« Eyjafjallajökull »… non, vous ne découvrez pas, sur votre écran, le résultat graphique de l’intempestif passage d’un hypothétique greffier à quatre pattes ronronnant qui aurait traversé mon clavier d’ordinateur, en pleine session de traitement de texte.
« Eyjafjallajökull »… vous souvenez-vous de ce nom, quasi imprononçable, qui a bien torturé, en avril 2010, la diction des présentateurs des journaux télévisés de 20h et de l’information en continu ?
« Eyjafjallajökull »… Ah, cela vous revient ! C’est le nom du volcan islandais dont l'éruption a paralysé, pendant plusieurs jours, le trafic aérien mondial et recouvert de cendres, toute une partie de l'Europe du nord.
Mais « Eyjafjallajökull », c’est aussi, au delà du film de comédie de même nom, inspiré par l’événement sus-décrit et réalisé par Alexandre COFFRE, en 2013, avec Valérie BONNETON et Dany BOON, le titre du deuxième et très intéressant album solo de Gweltaz ADEUX que nous avons grand plaisir à vous présenter, à vous suggérer.
Au sein de la chanson éponyme, sous titrée, « Tan ha ludu », (Feu et cendres) que vous écouterez, en plage 6, Gweltaz a voulu nous rappeler cet événement naturel qui a envahit, à grands renforts de titres et surtitres, la Une de la presse écrite et audiovisuelle, pendant une dizaine de jours, avant de retomber, subitement, dans le parfait oubli, laissant, pourtant, pour la population résidant sur place, des traces nettement plus durables que la brièveté de traitement de l’information.
N’eus mui nemet tan ha ludu
War dinaou Eyjafjallajökull
A-boan ma welomp hon daouarn
Teñval-teñval sac’h,
Teñval an oabl don, evit an deizioù.
Il n’y a plus que feu et cendres
Sur les pentes du Eyjafjallajökull
C’est à peine si nous voyons nos mains
Sombre comme le fond d‘un sac
Sombre le ciel profond, ces jours-ci.
Nommer son album : « Eyjafjallajökull » est, pour Gwelatz, un triple et savoureux clin d’œil :
En effet, lorsque, pendant 26 ans, précisément de 1981 à 2007, il était le chanteur, guitariste et compositeur du célèbre groupe nantais celto-finnois, E.V., lui et ses complices de studios et tournées s’évertuaient, toujours, à trouver, pour chaque album et en breton, de très courts titres de chansons, afin que tout public puisse les prononcer et les retenir. En fait, il n’en n’était rien, car toujours altérés par les aficionados, eux-mêmes ! Dans ce contexte de déformation phonique systématique, pourquoi ne pas, alors, s’affranchir de telles contingences, d’autant que ce nom « Eyjafjallajökull », phonétiquement accidenté, composé de « eyja », le génitif pluriel de
« ey », qui signifie « île », - les îles évoquées sont les îles Vestmann, visibles, au sud-ouest, depuis l'Eyjafjallajökull -, d’« fjalla », le génitif pluriel de « fjal », comme « montagne » et de « jökull », qui veut dire
« glacier », peut s’abréger en simple « Eyja », à cet effet, mentionné en plus gros caractères sur la jaquette du CD réalisée, graphiquement et photographiquement, par Patoger.
Et puis… un nom islandais pour chanter des chansons, toutes écrites, en breton, ça ravit Gweltaz qui suggère, également, ainsi, une internationalisation des propos, notamment, en distillant au cœur de ses textes, quelques fragments de phrases, en islandais, en allemand et en finnois.
On connaît, de toutes façons, la passion du musicien chanteur pour la diversité linguistique, les langues régionales, le breton, au premier plan, bien-sûr, puisque parlé journellement, en famille.
Enfin, en mettant le nom « Eyjafjallajökull », au fronton de sa dernière production artistique, c’est aussi, pour Gweltaz ADEUX, une façon de dénoncer, sans acidité mais humour et évidence, le rythme, effréné des média qui exercent, très souvent, un bien trop rapide et dense matraquage de l’information sur l’instant, pour, encore plus promptement, l’oublier, dans les plus brefs délais, se souciant peu des conséquences à moyen ou plus long terme pour… les plus concernés, les populations et non les furtifs locataires des cabines d’aéronefs, soudainement, empêtrés dans leurs fragiles technologies de pointe réduites au néant.
Elaboré 7 ans après son premier album solo « d’après E.V. », et titré « Ehan », (la pause), Gweltaz ADEUX s’est, pour cet opus, principalement, entouré de deux solides musiciens, le rezéen Kolaz GUERIN, ex-Emsaverien, basse et clavier, avec lequel il joue depuis une dizaine d’années et, venu du jazz, le guérandais, Anthony FRESNEAU, à la batterie.
Les enfants de Gweltaz, Tara et Malo, viennent adjoindre, distinctement ou ensemble, leurs voix et chœurs sur cinq chansons.
Sur 4 tires, Augustin DU PEUTY qui est, aussi, derrière la console, vient ajouter sa guitare, ses percussions et son clavier.
Enregistré, non loin de Clisson (44-Bzh) au Studio Route Fauve, par le sus-nommé, ce CD de 12 titres composés et écrits par Gweltaz, avec une teinture plus folk, plus pop, en tous cas, très acoustique, a été mixé par Jeff GINOUVES, en son studio Sound Valhalla.
Les thèmes de cet opus sont, bien évidemment, ceux qui sont chers à notre « raconteur de vie », à savoir, les voyages, la nature les enjeux environnementaux, les anecdotes humaines.
Une belle occasion de parler et de chanter son amour pour la langue et la culture bretonnes, le vaste monde, notamment, en passant par l’Afrique, Berlin ou Helsinki et… avant tout, par les gens.
Avec son tonique timbre, assez haut placé, énergique, convaincu et convaincant, jamais agressif ni abusivement prosélyte, on écoute, puis on ré-écoute, bien volontiers, Gweltaz ADEUX qui nous apparaît comme un compagnon de route bien sympathique et tolérant avec lequel on peut regarder le monde et ses maladresses avec acuité, mais sans, toutefois, donner la moindre leçon.
La formule solo lui convient, très bien. Même lorsque guitares et batterie s’expriment avec volume, il demeure une évidente intimité qui se dégage de ce disque.
Grâce au livret, aux couleurs « Gwenn ha Du », inséré dans la jaquette et à cette judicieuse et indispensable idée, à destination des non-locuteurs, de traduire les textes originellement écrits en breton, en proposant leur version dans la langue de Shakespeare et celle de Molière, vous pourrez, ainsi, apprécier les tournures poétiques de l’auteur.
Heolioù kriz broioù o sabl ruz
Porzhioù gwenn war aodoù Afrika
Piv e gompren c’hoazh
Piv e glev hiziv c’hoazh
Aze 'mañ ar frankiz
Avel an troioù-kaer
Des soleils cruels de pays aux sables rouges
Des ports blancs sur les sôtes d’Afrique
Qui le comprend, encore
Qui l’entend, encore, aujourd’hui
C’est là qu’est la liberté
Le vent de l‘aventure
Nous avons beaucoup aimé l’ensemble des titres de cet album qui met en lumière un style, un chant, un état d’esprit, bien particuliers et qui permet à la langue bretonne de sonner, aussi bien, en rythme qu’en douceur.
Au-delà du titre « Eyjafjallajökull » que nous avons apprécié, tant musicalement, avec ce quasi trio vocal Gweltaz, Tara et Malo, que textuellement, avec ce sentiment d’espoir qui renaît, toujours, après toute grisaille et que l’on nomme, souvent, résilience.
C’est du vécu, Malo GWELTAZ poursuivant, alors, des études en Islande, Gweltaz et la famille avaient été le voir, in situ, et, à cette occasion avaient rencontré des autochtones, dont un serveur qui avait subi, dans la longueur des jours suivants l’éruption, bien au delà du temps médiatique, l’événement, mais dont l’optimisme n’avait pas été atteint, d’autant que dans la vie : « on passe, toujours, à autre chose ».
Goût a rit mat ne bado ket
Tan Eyjafjallajökull Vous savez bien que cela ne durera pas
Ce feu de l’Eyjafjallajökull
Au-delà, donc, de ce titre phare, nous retenons, particulièrement, en plage 7, « Kemet ar vuhez » qui, au travers d’un souvenir, déjà, un peu ancien et vécu à Berlin par Gweltaz, celui de l’évocation de la disparition, en 1993, du guitariste de David BOWIE, Mike RONSON, aborde la volatilité de toute notoriété, dès que l’Ankou coupe, pour connus et inconnus, la lumière de la vie. Qui se souvient ? Tout passe…
La mélodie et les voix traduisent, très bien, ces virgules éphémères qui ponctuent l’existence des « misérables comme des puissants ».
Nous décernerons une mention particulière pour le bluesy « Avelioù foll », (Vents fous, vents cruels) que vous écouterez en plage 11.
Dès l’introduction, sur le tempo d’une cymbale scintillante et d’une basse bien ronde, la voix, plus retenue, plus proche, mais toujours bien timbrée de Gweltaz, nous emmène dans des paysages intimes ou nature, saisons et féminité défilent en fondu enchaîné, comme dans un clip.
A mi-chemin de ce « film », soutenu par le clavier, un très beau solo de guitare vous attend… ainsi qu’une fin en suspension, tissée en cordes d’or. Ma-gni-fi-que !
« Eyjafjallajökull » est un album attachant, homogène, mais varié, conçu dans un esprit, finalement, assez World, dénué de toute rythmiques abusive et stéréotypée. C’est une galerie de peintures journalistiques et authentiques, car vécues ou profondément ressenties.
Investigation, acuité, imaginaire, expériences réelles, sont, entre autres, les ingrédients de ces courts-métrages et saynètes que nous propose ce talentueux narrateur existentiel qu’est Gweltaz ADEUX.
Procurez-vous ce disque « Eyjafjallajökull », ou plus simplement « Eyja », ou, même, si ces 4 lettres échappent, encore, à votre mémoire, l’album solo numéro 2… d’ ADEUX !
(Facile, peut-être… mais efficace !)
Gérard SIMON
Illustration sonore de la page : Gweltaz ADEUX - Extrait de l'album "Eyjafjallajökull" :
Eyjafjallajökull - 00:56.
D'autres extraits sonores sur Culture et celtie, l'e-MAGazine :
Les titres du CD "Eyjafjallajökull" de Gweltaz ADEUX :
01 - Bepred War Vor - 03:36
02 - Dindan Ar Bilig C'hlas - 03:20
03 - Mil Den - 04:00
04 - Pezhioù Aour - 04:57
05 - Tri Aval Warn-Ugent- 03:55
06 - Eyjafjallajökull - 03:32
07 - Kemmet Ar Vuhez - 03:27
08 - Helsingissä - 03:31
09 - An Dug Hag Ar Bleizi -03:43
10 - Riklañ War Ar Poull - 04:26
11 - Avelioù Foll - 04:17
12 - War An Enez Sklas - 05:17
Total : 47:10
CD "Eyjafjallajökull" de Gweltaz ADEUX
Parution : 17 janvier 2018.
Distribué par COOP BREIZH - (voir le site)
Réf : 4016094
Le site officiel de Gweltaz ADEUX : (voir le site)
© Culture et Celtie