretagne ne vient pas que de Paris, mais de l allégeance de plus en plus prégnante faite à l'esprit suprematiste français par un certain nombre de "bretons" influents. Le second problème est que pour les dénoncer il faut des medias influents,dont nous sommes privés...
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Anne Merrien Le Lundi 12 octobre 2020 00:05
A St-Martin-des-champs, lorsqu'on vient de Rennes, on peut sortir de la RN12 direction Roscoff. Longtemps, la potence de l'échangeur a indiqué "Ar Gwerniou" mais désormais, il est écrit "Le Launay". C'est d'ailleurs un barbarisme (double article et changement de genre) et une erreur de traduction : "aulnaie" se dit "gwerneg", terme dérivé de "gwern" (aulnes); "ar gwernioù" signifie plutôt "les marais". C'est stupéfiant qu'à Brest "Dour Gwenn" soit revenu en grâce. Une personne influente a dû intervenir sans doute.
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Jc Plouhinec Le Lundi 12 octobre 2020 07:24
La Poste société anonyme dans sa mission de service public ,n’a à mon sens, aucune légitimité à imposer sa volonté dans les noms de lieu. La distribution des objets n’est plus un monopole mais un champ ouvert la concurrence, et cela l’est fortement dans certaines parties du territoire. Les élus doivent le savoir, et ne pas plier .
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Jacki Pilon Le Lundi 12 octobre 2020 08:40
La sensibilisation de la population et particulièrement de la jeunesse à ce sujet me paraît un élément essentiel, c'est pour cela qu'il faut essayer d'imaginer des actions qui impliquent le maximum de monde et de générations... En l'occurrence, l'idée est de s'adresser aux jeunes (peut-être par le biais de projets scolaires) pour qu'ils questionnent les personnes âgées de leurs connaissances, bretonnantes de naissance -tant qu'il en reste encore- , pour leur demander des explications, des traductions et autres anecdotes sur les noms de lieux de leur commune. Il faudra préalablement communiquer les listes de micro-toponymes bretons, à partir du cadastre ou des fichiers des mairies. Bien sûr, les retours ne seront pas parfaits, mais ce n'est pas cela qui compte. D'ailleurs, ces retours pourront être passés à des spécialistes qui à leur tour pourront apporter leurs contributions -mais dans un deuxième temps seulement. Il pourrait même y avoir des discussions organisées par les mairies ou les associations, sur telle ou telle interprétation. Et ainsi, les noms de lieux deviendront un sujet vivant, intéressant tout le monde, et qui continuera à faire parler de lui et à attirer l'attention sur la langue bretonne.
On peut ajouter à cela une possibilité d'incitation par un concours, avec prix, récompensant par exemple le plus grand nombre de contributions, sachant qu'une contribution consisterait en :
un micro-toponyme breton de la commune pour lequel on veut en savoir plus,
le nom de la personne conduisant l'enquête,
le nom de la personne de connaissance (parents, grands-parents, ami de la famille ou voisin) ayant répondu
les éléments d'interprétation (y compris en forme vocale si possible) : traduction, prononciation, contexte...
Ce ne sont que des idées.... mais je pense que si tout le monde s'y met -associations culturelles, personnalités politiques ou artistes, municipalités souhaitant jouer le jeu-, on peut impulser un véritable élan à partir de ce qui s'est passé à Telgruc et mobiliser l'opinion publique bretonne de façon efficace.
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penn kaled Le Lundi 12 octobre 2020 09:56
Pour ce qui concerne la poste ,je constate qu'il y a de moins en moins d'eau à passer par son moulin , de moins en moins de courrier ,l'explication est simple internet a pris la relève et malgré tout il faut le reconnaitre une certaine simplification administrative. je peux me tromper aussi ? Il y a un moyen pour accélérer cette tendance c'est le refus de la pub .Par ailleurs la nomenklatura linguistique bretonne de part une volonté de rupture avec le langage considéré comme dégénéré des natifs a privé le militantisme breton du soutien d'une partie de cette population , loin d'être opposée à la promotion du breton . Cela concerne également la génération intermédiaire (ce sont celles et ceux qui ont vécus dans le milieu des natifs ,qui ont pris conscience et améliorés par divers moyens sa pratique ,population loin d'être négligeable ) tout cela facilite les décisions des élus locaux qui veulent parfois en finir avec toute référence à la langue bretonne .
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Naon-e-dad Le Lundi 12 octobre 2020 14:25
@Anne Merrien
Ce que vous signalez est l’exemple ahurissant d’une violence sournoise, toujours tapie. Qui parvient à sortir ses griffes, dans l’ombre. Cela fait mal au ventre. C’est la chair du pays qui est atteinte. C’est l’histoire confisquée. C’est la géographie piétinée. C’est l’avenir refusé.
On rappellera que les routes nationales (RN) sont à charge des collectivités territoriales depuis bien longtemps.
Comment un département, une région peuvent-ils tolérer ce qu’il faut bien qualifier d’exaction ?
Ne peut-on pas remonter les filières pour en connaître l’origine ? Et corriger ce saccage caractérisé.
Changerait-on à leur insu, et dans l’anonymat, le nom patronymique des gens ? Modifier un nom de famille est un acte difficile et engageant. ll y faut une demande soigneusement argumentée, et après décision de justice un passage au Journal Officiel.
La toponymie paraît plus impactante encore. Elle est un bien collectif, public et stable dans le temps, un socle sociétal et historique.
Il faut quand même noter que ailleurs, par exemple sur la quatre-voies sud-Bretagne, les nouveaux panneaux touristiques sont bilingues. Cette prise en compte du bilinguisme dans la communication constitue une amélioration certaine en direction de la population et des visiteurs extérieurs, qui ont le droit de savoir qu’ils entrent dans un territoire imprégné d’une langue européenne ancienne, qui entend se projeter dans le futur..
A propos d’entendre justement, quand aurons nous, sur les systèmes GPS automobiles, des prononciations correctes et audibles ? Là encore , c’est une question de respect de la population et des visiteurs extérieurs. C’est une question de volonté politique, qui pour une fois ne coûte pas cher à mettre en œuvre. Pourquoi la région, l’Ofis n’interviennent-ils pas auprès des acteurs industriels ?
Pegoulz e vo klevet brezhoneg distaget mat e-barzh hon otoioù ?
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TY JEAN Le Lundi 12 octobre 2020 16:53
Lorsque j'entends ( c'est tout récent ) un conseiller municipal d'une commune qu'il est préférable de ne pas préciser, nommer un bagad " clique " je pense qu'il y a de bien du pain sur la planche !
dans notre village nous n'avons aucun souci avec la poste,concernant les adresses en ker ou ty,
sans ajouter " lieux-dits "
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Kris 44 Le Lundi 12 octobre 2020 17:30
Il y a eu également "les noms de la honte" , et cette fois-là il ne s'agissait pas de noms de lieux mais de noms propres . Tant pour les esclaves reconnus enfin comme des citoyens humains à part entière , que pour l'écriture "francisée" des noms bretons !
Le nom de famille "le goal" viendrait de Keroual ! Quel gymnastique a-t-elle bien pu le permettre ? De l'ignorance , sans aucun doute ! "Le" était toujours indispensable puisque même Goal ne sonnait toujours pas assez "français" . Le sauvage , c'est toujours l'Autre !
Pour les esclaves , des noms du genre : "Zéro ,Trou du cul , Désir , Plaisir ..." et nombre d'Antillais portent toujours aujourd'hui ! Magnifique démocratie républicaine , éclairée par les Lumières ! Ils n'ont pas honte , les défenseurs de ces ignominies !
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Krys 44 Le Lundi 12 octobre 2020 20:30
Les ouvertures de classe dans l'enseignement public , ne dépendent pas des mairies mais de l'Éducation nationale !
Précédemment il fallait écrire "Quelle gymnastique ! " Mais après tout , pourquoi avoir plus de respect pour cette langue qu'elle n'en a pour nous ?
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Anne Merrien Le Mercredi 14 octobre 2020 17:09
Depuis 2003, à Morlaix, place de Viarmes, une oeuvre d'art représente le relief des vallées de la ville. Au sol sont gravés des noms de rue : barrière, sangliers, halles, roche, fontaine, pipes, théâtre...On chercherait en vain quelque nom commun en breton. Pourtant Morlaix n'en manque pas : poan-benn, marc'hallac'h, tosenn, traoñ lenn...L'ensemble porte le nom d'U-topies : l'utopie, ce sera quand la langue bretonne cessera d'être dans l'angle mort des artistes et de leurs commanditaires.
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