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Pochette CD HiKs : Bezañ en e vutun. Photo (C) Eric Legret
Pochette CD HiKs : Bezañ en e vutun. Photo (C) Eric Legret
- Chronique -
Interview Hiks :"Rien de pire qu’une culture figée !"
Interview du groupe de fest-noz HiKs pour la sortie de leur 5ème CD
Par norbert guihéneuf pour Norbert Fest Noz le 29/11/19 18:49

Depuis 2006, HiKs dynamite la musique de fest-noz avec un son moderne teinté d’électro/rock.

Ce début d’année a vu la sortie de leur 5ème CD : Bezañ en e vutun (littéralement : être dans son tabac, et traditionnellement : être dans son élément).

Rencontre avec le talabarder et compositeur Gaël Lefévère.

Depuis sa création, Hiks nous a habitués à des ambitieux albums concepts, quelles sont vos influences musicales ?

Gaël Lefévère : Nos influences sont aussi variées qu’il y a de personne dans HiKS, c’est certainement ça qui fait notre son. Nous venons tous de milieux musicaux différents et écoutons aussi des choses très différentes, chacun apporte sa petite touche personnelle dans les arrangements car, depuis toujours, nous faisons les arrangements des morceaux de HiKS ensemble.

Vous avez la volonté de moderniser la musique de fest-noz en fusionnant électro, dub ou rock sur des airs bretons qui restent parfaitement dansables. Comment travaillez-vous sur les compositions et les arrangements ?

Gaël Lefévère : Les compositions, bien souvent, viennent de moi. Quant aux arrangements, nous y travaillons toujours tous ensemble, avec parfois de très longues discussions et débats, mais nous finissons toujours par nous entendre.

En revanche, je ne pense pas que HiKS ait une volonté de moderniser la musique de fest-noz. Cela s’inscrit dans une normalité, la continuité d’une culture vivante, c’est-à-dire une culture qui vit avec son temps. Il est donc normal qu’on utilise des instruments « d’aujourd’hui » pour faire une musique « d’aujourd’hui ». Le fest-noz, la langue ou la culture bretonne en général sont bien vivants, sinon nous devrions aller au musée pour découvrir notre culture de jadis, ou pire, au cimetière.

Ce cinquième album nous interroge sur la notion du temps et des traditions, vous intégrez des paroles de la poétesse Anjela Duval mais aussi celles de journalistes parisiens des années 1960. Avez-vous fait beaucoup de recherches dans les archives pour ce CD ?

Gaël Lefévère : Cela n’a pas été très difficile à trouver, même si nous avons écouté des heures d’archives. Il était important pour nous de mettre en comparaison l’image que peuvent avoir les « non-Bretons », ceux qui nous voient qu’à travers la caricature, avec la beauté simple de quelqu’un qui y vit réellement.

Et qui de mieux pour parler maladroitement de la Bretagne qu’un journaliste parisien, ou qui de mieux qu’Anjela Duval pour parler très simplement et poétiquement de la campagne bretonne ?

En même temps, il y a un petit message (un peu politique) qui passe mieux auprès du public car, d’une part, ce n’est pas nous qui le scandons au micro, et d’autre part, on se rend compte qu’on véhicule des clichés depuis quelques décennies déjà et c’est une bonne chose de rappeler que le jacobinisme ne date pas d’hier et qu’on n’a pas fini d’en entendre encore des vertes et des pas mûres.

Pour l’hanter-dro « Amzer vremañ kevrennek », vous avez invité le Pontivyen Jorj Belz à chanter, avez-vous envie d’intégrer plus de chant à votre répertoire ?

Gaël Lefévère : Cet hanter-dro est une composition de Jorj également, sauf le premier thème qui est une mélodie trad’. Le thème de Jorj est juste magnifique, il était important et logique, pour nous, de l’inviter à le chanter, avec ses paroles, sur ce disque.

Il y a toujours eu du chant sur tous les albums de HiKS – Onan pour le premier disque Drum n’Breizh, Lors Landat pour Fig. 2, Gabriel Yacoub pour Boson, Marie Sauvet pour Opération Malicorne et Jorj Belz pour le dernier.

Le chant est quelque chose de très important pour transmettre un message plus clairement qu’avec seulement de la musique. Donc oui, il y a eu du chant sur nos précédents albums et nous continuerons à en avoir sur nos futurs albums.

Sur le CD, il y a une très belle pochette et un livret composé de photomontages de costumes bretons entre passé et modernité. Ce travail avec le graphiste Benjamin Depaepe et le photographe Éric Legret est-il un prolongement de votre musique ?

Gaël Lefévère : Un disque c’est un tout, il n’y a pas, d’un côté, la musique et, de l’autre, la pochette. Nous travaillons avec Benjamin Depaepe depuis le deuxième album, donc depuis très longtemps. Il arrive toujours à mettre en image les idées que nous lui donnons pour sublimer nos délires et notre musique, il nous comprend, on peut dire que c’est le sixième membre du groupe.

Pour les photos de presse et la photo à l’intérieur du disque, nous avons choisi Éric Legret, d’abord parce qu’il est très bon dans son domaine, et parce que c’est un ami.

Quand Éric a vu le travail de Benjamin, l’idée de faire ce genre de photos lui est venue naturellement et le résultat est juste parfait. Tellement parfait que Coop Breizh a décidé d’en faire des cartes postales, c’est vous dire.

Un énorme merci à Benjamin et Éric.

Vous revendiquez une identité bretonne moderne, notamment par l’utilisation du mot « folklore » dans son sens le plus positif : la science des traditions populaires. Que souhaitez-vous transmettre comme message à travers votre musique ?

Gaël Lefévère : Le mot « folklore » est plus représentatif que le mot « tradition » qui, pour moi, est synonyme de figé et il n’y a rien de pire qu’une culture figée, on en a parlé un peu plus haut.

Nous n’avons pas à proprement dit de message à faire passer et je pense qu’il ne faut pas trop chercher à intellectualiser notre propos, nous sommes juste des passeurs d’une culture qui vivait avant nous, et qui vivra après nous quoiqu’il arrive, comme l’ont été nos prédécesseurs et le seront nos successeurs.

Tout le monde est indispensable et tout le monde est acteur de la survie de notre culture, de la plus grosse star du breizh-beat au danseur de fest-noz, en passant par l’agriculteur qui emmène son trait breton au commis, le parent qui va apprendre à ses enfants à tourner des crêpes sur un bilig, ou encore la mamie qui va transmettre sa langue à ses petits-enfants…

À chacun, l’âge venu, le temps de la découverte ou de l’ignorance.

CD Bezañ en e vutun, distribué par Coop Breizh

Plus d'info sur leur site hiks.bzh

Publication originale de l'interview dans la revue Musique Bretonne n°261 nov 2019.

Voir aussi :
Site d'information et de promotion du Fest Noz
[ Voir tous les articles de Norbert Fest Noz]
Vos 1 commentaires
Lucien Le Mahre Le Samedi 30 novembre 2019 11:13
Bien sûr il s'agit d'une expression, indiquant votre choix - que je partage - d'une culture vivante, car si, il y a pire qu'une culture figée : c'est plus de culture du tout !
Il faut admettre qu'en attendant mieux, une culture - même figée dans le formol - assure au moins une existence et une présence tout en restant un réservoir, un stock, une carrière, un vivier où puiser pour aller plus loin.
Et quant à la modernité de la musique, on ne peut également qu'être d'accord avec votre présentation, à condition toutefois de veiller scrupuleusement à ne pas inscrire un signe égal trop systématique entre modernisation et américanisation, comme cela arrive souvent.
Au delà de ces quelques réactions à votre article : bon vent à tous !
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