- Lettre ouverte -
Réunification : La lettre ouverte de Pierrick Massiot, président de la région Bretagne
La Bretagne, le vrai projet d’avenir Le débat sur une grande réforme territoriale est lancé. Chacun y allant de son découpage, de sa carte, et de ses propositions de mariage… Tout
Par La Rédaction pour ABP le 29/05/14 10:37

La Bretagne, le vrai projet d'avenir

Le débat sur une grande réforme territoriale est lancé. Chacun y allant de son découpage, de sa carte, et de ses propositions de mariages… Tout y est souvent présenté comme si la question institutionnelle était prioritaire, comme si le débat n'était que technique, comme si le sujet ne concernait que les seuls élus et pas les citoyens, comme si, enfin, la question se résumait à une opposition entre les « modernes » et les « anciens » .

Les premiers, ne nous parlant que de taille critique, de dimension européenne et de sens du progrès, auraient tout compris à la globalisation, aux exigences de l'économie et à la prospective radieuse des experts.

Les seconds, réputés ne puiser leur inspiration que dans le rétroviseur, l'histoire, l'identitarisme et le folklore seraient quant à eux d'indécrottables nostalgiques des provinces héritées de la féodalité médiévale. Pour l'avenir de la Bretagne, le choix serait donc à faire entre, d'un côté, le progrès, dans le cadre d'une très grande région Ouest, moderne parce que propice au développement et de l'autre, la régression, avec une région Bretagne, passéiste, rabougrie et reposant sur des considérations forcément ringardes.

À qui veut-on imposer une telle caricature ?

Unifiée avec la Loire-Atlantique, forte de 4,5 millions d'habitants, de trois métropoles complémentaires, de villes attractives, d'un tissu économique performant et cohérent, de puissantes capacités de recherche et d'enseignement supérieur, de la première façade maritime du continent, bénéficiant, si on le veut, d'une organisation institutionnelle simplifiée et plus efficace, de compétences et de moyens renforcés, la Bretagne aurait, évidemment, toute sa place dans le concert des régions européennes et même au-delà. Mieux, elle serait plus peuplée que 8 des états membres de l'Union européenne ou que 11 des länder allemands !

Et cela ne l'empêcherait pas, bien au contraire, de renforcer et de démultiplier avec ses voisins des liens de coopération sur de très nombreux sujets, comme elle a toujours su le faire avec succès.

À qui veut-on faire croire que pour être modernes il faudrait renoncer au nom de Bretagne ?

Se privant ainsi d'un porte drapeau, formidable atout pour la conquête de marchés nouveaux, vecteur d'affirmation dans le monde entier. Qu'on l'explique donc à toutes les entreprises, et, notamment, celles de « Produit en Bretagne » qui, depuis longtemps, savent la puissance que représente la « Marque Bretagne » pour leurs stratégies commerciale ou d'alliance.

À qui veut-on faire croire que pour être plus performants, il faudrait dissoudre ce sentiment d'appartenance qui fait notre fierté ?

Faisant fi du ciment de notre cohésion sociale, et l'un des atouts de notre dynamisme économique. Ne voit-on pas que, partout à travers le monde, les États ou les Régions qui se portent le mieux, qui sont naturellement les plus ouverts à l'extérieur et les plus conquérants, sont aussi ceux qui jouissent de la meilleure cohérence interne ?

À qui veut-on faire croire que pour être mieux armés, il faudrait diluer notre identité ?

Se privant, dans un monde qui se banalise et s'affadit, d'un formidable atout que beaucoup nous envient. Serions-nous assez fous, quand certains dépensent des sommes faramineuses en campagnes de communication pour se forger de toute pièce une identité artificielle, pour renoncer à celle, bien vivante, qui nous vient de l'histoire et qu'ensemble, nous forgeons au quotidien ?

À qui veut-on faire croire que notre avenir commun devrait être le résultat d'une construction théorique et artificielle ?

Est-elle dépassée l'idée que la performance des organisations est d'abord le fruit d'une bonne prise en compte des réalités humaines, géographiques, historiques, culturelle et sociales? On ne joue pas au lego ! La grande dimension d'un territoire n'a jamais assuré son efficacité. On risque au contraire de se couper du réel et de fabriquer des ensembles technocratiques, déconnectés de tout lien avec les réalités du quotidien.

Quant à ceux qui craignent de bonne foi que des régions à forte identité seraient une menace pour l'unité nationale, je regrette qu'ils n'aient pas entendu la Marseillaise entonnée à pleins poumons par les 80 000 Bretons réunis au stade de France pour la finale Rennes / Guingamp. Ils auraient été saisis par l'émotion patriotique, et n'auraient plus le moindre doute sur l'attachement viscéral des Bretons à la France et à la République.

Non, décidément, le débat sur l'avenir de nos collectivités ne saurait être caricaturé.

Non, la modernité n'exige pas forcément la course à la grande taille, à la renonciation à l'identité et à un déficit d'adhésion collective.

Oui, plus que jamais, la modernité porte un nom : la Démocratie, ce système si fragile, selon lequel les habitants d'un territoire sont appelés à participer au gouvernement des affaires qui les concernent.

Mais comment le pourraient-ils dans des espaces géographiques dans lesquels ils ne se reconnaitraient pas ? Comment le pourraient-ils dans des espaces ne reflétant ni la réalité de leur histoire, de leur vie quotidienne ni leur projet collectif ? L'expérience des trop vastes circonscriptions électorales européennes, machines à produire de l'abstention et du rejet, n'est elle donc pas une leçon suffisante ?

Pour nous, les vrais enjeux sont, dans l'ordre, celui de la vitalité de la démocratie locale et donc de la qualité de la cohésion sociale, celui de l'efficacité de l'action publique et du service rendu à nos concitoyens. Performance économique et efficience de la dépense publique en seront la résultante.

C'est ce que porte le projet d'une Bretagne rassemblée dans une Assemblée de Bretagne, nouvelle forme d'organisation publique proposant une dynamique territoriale : simplifiée et moins coûteuse, plus puissante et plus efficace pour représenter et défendre nos intérêts, en prise directe avec les vraies réalités de la Bretagne,plus à l'écoute des habitants et plus proche d'eux dans ses actions,pertinente pour relever les grands enjeux d'un monde ouvert, capable de nous porter collectivement vers un avenir solidaire et prometteur.Cette volonté est conforme aux prises de position constantes du Conseil régional de Bretagne, mais elle ne peut être celle de notre seule institution régionale, il est en effet essentiel que ce projet soit porté par un processus démocratique. Il n'est pas imaginable pour moi que l'avenir de nos territoires ne soit décidé que par les élus et qu'il ne résulte pas d'une adhésion aussi large et enthousiaste que possible.

C'est la raison pour laquelle j'appelle tous ceux qui se sentent concernés par l'avenir de la Bretagne, à participer au débat et à construire avec nous le projet d'organisation qui sera proposé au gouvernement et au Parlement qui auront, in fine, à en décider.

Pour ma part, je proposerai très vite une méthode et un calendrier pour construire ce projet partagé. La première étape en sera un texte, socle du projet d'Assemblée de Bretagne, posant ses fondations et ses principes. Je l'adresserai à tous nos partenaires, élus, acteurs socio-économiques et associatifs, à commencer par le Conseil économique, social et environnemental régional, pour avis de leur part et, je l'espère adhésion.

Je le proposerai en débat sur Internet et les réseaux sociaux, afin que tous ceux qui le souhaitent, sans exclusive, dans la région administrative et dans les départements voisins puissent y participer. Je réunirai pour y travailler un groupe de quelques personnalités reconnues qui pourront contribuer à valoriser et nourrir le débat qui aura été engagé.

Le calendrier qui s'impose à nous est court et il nous faudra donc aller vite pour proposer un projet pour l'été. Le moment venu, il faudra solliciter l'avis de toutes les personnes concernées par les évolutions de frontières et de territoires, comme l'a d'ores et déjà envisagé le Président du Conseil général de Loire-Atlantique. Le Président de la République nous ouvre une opportunité historique qui ne se représentera pas de sitôt.

La Bretagne saura, j'en suis sûr, relever ce défi.

Ne laissons pas à d'autres le soin de décider de son avenir.

C'est avec enthousiasme et confiance que je vous appelle toutes et tous à construire la Bretagne moderne et déterminée que nous voulons.

Pierrick Massiot

Président du Conseil régional de Bretagne

Document PDF . Source :Région Bretagne
Cet article a fait l'objet de 1351 lectures.
Vos 4 commentaires
Marcel Texier Le Jeudi 29 mai 2014 19:07
Voilà une argumentation claire, intelligente, bien structurée, qui fait appel au coeur mais aussi à la raison et qui débouche sur une volonté d'action. Là-dessus, il n'y a absolument rien à redire.
Il y a cependant un détail sur lequel je ne suis pas d'accord: dire que "les Bretons sont viscéralement attachés à la France et à la République", c'est avancer une affirmation qui est de moins en moins vraie. A force de se voir abreuver de mépris, à force de se voir refuser tout véritable pouvoir de décision, à force de voir rejeter leurs revendications les plus légitimes, de plus en plus de Bretons en viennent à rejeter toute allégeance vis-à-vis de la France et à se détourner violemment d'elle. Le nombre de ces révoltés n'est peut-être pas encore très grand, mais il est déjà significatif et il tend à croître.
Jean-Paul Sartre, qui a fait parfois des choix discutables mais qui était tout de même loin d'être un médiocre a parfaitement exprimé ce qui se joue ici. Dans sa préface au "Portrait d'un colonisé" d'Albert Memmi (Petite Bibliothèque Payot), il dit ceci:
"...quand un peuple n'a d'autre ressource que de choisir son genre de mort, quand il n'a reçu de ses oppresseurs qu'un seul cadeau, le désespoir, qu'est-ce qui lui reste à perdre ? C'est son malheur qui deviendra son courage; cet éternel refus que la colonisation lui oppose, il en fera le refus absolu de la colonisation."
Le refus de réunifier la Bretagne, s'il se confirmait, sera interprété par les Bretons, même par nombre de ceux qui se considèrent encore comme modérés, comme une véritable déclaration de guerre. Le mot a déjà été prononcé dans ce contexte. Il faut convenir qu'il n'y en a pas d'autres.
Il faut convenir aussi que si les Bretons acceptent de faire partie de cette République (qui n'en représente d'ailleurs pas la forme la plus aboutie !), il peuvent aussi se souvenir que leur pays a été autrefois souverain et "qu'un duc de Bretagne", comme l'écrivait l'historien Poquet du Haut-Jussé, "n'aurait pu concevoir ni accepter l'idée que son pays fût un jour réduit en la sujétion absolue de la France".
Pourtant, ce Barthélémy-Amédée Poquet du Haut-Jussé n'était pas un boutefeu et s'entoure de multiples précautions oratoires avant de traiter un sujet qui s'intitule "Les Papes et les Ducs de Bretagne", suivi d'un sous-titre capable de faire sursauter les autorités: "Essai sur les relations entre le Saint-Siège et un Etat".
Voilà encore un mot tabou. Oui, nous avons été un Etat indépendant, soumis, bien sûr, aux pressions de voisins plus puissants, comme la France et l'Angleterre, mais de la même façon que le Danemark subissait les pressions de la Ligue Hanséatique, et pas davantage que la France actuelle dont la souveraineté est limitée de bien des manières.
Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis le temps des ducs. C'est vrai, mais l'Histoire ne meurt jamais tout à fait. Elle a laissé des strates dans notre peuple, des traces dont nous n'avons pas toujours clairement conscience. Bref, on ne peut pas faire comme si le passé n'existait pas. Dans ce cas, on ne fait pas preuve de réalisme, mais de bêtise.
Tout ceci ne concorde pas du tout avec les schémas jacobins. Que ces schémas nous conduisent dans le mur ne donne apparemment pas aux Princes qui nous gouvernent l'envie d'en changer. Pour le bien des Bretons, mais également pour celui des Français, il est pourtant urgent d'en changer !
Tenez bon, Monsieur Pierrick Massiot !
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Pascal LE CORVIC Le Jeudi 29 mai 2014 19:14
Merci.
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Piotr Le Jeudi 29 mai 2014 23:37
Ouest-France et le Télégramme, qui ont publié la tribune dans leurs versions papiers, ont "omis" de le faire sur leurs sites internet. Contrairement à la tribune des "maires de l'ouest". Tout sauf un hasard.
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tramber a-du Le Lundi 2 juin 2014 11:42
Sa lettre à la Bretagne est un texte remarquable qu'il faut soutenir et diffuser largement
pour UNE fois qu'un élu breton de poids reste en prise avec son peuple !
Saura-t-il trouver des alliances pour peser suffisamment face aux éléphants PS locaux ?
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