Alors que Carles Puigdemont a été libéré vendredi 6 avril sous conditions en Allemagne, et qu’il pourra séjourner à Berlin en attendant le jugement final, les prochains jours vont être particulièrement importants, non seulement pour la cause catalane, mais également quant à la manière dont l’Europe pourrait se construire à l’avenir.
Le fait que l’Allemagne n’a pas jugé recevable l’accusation de rébellion portée envers Carles Puigdemont par la justice espagnole démontre tout d’abord qu’une harmonisation des lois européennes en la matière est nécessaire. A quoi sert en effet le mandat d’arrêt européen si les mots rébellion ou sécession n’ont pas le même sens dans tous les pays d’Europe ? S’inspirera-t-on, dans la future loi européenne, de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, signée sous l’égide de l’ONU en 1948, qui reconnaît le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ? On peut le souhaiter. En attendant, c’est un véritable camouflet qui a été infligé à la justice espagnole par un le tribunal du Schleswig-Holstein et si, plus tard, le leader indépendantiste est remis à l’Espagne uniquement pour détournement de fonds, c’est le principal pan de l’accusation de Madrid qui deviendra caduque puisque, selon la législation européenne en vigueur, Puigdemont ne pourra plus être jugé en Espagne pour rébellion.
Pour autant, si aucune avancée n’est faite au sein de la loi, le conflit catalan risque d’être un casse-tête pour tous les pays dans lesquels Puigdemont décidera de se rendre à l’avenir, hors la Belgique où il est maintenant en mesure de jouir d’un exil sécurisé.
Ainsi le départ de Puigdemont, qui avait été décrit par les Espagnols comme « la fuite d’un bouffon », expression reprise à l’envi par les media européens à l’époque, est finalement un magnifique coup politique réalisé par le leader indépendantiste. En effet, après avoir mis les autorités belges de facto de son côté, le Catalan a réussi à impliquer l’Allemagne, première puissance économique d’Europe, dans les affaires internes espagnoles.
Alors que si Puigdemont était resté au sud des Pyrénées, il se serait retrouvé en prison sans possibilité honorable d’en sortir, au même titre que d’autres leaders catalans : une mesure abjecte pour des personnes qui demandaient juste la tenue d’un référendum, et bien peu conforme encore une fois à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. Il se serait retrouvé muet, ce qui n’est pas le cas bien sûr aujourd’hui, quand sa conférence de presse à Berlin, du samedi 7 avril, a obtenu un tel succès.
En perspective de ce qui est en train de se passer avec Carles Puigdemont et la Catalogne, il faut se souvenir que, dans les premiers mois du conflit en ex-Yougoslavie, le président allemand Richard von Weizacker avait signé, en décembre 1991, les documents officiels par lesquels l'Allemagne reconnaissait la Croatie et la Slovénie. L’Allemagne, dont une partie du pays venait de recouvrer la liberté quelques mois auparavant, établissait ensuite des relations diplomatiques -en plein conflit serbo-croate- avec les deux républiques sécessionnistes dès la mi-janvier 1992, au grand dam des autorités françaises entre autres.
Il serait sans doute hâtif d’en conclure qu’on reconnaît plus vite de nouveaux Etats européens « en rébellion » quand leurs peuples prennent les armes plutôt que lorsqu’ils sont éminemment pacifistes, comme le sont les Catalans mais, de toute évidence, les choses vont changer. Carles Puigdemont et les indépendantistes catalans nous montrent la voie.
Frank Darcel, président de Breizh Europa