Décentralisation, transports, culture : c’est le grand retour du centralisme. Macron s’était fait passé pour un décentralisateur… et certains l’avaient cru.
Nous vivons une période plutôt étonnante. Le PDG de la SNCF se lâche en expliquant que le déficit de la société qu’il dirige est du aux gouvernements successifs qui n’ont cessé de croire (ou de feindre de croire) que le tout TGV était la seule voie possible.
Résultat les deux tiers de la dette de presque cinquante milliards est due à cette politique irresponsable et recentralisatrice.Dans le même temps quinze présidents de régions (de droite et de gauche) publient une tribune dans Le Monde (1) et dénoncent la recentralisation en marche ou ce que l’on pourrait aussi appeler la recentralisation vue par En Marche.
Sur le même journal, des responsables d’organisations de professionnels de la culture dénoncent eux aussi la recentralisation, celle des dépenses culturelles de l’État. Elle sont très inégalitaires. On dépense des fortunes pour des investissements culturels à Paris et ensuite on envoie les troupes parisiennes cultiver la province.
Il ne faut pas se réjouir d’avoir prédit une catastrophe ! Mais quand même. Cela fait des années que l’affaire du TGV a été dénoncée. Cela fait des années que l’on sait que la réforme des régions reste à faire et que la dernière réforme (sous Valls et Hollande) était un attrape-couillon.
Il y a bien longtemps que nous sommes nombreux à ne plus croire aux vertus de la culture qui nous tombe sur la tête et nous coûte si cher. Bref on savait !
Mais aujourd’hui bon nombre de ceux qui dénoncent l’abandon des trains du quotidien, le manque d’investissement en ce domaine, ceux qui attaquent (avec beaucoup de déférence quand même et sur un ton très comme il faut) l’État et sa recentralisation sont les mêmes, ou presque, que ceux qui hier ont laissé faire cette ridicule réforme des régions. Ils réclamaient aussi des TGV et des LGV. Une présidente occitane a même lancé il y a peu une campagne sur le sujet.
Bref les uns et les autres nous disent aujourd’hui que les discours girondins de Macron étaient unleurre. Ils sont indignés et s’étonnent de ne pas avoir l’argent du leurre.
Finis les rêves de décentralisation et de régionalisation. La haute administration a repris la main. Fini de rigoler ! On a mis les corses au parfum d’emblée, de façon peu élégante ; et maintenant voilà que les autres s’aperçoivent, alors même qu’ils ont été très sages, qu’ils n’auront rien, encore moins que les corses ! Ces derniers n’ont d’ailleurs pas été très soutenus par les champions de la décentralisation !
Le premier ministre va bien organiser une petite conférence des territoires comme il y a quelques mois avec tambours et trompettes. Si c’est un peu ronflant l’effet durera quelques temps et calmera les provinciaux !
Et vous pensiez vraiment que ça se passerait autrement ?
La décentralisation c’est une affaire de courage politique ; il faut savoir dire non à ses amis quand ils sont au pouvoir à Paris. Personne ne l’a fait parce que personne n’a jamais voulu la mise en place de vrais contrepouvoirs régionaux. La règle du jeu c’est d’être décentralisateur quand on est loin de Paris et plutôt centralisateur quand on s’en rapproche.
Pourtant il faudrait avoir le courage d’en finir avec des traditions politiques désuètes, avec le conservatisme, l’immobilisme. Nous sommes en train de revenir dans le monde d’hier.
Ceux qui croyaient en finir avec l’immobilisme en finançant avec les budgets régionaux, départementaux et communaux (2) les lignes qui mènent en trois heures à Paris, se trompaient. Mais le reconnaitront ils ?
Quant aux acteurs culturels, je ne peux que partager leur indignation. Les chiffres qu’ils donnent sur les dépenses entre Paris et les régions sont les mêmes depuis des années et des années (3). Il n’est jamais trop tard pour les dénoncer c’est vrai, mais il faudra plus qu’une réformette du ministère de la Culture pour changer cela.
J’ajoute enfin que je n’ai pas encore entendu nos élus de collectivités dénoncer ce qui nourrit la culture du centralisme à savoir cette propagande permanente qui consiste à nous dire que si Paris se développe on finira bien par avoir des miettes. C’est la théorie du ruissellement appliquée aux territoires n’est ce pas ? Les J.O à Paris sont le fin du fin de cette vision des choses ? Et vous applaudissez ? Moi non !
Parce que vous payerez demain. Oui vous payerez ! Nous payerons tous pour des aménagements qui, une fois de plus, seront au même endroit. Parce que bien sûr la facture dérapera. Mais vous, élus des collectivités, vous acceptez déjà de payer et vous le reconnaissez ! En dénonçant le fait que l’on vous demande, à vous présidents de collectivités, de faire les plus gros efforts (plus que l’État) pour réduire le déficit public du pays, vous acceptez déjà de nous faire payer la mise en place de ce néocentralisme.
Vous dénoncez aussi les difficultés de l’État a honorer les contrats passés avec vous ( les contrats de plan État –Régions). Mais ce ne sont que des instruments faits pour que l’État puisse orienter les dépenses des régions et autres collectivités. Tout a été pensé par la haute administration que vous dénoncez cette fois-ci parce que vous vous apercevez du peu de considération qu’elle pour les élus locaux.
Il faudra un peu plus d’énergie qu’une simple tribune dans le plus grand quotidien parisien pour faire bouger tout ça !
D’ailleurs vous auriez pu avoir le réflexe de faire publier votre article dans les quotidiens régionaux, ceux de vos territoires, bien plus lus, et lus d’abord par ceux qui sont concernés au premier chef. Mais notre président monarque ne se serait peut-être pas ému d’une tribune publiée dans des gazettes de province ? S’émeuvra t-il ? Rien n’est moins sûr !
David Grosclaude
Un petit clin d’œil pour terminer ! « Recentraliser » est un mot qui n’existe pas en français officiel. Mon ordinateur n’arrête pas de me dire que je dois corriger ce mot. Je cherche sur les dictionnaires divers et variés de la toile …et rien. En français on centralise mais on ne « recentralise » pas. Donc c’était bien un leurre…de quoi nous plaignons nous ?
(1) Le Monde du mardi 24 avril
(2) Certaines collectivités ont payé pour une LGV qui ne passe même pas sur leur territoire. Mais ils acceptaient de payer parce que ça les rapprochait de Paris. C’est l’argument qui a décidé de nombreuses collectivités à sortir des millions pour la ligne Tours-Bordeaux.
(3)Le ministère de la Culture dépense 139 euros par an et par habitant en Ile de France et 15 euros par an hors de cette région. C’est une vision très particulière de l’égalité républicaine mais elle fonctionne ainsi depuis des années et des années.