Pour désigner le chef d’Etat d’un pays, le mécanisme d’un second tour d’élection, entre les deux candidats arrivés en tête au premier tour, qui est la base même de la cinquième République, n’existe qu’en France. Selon que l’un ou l’autre l’emporte dimanche prochain, l’avenir prévisible se déclinera alors de façon très différente.
Dans les autres démocraties connues, le plus souvent, c’est le régime parlementaire qui prévaut. Ainsi, en Allemagne, en Italie, en Espagne, aux Pays Bas, en Grande Bretagne, et dans la presque totalité des pays d’Europe, le Chef d’Etat, souvent appelé « premier ministre », est issu d’une majorité parlementaire préalable. Légèrement différent est le cas des USA où le Président est élu lors d’un scrutin où, cependant, une « démocratie territoriale » s’exprime par le jeu des délégués qui sont élus Etat par Etat, apportant un correctif. La France seule élit son Président de façon aussi directe.
Autre différence notable est la puissance institutionnelle de ce Président, supérieure par exemple à celle d’un Président américain dont la toute-puissance est contrebalancée par les pouvoirs des gouverneurs des 51 Etats Unis d’Amérique. En France, depuis De Gaulle, les pouvoirs se sont progressivement concentrés entre les mains du locataire de l’Elysée, inamovible durant tout son mandat, alors que son premier Ministre, responsable devant le Parlement, est devenu au fil du temps un simple « collaborateur » selon l’expression employée par Nicolas Sarkozy il y a une douzaine d’années. Dans les démocraties européennes, le « premier ministre-chef de l’Etat » peut être renversé à tout moment par le Parlement. Le Parlement français, élu dans la foulée immédiate de l’élection présidentielle, est prévu pour apporter une « composition conforme » au vote survenu deux mois plus tôt lors de l’élection du président de la République. Et de toutes façons il ne peut que renverser le premier ministre.
Dans ce schéma de pouvoir très présidentiel, qui deviendra Président a donc mécaniquement une influence démesurée sur l’avenir. Rarement le jeu n’a été aussi ouvert et les deux candidats ont des chances réelles d’être vainqueur le soir du 24 avril.
Emmanuel Macron l’emporte. Les élections législatives seront ensuite déterminantes. S’il retrouve aisément une majorité de godillots telle qu’il l’a obtenue en 2017, la continuité est prévisible. Or l’effondrement des appareils politiques traditionnels du PS et de la droite lors de ce scrutin a désarmé les groupes d’opposition actuels dont les élus sortants disposaient d’une certaine base électorale. Beaucoup se rallieront, surtout à droite, pour assurer leur réélection. On voit mal le Rassemblement National contester ce scénario. La Corse a réussi grâce aux mobilisations provoquées par la mort d’Yvan Colonna à figurer à l’agenda du début de la deuxième mandature d’Emmanuel Macron. Le dialogue promis sera-t-il tenu, et les objectifs espérés atteints ? Aura-t-il entendu le vent du boulet qui a menacé sa réélection ? Aucune certitude, dans un sens ni dans l’autre.
Marine Le Pen l’emporte. La vague soulevée peut alors aller loin. Pas plus que le PS ou la droite, LREM, le parti de Macron, ne peut espérer grand-chose aux législatives une fois ce dernier hors de l’Elysée. La frénésie de la victoire Le Pen va alors déchaîner les dérives les plus dangereuses, pour les droits de l’Homme, pour l’Europe, pour les droits des femmes, pour les victimes de racisme, … et pour la Corse ! Sans compter les dangers de sa proximité avec Poutine dans le contexte de la guerre en Ukraine.
Avec Marine Le Pen la France évoluera selon une trajectoire d’extrême-droite, dont la caractéristique la plus prévisible est un nationalisme français intransigeant à l’encontre de tout ce qui remet en cause leur vision de la France « une et indivisible ». La Corse ne pourra qu’y perdre.
Ce communiqué est paru sur François Alfonsi
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