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Epave romano-celtique de la Tamise, 150 après JC
Epave romano-celtique de la Tamise, 150 après JC
- Chronique -
Les routes maritimes antiques et les navires britons et celtes
À la fin de la période glaciaire, le niveau de la mer a monté de près de 120 mètres et l’Angleterre et l’Irlande sont devenues des îles. Auparavant, nos ancêtres chasseurs-cueilleurs poursuivaient mammouths et rhinocéros laineux dans les plaines de la Manche et les vastes steppes de la mer du Nord
Par marc Patay Lejean pour ABP le 17/10/16 8:00

À la fin de la période glaciaire, le niveau de la mer a monté de près de 120 mètres et l’Angleterre et l’Irlande sont devenues des îles (1).

Auparavant, nos ancêtres chasseurs-cueilleurs poursuivaient mammouths et rhinocéros laineux dans les plaines de la Manche et les vastes steppes de la mer du Nord. Leurs pirogues monoxyles leur permettaient tout au plus de traverser des bras de rivières ou longer le trait de côte par temps calme, mais certainement pas de traverser des mers. Aujourd'hui, il n'est pas rare qu'en Mer du Nord, un pêcheur rapporte dans ses filets des outils de silex ou des dents de mammouth !

Dès le Mésolithique, de -10000 à -5000 ans avant J.-C., les peuples de l'Âge de Pierre, confrontés à la montée des eaux, s'établissent néanmoins sur la côte est de l’Irlande, en Bretagne et à l'ouest de l’Angleterre ; n’hésitant pas à sillonner la mer d’Irlande, le Canal Saint-George, la Manche, faisant étape à l'île de Man sur leurs frêles esquifs, Curraghs et pirogues monoxyles améliorées, à ouvrir les premières routes maritimes, à échanger aussi leurs productions de haches en pierre polie, en dolérite de Plussulien par exemple.

Au Néolithique (-5000/-2000), l'agriculture et l'élevage se développent et cette productivité nouvelle libère des bras pour édifier de véritables monuments antiques. Ces mégalithes, défiant les millénaires, nous étonnent encore par leurs dimensions. En témoigne le tumulus de Barnenez, le plus vieux d’Europe, édifié il y a 7000 ans. Cet art monumental qui a précédé les pyramides d’Égypte se développe presque à l'identique sur toute la façade ouest de l’Europe : sud de l’Espagne, Portugal, Ouest de la France, Bretagne, Cornouailles, pays de Galles, Irlande, etc., car la mer n'est pas un obstacle mais bien au contraire un lieu de passage et d’échanges économiques et culturels.

Mais peu à peu, le métal se substitue à la pierre dure, du cuivre puis du bronze, alliage de cuivre et d'étain. Contrairement au cuivre qu'il faut importer, d’Espagne notamment, l'étain se trouve en quantité en Bretagne et en Cornouailles. Cela signifie qu'une production locale de haches comme il s'en trouve en Irlande, Angleterre ou Bretagne, par exemple, nécessite l'importation du métal qui fait défaut et l'emprunt fréquent des anciennes routes maritimes.

Une des routes célèbres de l'étain dans l'antiquité joignait par mer la fameuse Ictis de Diodore de Sicile à Corbilo (embouchure de la Loire) via les Scilly. Les marchandises et marchands continuaient leur voyage vers la Garonne puis le poursuivaient par voie de terre jusqu'à Narbonne et Marseille, ce qui leur prenait 30 jours. Ictis pourrait être le Mont Saint Michel de Cornouailles, Mount Batten près de Plymouth (2), ou encore l’île de Wight.

Selon César les Vénètes d’Armorique auraient joué un rôle dans ce commerce de l'étain qui fut actif dès le IVe siècle avant J.-C. C'est sans doute lui qui mit fin à ces relations commerciales en débarquant en Angleterre en 55/54 avant J.-C.

Outre les pirogues et les curraghs des premiers temps, quelles étaient les embarcations de nos ancêtres qui leur permirent de se jouer des éléments, de la houle, des tempêtes et des pièges de la côte, surtout en Atlantique ? Dans le dolmen du Mané Lud (3) à Locmariaquer, près de haches emmanchées et de crosses de berger (qui devinrent celles des évêques), les pierres sont gravées de pirogues aux poupes et proues relevés comme sur les drakkars normands ou les bateaux traditionnels du Portugal. Mais ces pirogues néolithiques qu'une simple vague forte pouvait couler, ne devaient guère s'aventurer à la poursuite du cachalot, représenté également au Mané Lud. Une pirogue améliorée datée du Ier siècle a été exhumée dans le lac de Lough Lene en Irlande, le tronc creusé de 8 mètres est rehaussé de planches assemblées par tenons, son creux de 80 cm lui offrait des qualités nautiques supérieures à celles d'une simple pirogue.

Mais pour affronter la haute mer, emporter du fret, toucher des ports lointains, nos ancêtres, ces marins et commerçants, celtes ou descendants des hommes du néolithique, surent construire de robustes cargos, ancêtres des sinagots. Ceux des Vénètes firent l'admiration de César, coque de chêne, murailles épaisses, ancre de fer, hauts bords, faible tirant d'eau, voiles de peaux amincies. Certes, les navires vénètes en imposaient aux galères romaines, mais c'est oublier que la Méditerranée connaissait ce type de cargos et corbita hellènes ou romaines. Hélas aucun de ces bateaux vénètes n'a pour l'instant été retrouvé, bien qu'il y en ait certainement gisant sous les vasières du golfe du Morbihan… les navires vénètes n'étaient pas destinés à la guerre mais au commerce, et contrairement aux drakkars, très beaux mais qui passent à tort pour des navires d'une grande modernité, ceux des Vénètes, peu différents des bateaux à dolias (4) méditerranéens, offraient plus de confort, plus d'emport et se contentaient d'un équipage réduit ; de plus un pontage offrait un abri pour les longues traversés et une sécurité en cas de déferlante.

Un navire romano-celtique découvert dans la Tamise à Londres (5) donne une idée de ces bateaux vénètes : daté de 150 après J.-C, longueur 14 m, largeur 6,5 m, construit à carvel (6) en chêne, un mât, capable d'emporter 50 tonnes de fret en rivière ou en mer. Cette technique moderne dite à carvel consiste à fixer les bordés sur des membrures, ce qui nécessite un calfatage, au lieu de les assembler entre eux par des tenons/mortaises ; une autre technique dite à clins, employée sur les drakkars, les font se recouvrir en partie.

Une autre épave découverte à Guernesey (7) datant de la même époque faisait 25 m par 6 m, avec un mât de 13 m et un équipage de trois hommes.

Plus que la construction à clins des Vikings, celle à carvel, utilisée par les Bretons et les Celtes, est le mode de conception moderne des bateaux en bois.

Notes

1. Cet article est inspiré du fort intéressant livre : Britain and the western seaways, E.G Bowen, Thames and Hudson, 1972.

2. Des lingots d’étain en Cornouailles : (voir le site)

3. Le Mané Lud : malgré le style prétentieux, détails intéressants, (voir le site)

4. Navire à dolia : (voir le site)

5. Épave de la Tamise : (voir le site)

6. J'ai modifié l'article « carvel » de Wikipédia qui ne fait apparaître cette technique qu'a partir du XIe siècle !

7. Épave de Guernesey : (voir le site)

Voir aussi :
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Informaticien, marié, aime l'écriture (prose poétique, essais, traduction), la langue bretonne, l'histoire, de la Bretagne en particulier, etc
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Vos 2 commentaires
Jacques Le Lundi 17 octobre 2016 11:59
Très intéressant, surtout que les Bretons qui évoquent sans cesse leur marine de jadis n'ont aucune connaissance des bateaux qui la composait.
Pour le néolithique, un reportage sur Tébéo évoquait la possibilité de pouvoir déjà traverser le golfe de Gascogne de la Bretagne continentale vers la Galice en ligne droite mais aussi entre les Iles Bretonnes (britanniques). Il reste certainement beaucoup à découvrir sur les marins de cette époque.
Les bateaux vénètes, les Curragh, les Carvelles sont bien trop inconnus des Bretons!
A ne pas en douter, cette ignorance va de paire avec la négation de l'identité bretonne, du moins sa minimisation à l’extrême.
Les Carvelles (bateau typiquement breton) furent le bateau standard de tout le commerce nord européen du 14ème au 16ème siècle. En Bretagne, 99% de la population ne connait pas ce bateau, ni sa silhouette si particulière..! Même dans des revues comme Ar Vag ou Armen... aucune évocation ou si peu!
Alors que nos amis Allemands et Hollandais reconstruisent à tour de bras des Kogges et Nefs de la ligue hanséatique pour se rappeler leur passé prestigieux, et cela bien que 50% du commerce était réalisé par les Carvelles bretonnes.
Donc si aujourd'hui, on veut voir en vrai les navires gravés sur les maisons de Penmarc'h et de Roscoff, il faut partir pour l'Allemagne et la Hollande... Un comble!
Les Bretons qui étaient majoritaires sur les mers sont totalement absent de l'histoire et pas vraiment stressé d'être exclu...!
A cela, on pourrait également évoquer une autre grande ignorance : la flotte de Bretagne de la marine romaine...! En grande partie composée de Bretons et dont sa survivance jouera un rôle majeur dans l'immédiat de la chute de l'Empire Romain pour bloquer les incursions saxonnes dans la manche.
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Paul Vavasseur Le Mercredi 30 mai 2018 19:48
Je suis bien d'accord avec le commentaire de jacques (ci-dessus). il y a bien une grosse lacune dans la connaissance des navires atlantiques antiques. Ne voulant pas rester la dessus, j'ai trouvé beaucoup de choses dans la littérature archéologique, mais bien peu concernant les navires bretons. L'absence de restes n'y est pas pour rien. Au cours de mes recherches, j'ai trouvé de très intéressants éléments sur les navires vénètes dans les documents publiés pat Creston, Pomey, Maurice-Garçon, Thollard etc... et surtout Lucien Basch. Son étude sur le calfatage est vraiment fondamentale pour l'histoire de la construction navale : en faisant une synthèse avec ce que je connaissait déjà, il est tentant de supposer que serait les Vénètes qui auraient inventé le "bordé sur membrure". Je veux bien l'avis d'experts (transmettre à la Socièté Archéologique du Finistère à mon attention). Merci d'avance.
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