M. le Président,
Ce que l’on pouvait craindre se produit désormais sous nos yeux. L’application de la Loi 3DS conduit de manière silencieuse à la débretonnisation de nos campagnes. Selon l’article 169 de cette loi : « Le Conseil municipal procède à la dénomination des voies et lieux-dits, y compris les voies privées ouvertes à la circulation ». Toutes les communes doivent désormais dénommer les voies et les lieux-dits, donner un numéro à chaque usager et fournir l’adressage au format Base Adresse Locale dans la Base adresse nationale, selon les normes unilatérales de la Poste.
Les opérations ont commencé et ne sont pas encore achevées pour les petites communes.
Les communes appliquent cette loi, en lien avec la poste, choisissant souvent un nom français pour les voies qui ne comportaient pas de nom, conduisant à la disparition progressive du nom breton de nos lieux-dits.
A la demande de la Poste, elles mélangent français et breton en ajoutant « rue » ou « chemin » à une dénomination en langue bretonne, ce qui est absurde.
Pour des raisons techniques, il arrive que les lieux-dits disparaissent au moment de la saisie dans la Base Adresse Locale.
La dénomination bretonne des lieux-dits est condamnée à tomber en désuétude, comme à Plouezoc’h avec les appellations Lansalut, Coat Quiff, Porz ar Prat, Kervec, Kerall, Leoc’hen.
C’est tout un pays qui change de dénomination et donc de culture et d’identité, sous nos yeux. La francisation l’emporte. Pour de mauvaises raisons techniques s’apparentant au contrôle social et à la volonté d’uniformiser qui caractérise ce pays et sa technocratie, c’est notre patrimoine linguistique qui disparaît, au mépris des droits et de la diversité culturelle pourtant reconnus par la France par la ratification des conventions de l’Unesco.
Comment rappellerons-nous demain à nos enfants que nous formons un peuple dépositaire d’une mémoire, d’une culture et de langues singulières lorsque ces dernières ne s’inscriront plus dans nos paysages ?
Comment rappellerons-nous demain à nos enfants que nous formons un peuple alors que notre histoire n’est aucunement enseignée à nos enfants ?
Pour une commune courageuse qui refuse cette débretonnisation rampante et le fait savoir dans la presse, combien d’autres le font sans même voir le problème ?
La question vous avait été soulevée dès 2019 par un collectif d’artistes breton et le mouvement culturel, lorsque le Maire de Telgruc-sur-Mer débretonnisait allègrement, avec des noms aussi inappropriés que « rue du Pélican ».
Il nous semble indispensable que le Conseil régional de Bretagne, légalement en charge de la défense du patrimoine breton et de nos langues prenne une initiative forte eu égard à la situation d’urgence dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.
La situation est bien trop grave pour refuser d’agir au motif que les communes sont en charge la dénomination de leurs rues et qu’elles appliquent la loi.
L’association Koun Breizh, dont l’objet consiste à défendre la mémoire bretonne, vous demande de la manière la plus solennelle d’agir dans cette situation d’urgence et de rappeler à toutes les communes qu’elles sont en droit de conserver intacte l’appellation de nos lieux-dits, tout en attribuant à chaque usager un numéro, et ce, quelles que soient les demandes pressantes de la Poste ou les difficultés techniques.
Elle vous demande de dresser la cartographie de l’ensemble de notre patrimoine toponymique breton en lien avec toutes nos communes et de contractualiser avec l’association des maires de Bretagne un plan de sauvegarde et de mise en valeur de ce patrimoine.
La loi vous a donné compétence pour agir dans ces matières. Nous ne pouvons plus attendre face à la débretonnisation rampante de notre pays.
Veuillez croire, Monsieur le Président, en l’expression de notre plus haute considération.
Pour Koun Breizh
Yvon OLLIVIER
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