La décision d’Emmanuel Macron de maintenir coûte que coûte la date du troisième referendum sur l’indépendance de la Nouvelle Calédonie, malgré les demandes de report largement motivées par l’épidémie du Covid-19 qui a affecté essentiellement la population kanake de l’île, a produit les effets escomptés. La Nouvelle Calédonie reste française, sans que la population autochtone n’ait eu voix au chapitre.
En fait, depuis 2018, tout a marché de travers pour l’État français dans ce processus négocié lors des accords de Nouméa il y a vingt ans et plus.
Il était tellement persuadé que la victoire du non à l’indépendance était acquise, qu’il a accepté de lancer le premier referendum en 2018 avec la conviction que le score serait si large qu’il serait sans appel. Les « sondages » avaient fixé l’objectif : deux voix sur trois en faveur du « non » , grâce à un électorat légitimiste, essentiellement caldoche et métropolitain, très mobilisé, face à des Kanaks qui le semblaient beaucoup moins car la population autochtone continue à vivre dans un statut d’infériorité, tel que révèlent de nombreuses statistiques : celle du chômage, celle du taux de pauvreté, du niveau d’instruction, jusqu’à celle qui exprime le désarroi profond de la jeunesse : alors que les Kanaks sont 50% de la population, ils sont 90% des prisonniers entassés dans un établissement pénitentiaire digne des bagnes coloniaux du 19ème siècle.
Aussi les technocrates et leurs sondages n’avait pas prévu le sursaut de participation du peuple kanak, qui a soutenu le « oui » à l’indépendance plus que prévu par les stratèges métropolitains. Le non l’a emporté, mais sans tuer le match.
La route vers le second referendum inscrit dans les accords de Matignon a alors été « accompagnée » par l’État qui a ostensiblement jeté aux orties son engagement de neutralité. Visite pressante du Président de la République, édition par la Préfecture d’un libelle vantant la présence française sur le Caillou, en mettant en avant les transferts financiers qui assurent le pouvoir d’achat des Calédoniens. Mais là encore, le peuple kanak ne l’a pas entendu de cette oreille. Le non avait 18.600 voix d’avance en 2018 ; il n’en avait plus que la moitié deux ans plus tard.
Dès lors l’État colonial a senti qu’il pouvait perdre le scrutin décisif, le troisième, celui qui devait conclure la consultation référendaire. Or, dans ses tréfonds, l’État français n’a jamais envisagé de laisser gagner le « oui » à l’indépendance. Il n’a toléré les deux premiers scrutins que parce qu’il pensait les gagner facilement. Dès l’instant qu’il a vu que le sort des urnes pouvait lui être défavorable, il a agi en conséquence, et organisé le simulacre du 12 décembre.
Il l’a fait avec d’autant plus de zèle que l’évolution géopolitique générale dans l’espace du Pacifique a brusquement évolué ces derniers mois avec la montée en puissance de la guerre froide maritime entre l’Occident et la Chine, et la marginalisation de la France par l’axe formé entre les USA et l’Australie. La perte cet été d’un très gros contrat de vente d’armes par la France à l’Australie en a été la preuve. En fermant la porte à l’indépendance de la Nouvelle Calédonie, les stratèges de l’Elysée ont sans doute pensé reprendre du poids dans le jeu politique de la zone Pacifique.
Maître du calendrier, l’État a alors abusé de ses prérogatives pour offrir sur un plateau la victoire du non. Réduits à un mot d’ordre d’abstention, les indépendantistes ont quand même réussi à disqualifier un vote qui n’avait plus rien d’équitable. Mais le gouvernement le claironne avec insistance : le processus est incontestable au regard des normes juridiques de l’ONU et son résultat ne peut être invalidé au plan du droit international.
Il faudra à la France plus que sa rhétorique diplomatique douteuse pour convaincre le monde de la pureté de ses intentions démocratiques ! Et encore plus pour en convaincre le peuple kanak à qui on a la prétention d’expliquer qu’il est tenu par un vote dont il n’a pas été partie prenante !!
Car, pour les kanaks, le constat est simple : ce referendum n’était pas le leur, le taux d’abstention le prouve, et la Nouvelle Calédonie en est revenue à son statut de pays colonisé qui doit se voir reconnaître son droit à l’auto-détermination à travers un processus réellement sincère, démocratique et transparent.
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