Un ouvrage majeur de 400 pages qui fera date. Pour son auteur, l'historien Alan Le Cloarec, c'est six ans de recherches. La bibliographie comprend une vingtaine de pages : 300 ouvrages consultés dont une quarantaine de périodiques. Tout a été lu ou parcouru, même les détracteurs comme Françoise Morvan, citée mais dans la catégorie "complotistes" ou même consubstantiel le nazi Olier Mordrel qui a collaboré avec l'occupant. Heureusement que l'auteur s'est arrêté à 1945 car les dernières 77 années pourraient faire une suite aussi volumineuse.
Cet ouvrage fait suite à plusieurs histoires du mouvement breton comme celles de Yann Fouéré ou de Yann Denis ou Alain Déniel parues dans les années 70. Plus récemment Michel Nicolas avait publié deux tomes sur l'histoire des revendications bretonnes.
Le livre fait surtout suite à un ouvrage que l'on peut qualifier de révolutionnaire qui démasque le nationalisme banal et caché des états-nations intitulé Banal Nationalism (1995 Loughborough University) écrit par le professeur britannique Michael Billig. L'ouvrage a été réédité une douzaine de fois, comme nous explique Alan le Cloarec, et n'a été traduit en Français qu'en 2019, et encore par un Belge ! Oui le travail de Michael Billig dérange en France.
L'ouvrage d'Alan Le Cloarec dérangera aussi le pouvoir et certains historiens et universitaires français comme ceux qui défendent l'exposition scriptée et anticeltique du Musée de Bretagne à Rennes. Comme l'explique l'auteur dans l'interview, ce livre devait être sa thèse mais on le lui a fortement déconseillé pour les raisons qu'il explique avec courage et lucidité.
Il y a un problème consubstantiel avec l'université française, c'est-à-dire qu'il y a un cadre idéologique - sur les questions nationales - La question nationale pour l'État français n'existe pas - Il n'y a qu'une nation c'est la France. Point... En France il y a un dogme, une nation, un État, une langue, une République, c'est un, un, un, un et on ne peut pas transiger avec çà.- Alan Le Cloarec (interview ABP)
Alan Le Cloarec aborde l'histoire du nationalisme breton avec la même objectivité que Michael Billig aborde l'histoire de tous les nationalismes. Comme l'explique Ronan Le Coadic dans sa préface, Le Cloarec a plusieurs atouts : sa connaissance des théories du nationalisme, son parallèle avec l'histoire des idées, et le tout consolidé avec l'appui de fonds d'archives inédits.
Dans ce livre, sera défendue l'idée d'une vision constructiviste et environnementale du nationalisme. C'est-à-dire que les nations seront anticipées comme des phénomènes humains, qui évoluent et se réinventent en permanence... La vision française du nationalisme, officielle, académique et consensuelle devrait nous faire dire qu'il n'y aurait de nationalisme en France que dans les mouvements bretons, corses, basques, ainsi que dans des mouvements d'extrême droite, et rien de plus. Ainsi le nationalisme ne serait que dans la marge, la radicalité, la semi-clandestinité, l'exotisme. Ce n'est pas le point de vue qui sera ici défendu... Dans une vision environnementale du nationalisme, à l'inverse, ce sont en effet tous les petits mots prononcés dans n'importe quel média, comme 'France' ou 'les Français', qui font l'État-nation, qui sont du nationalisme --Alan Le Cloarec
Alan Le Cloarec est historien, écrivain et éditeur. Diplômé de science politique, il auteur d'ouvrages historiques et d'essais sur la question bretonne. Il a publié Aux origines des mouvements bretons, Coop Breizh, 2016 et Bretagne colonie, Yoran Embanner, 2021. Il a récemment repris la maison d'édition Yoran Embanner.
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