En breton, « Hironaat » , comme hybride, métissé… Tel est le nom donné au 7e album studio (3e en configuration trio) publié par le groupe, à présent, particulièrement bien installé sur les scènes bretonnes, européennes et internationales… Nous avons nommé, PLANTEC !
Dans leur bien spécifique registre, « Trad électro » , cette formation, au style puissant, fondée en 2002 par les deux frères Odran et Yannick PLANTEC, nous propose, composé en Bretagne, un CD de 12 titres représentants plus de 50 minutes de transe, de danse, de moments, de toutes façons, très intenses.
Odran PLANTEC est aux bombardes et au chant.
Yannick PLANTEC est à la guitare acoustique et au chant.
Gabriel N'DOMBI D’OTALA, dit « Djibril » , est aux programmations électroniques et chœurs.
A noter que celui-ci est présent, au sein du groupe, depuis 9 ans !
Comme vous pouvez le constater au vu de cette distribution, pour ce trio, habituellement, étiqueté instrumental, le vocal est, aussi, dans cet opus, bien présent. C’est une première !
Après le disque « Kontakt » , paru en 2015, puis le CD/DVD « PLANTEC live au Festival Interceltique de Lorient 2017 » , sorti en février 2018 (Notre chronique) et une importante tournée, le trio PLANTEC a souhaité, bien sur, réaliser un album qui, certes, mélange les sons, acoustiques, électriques et électroniques, mais aussi, conforme à son titre, les cultures.
Le métissage est, tout au long du programme, bien audible.
Pour ce faire, en plus de deux voix féminines bretonnes de référence, PLANTEC a invité des musiciens ou chanteuses du Japon, du Burkina Faso et de Finlande, rencontrés lors de leurs conséquentes tournées.
Dans l’ordre de programmation, pour le titre « Hajime » , nous mentionnerons Jack et Yuji, deux musiciens japonais, du groupe The Syamisenist, qui jouent du shamisen, un instrument de musique traditionnel à 3 trois cordes pincées, un luth avec un long manche, à la touche lisse.
Pour « Viisaan Äänen » , les voix de deux chanteuses finlandaises, Maija KAUHANEN et Paivi HIRRVONEN, se joignent à celles, bien connues, des bretonnes Morwenn LE NORMAND (Ronan PINC, Dan Ar BRAZ - Célébration…) et Rozenn TALEC (Duos avec Lina BELLARD, Yannig NOGUET...).
Sur « Nouson Dia » , c’est le Burkinabé Mamadou DIABATE, rencontré par le groupe breton, en Bulgarie, qui vient fusionner son balafon, instrument de percussion, idiophone mélodique originaire du Mali, aux guitare, bombarde et rythmes électroniques de PLANTEC.
Parallèlement, à cette coloration world music, « Hironaat » reste, néanmoins, dans le style originel et bien spécifique du trio, celui de la musique à danser et à vivre intensément en fest-noz ou fest-deiz.
Flirtant, parfois, avec le rock ou le métal, utilisant des mélodies d’inspiration traditionnelle jouées à la bombarde, auxquelles s’adjoignent guitare et programmation techno, les 12 tires sont, assurément, ceux d’un disque intégralement nourri de musique bretonne à danser.
On y retrouve, en effet, gavotte, maraîchine, dañs fisel, pilé menu, scottish, rond de Guérande, kas ha barh, hanter dro, laridé gavotte, rond de Saint Vincent, avant deux de travers et mazurka.
Vous le constatez, l’éventail est large pour esquisser quelques pas, lors de votre écoute, sur les bases d’une énergie animale et de danses sauvages, fruits d’une frénétique transe.
Cet opus, très travaillé, a nécessité un an et demi de création, phase conceptuelle entreprise parallèlement à la tournée, s’étant achevée, juste avant l’été 2019.
Puis, l’intégralité des titres, comme le précise le livret, crédités aux trois musiciens, a été enregistrée, à Peillac (56), à la rentrée 2019, précisément, en septembre.
Le mixage a été réalisé, en Pologne, au Republica Studio de Lubrza, par Roli MOSIMANN.
Après le mastering, effectué au studio lillois R3MYBOY par Rémy DELIERS, l’album a été finalisé à l’automne 2019.
Ces trois étapes, très soignées, qu’elles soient artistiques ou techniques ont concouru à l’élaboration d’une production parfaitement aboutie qui vous permet de bénéficier d’un spectre sonore dense et puissant, toujours lisible dans la strate de ses composantes instrumentales et vocales.
Pour ce projet discographique « thématique » , dans une forme poétique, Yannick a écrit, en français, 12 textes.
Inspiré par ces derniers, c’est Maël LHOPITEAU, l’ancien chanteur de PLANTEC, qui s’est chargé d’en concevoir les versions chantées en langue bretonne.
A ce propos, le livret, illustré des graphismes de « Djibril » , reprend ces pièces écrites, dans les deux langues, lorsqu’elles sont chantées ou, uniquement, dans leur forme française originelle, lorsque les mots ne servent que de trame de fond aux morceaux, intégralement instrumentaux.
Ainsi, le programme est constitué de 4 plages chantées et de 8 instrumentaux.
L’album évoque, pour un humain, au comportement, finalement, proche de l’animal, un chemin de vie balisé par les étapes qui le marquent : La naissance, les découvertes, les expériences, la transmission et la mort.
« La sève coule dans mes veines
la force coule dans mes veines
Au creux de mes mains, tout n’est que magie.
Mon premier souffle et maintenant je sens la vie »
(O youc’hal).
« Sans nous connaître, nous marchons au même rythme.
Nous sommes des animaux, nous sommes sauvages,
nous sommes des apprentis sorciers qui dansent avec le feu » .
(Holl asambles).
« Ma vie est le tableau que je peins chaque jour
En regardant devant ou derrière, aucune couleur n’est la même
Juste serrer la main ouverte qui est à côté de moi » .
(Lazhañ an tan).
« Demain, je regarderai derrière moi
pour que sérénité soit la monture
De ce passage qui fut le mien » .
(Son an treizh).
Nous noterons une certaine profondeur philosophique dans l’écriture, un questionnement existentiel, évoquant même, parfois, des préoccupations écologiques dans le texte illustrateur de « Tal ouzh tal - face à face » .
« L’homme aux deux visages
qui a toute la connaissance du monde,
Qui a transformé ses forêts en villes,
asséché ses rivières,
a perdu ce qu’il a de plus précieux :
Sa nature. »
Indiscutablement, selon ces mots, un irresponsable « pas de travers » humain, dénoncé dans cet… « avant deux de travers » !
Dès « O youc’hal » , première plage de l’album, nous découvrons, au-delà de l’expression instrumentale habituelle du trio, guitare, bombarde et électro, qui demeure son fondamental marqueur artistique, la présence nouvelle du chant émanant des trois voix, au travers d’un chœur bien scandé.
Par ailleurs, omniprésent sur l’ensemble du disque au titre d’instrument lead, la bombarde d’Odran, laisse malgré sa véloce prédominance, s’exprimer les subtilités de la guitare acoustique de Yannick, plus particulièrement, sur la belle introduction et au cours de « Klevet » ou, en duo, sur la dernière plage du CD, intitulée « Son an treizh » .
Esthétique moment, également, en piste 4, avec « Hajime » où les musiciens nippons Jack et Yuji, virtuoses du shamisen, dialoguent avec le trio sur un fort entraînant pilé menu, cette variante de l'Andro pratiquée dans le pays de Ploërmel jusqu'à celui de Redon, ici, mise aux saveurs japonaises.
Bien sûr, au vu des invités mentionnés sur la jaquette, nous guettions avec grand curiosité, en plage 8, le quatuor européen finno-breton de voix féminines, pour « Viisaan Aanen » , kas ha barh où s’unissent les voix finlandaises de Maija KAUHANEN et Päivi HIRVONEN et des deux chanteuses armoricaines Morwenn Le NORMAND et Rozenn TALEC.
Après une ouverture assez spatiale, passant d’une voix stéréo à l’autre, c’est, à la fois, très transe par l’électro et l’instrumental et aérien par les féminines voix qu’elles soient chantées ou parlées. On retient, très bien l’air qui porte l’étape de vie ponctuée par la transmission.
« L’heure est à la transmission
L’enfant qui sommeille en moi a tout le savoir, aujourd’hui
Tout simplifier
Tout réapprendre
Tout écouter » .
En 10e piste, sur l’introduction d’une alerte rythmique, conversant avec la guitare de Yannick PLANTEC, limpide, agile, cristallin, le balafon de Mamadou DIABATE nous emmène dans un superbe rond de Saint Vincent, revisité Afrique de l’ouest !
C’est l’un des morceaux les plus lumineux du programme.
Les cascades de notes de l’idiophone croisent ou fusionnent, à merveille, avec l’alerte bombarde, les belles interventions de guitare, sur les base d’une rythmique et de programmations qui soulignent, vigoureusement, toutefois sans écraser, les parties de chacun ; très réussi !
Bien sûr, il était difficile de ne pas vous évoquer les 3 morceaux qui justifient, à eux seuls, le titre de l’opus, en faisant appel à des artistes des quatre coins du monde.
Nous vous parlerons, également, de la dernière plage, morceau très singulier dans l’album qui nous a beaucoup séduits, « Son an Treizh - chant du passage » , une sorte de retour, de bilan sur la vie que tout homme peut avoir et qui ressent, à son terme, une inexorable fin, potentiellement, début d’autre chose, d’un après !
Bien que non chantée, cette mazurka se révèle être un très bel envoi poétique, pour la clôture de ce concept album.
« Aujourd’hui au creux de mes rides, je ris, je pleure,
je chante ces moments de bonheur enchanté.
Demain, je regarderai derrière moi
pour que sérénité soit la monture
De ce passage qui fut le mien » .
Les 3 temps de cette danse traditionnelle originaire de Pologne, est magnifiquement servie par la nostalgique bombarde d’Odran évoluant sur les rondes vibrations guitaristiques de Yannick. Un très beau vis-à-vis musical entre les deux frères fondateurs.
Paru en février 2020, sous le label Fury Breizh, avec l’appui de nombreux partenaires dont France Bleu, distribué par Coop Breizh, ce nouvel et 10e album « Trad électro » de PLANTEC, conçu autour de la danse bretonne, mais aussi, coloré d’universelles rencontres artistiques et de poétiques écrits, qu’ils soient, effectivement, chantés ou contextuels aux instrumentaux, « Hironaat » est, vraiment un substantiel opus, aussi attractif pour le danseur que pour l’auditeur.
Bien sûr, avec PLANTEC, « ça transe, ça boucle, ça pulse, ça cogne, ça beat ! » , éléments quasi-physiques idéaux pour la danse bretonne où, traditionnellement, on tape du pied pour fêter ou travailler, mais ne vous y trompez pas, derrière la transe hypnotique et la puissance martelée, vous trouverez, sans nul doute, de fort agréables mélodies.
Décidément, depuis des années, PLANTEC nous livre une vision très actuelle du fest-noz.
Au cours de cette chronique, nous avons, assez largement, évoqué, l’aspect, textuel, littéraire, poétique, car il donne, assurément, de l’épaisseur à cette production discographique, ajoutant, sans conteste, du fond à la forme.
Dans la catégorie « néo-trad » , flirtant, parfois avec le métal ou le rock, « Hironaat » de PLANTEC, est un album très réussi et fort bien produit qui doit rejoindre votre discothèque et, surtout… votre lecteur de CD !
Gérard SIMON
Illustration sonore de la page : PLANTEC - "Hironaat" - Extrait de "O Youc'hal" (Gavotte de Lannilis) - 01:01.
Le site Internet de PLANTEC : (Voir site)
D'autres extraits sonores sur Culture et celtie, l'e-MAGazine (Notre chronique)
Les titres du CD de PLANTEC - "Hironaat".
01 - O Youc'hal (Gavotte de Lannilis) - 04:06.
02 - Holl Asambles (Maraîchine) - 05:18.
03 - Klevet ar bed (Fisel) - 04:50.
04 - Hajime (Pilé menu), avec Jack et Yuji - 04:22.
05 - Skediñ (Scottish) - 04:07.
06 - Lazhañ an tan (Rond de Guérande) - 04:31.
07 - Arnod (Hanter dro) - 04:13.
08 - Viisaan Äänen (Kas ha barh), avec Maija Kauhanen, Paivi Hirvonen, Morwenn Le Normand et Rozenn TALEC - 04:58.
09 - Burzhud (Laridé gavotte) - 04:43.
10 - Nouson dia (Rond de St Vincent), avec Mamadou Diabaté - 04:07.
11 - Tal ouzh tal (Avant deux de travers) - 04:14.
12 - Son an treizh (Mazurka) - 02:11.
Durée totale : 51:40.
CD "Hironaat"- Plantec.
Parution : 7 février 2020.
Production : Fury Breizh
Distribution : COOP BREIZH (Voir site)
Réf : 4016354
© Culture et Celtie