Comme annoncé, il y plus d'un mois par l'ABP ( voir notre article ), Christian Troadec a déposé, aujourd'hui, à la Préfecture de Quimper une liste pour les élections au Sénat qui auront lieu le 28 septembre prochain. 2 096 grands électeurs du Finistère (surtout maires et adjoints aux maires) éliront 4 sénateurs. La liste « Pour l'emploi et le Finistère » n'est pas une surprise, mais en contient quelques-unes qui pourront arrêter les ronronnement des machines politiques qui se croient propriétaires des votes.
Il est déjà inhabituel qu'aucun maire n'ait voulu s'embarquer avec Christian Troadec, conseiller général et maire de Carhaix, alors que l'élection est faite par des maires et conseillers municipaux et que le Sénat se proclame l 'assemblée des collectivités territoriales. On ne prendra grand risque à être démenti en disant que ces électeurs particuliers peuvent être en accord avec Christian Troadec, voter pour lui et ne pas désirer se faire accrocher au dos la pancarte « Bonnets rouges » par leurs électeurs et leurs collègues maires.
Personne n'ignore que l'image des "Bonnets rouges" est, souvent et à tort, associée à une idée de violence, pourtant étrangère à la majorité de ceux qui ont participé aux deux manifestations de masse de novembre 2013 et aux États-Généraux de Bretagne, en mars 2014. Cependant, si Christian Troadec et Corinne Nicole, la seconde de liste, se mettent en retrait par rapport à leur porte-parolat du « Collectif Vivre, décider et travailler en Bretagne », il est difficile de ne pas soupçonner un esprit Bonnet rouge dans la démarche principale, celle qui a motivé le surgissement du mouvement, la protection de l'emploi.
Christian Troadec souligne que le Finistère a vu le nombre de chômeurs augmenter de 50% entre 2008 et 2014 et que les grandes « formations politiques parisiennes » ont été incapables de proposer des solutions. La chute des permis de construire indique que les pertes d'emploi dans le bâtiment vont encore s'accroître et l'industrie agro-alimentaire va continuer à souffrir, car les entreprises dont les difficultés avaient servi de toile de fond au mouvement des Bonnets rouges, Gad (Lampaul, fermé en janvier, Pontivy) et Tilly-Sabco (Guerlesquin) sont toujours fragiles.
Christian Troadec veut que les personnes mettent de côté les nuances politiques pour travailler pour un but commun qui est de « redonner du souffle à l'économie locale,… libérer les énergies, imaginer, innover, réunir les conditions de la richesse et de l'emploi ». Pour les solutions, la liste Troadec dit qu'il faut « nous doter des infrastructures nécessaires à notre développement, mettre en œuvre la transition énergétique, pourvoyeuse de nouveaux emplois, construire une vraie régionalisation, mais, aussi reconnaître officiellement la langue bretonne et réunifier la Bretagne avec Nantes... » .
Deux des élus de la liste Troadec sont des élus municipaux. Corinne Nicole est conseillère municipale de Scrignac depuis plus de 20 ans et est toujours membre du Parti communiste. Elle est aussi délégué CGT de son entreprise, Tilly-Sabco, manifestant un grand esprit d'indépendance vis-à-vis de ces deux affiliations.
Dominique Lambert, le plus jeune des colistiers, est membre du Conseil municipal de Quimper et délégué à l'Énergie, car, il est spécialiste des questions thermiques dans le bâtiment et aussi, spécialiste de la question de la transition énergétique. Il vient de l'Union des démocrates indépendants (UDI) et a travaillé avec Jean-Louis Borloo ( voir notre article ).
Marie Donnard, la plus discrète, est commerçante et artisane à Châteauneuf-du-Faou. André Lavanant, imprimeur à Brest, ancien président de Diwan et promoteur de l'audiovisuel en breton, est le secrétaire du Mouvement Bretagne Progrès, la petite formation politique animée par Christian Troadec. Valérie Bescond, conjointe-associée d'une entreprise de pêche de Plouescat, s'est fait connaître, comme Corinne Nicole et André Lavanant, comme une oratrice expérimentée, qui a pris la parole dans des rassemblements des Bonnets rouges pour exposer les problèmes graves rencontrés par la pêche en mer.
Ce n'est pas un hasard si tous les colistiers, sauf Dominique Lambert, ont été aussi sur la liste présentée par Christian Troadec aux élections européennes de mai dernier, liste qui a recueilli 11,54% de voix dans le Finistère ( voir notre article ). Selon Christian Troadec, cela peut être encourageant de savoir que, pour qu'elle obtienne un siège, il suffirait que 13% des grands électeurs votent pour sa liste.
L'élection de Christian Troadec n'est pas improbable, car elle a les qualités de ce qui, jusqu'ici, était considéré comme un défaut : elle est trans-parti et composée de personnes qui n'ont pas participé (en étant sénateur ou conseiller général) aux politiques désastreuses menées par les grands partis parisiens, PS, UMP, centristes, sourds et aveugles, qui ne font que transférer en Bretagne les luttes d'influence des petits cercles des bords de la Seine. Ainsi, les industries agro-alimentaires sont maltraitées, car elles dépendent de deux ministères concurrents, l'Agriculture et l'Industrie, plus préoccupés de contrer le camarade d'en-face que de chercher des solutions à long terme.
Cependant, une fois, les sénatoriales passées, la parole reviendra à tous les électeurs, lors des départementales et des régionales de 2015. C'est à ce moment-là que des changements d'acteurs sont prévisibles, car les majorités de gauche des conseils généraux des Côtes-d'Armor, du Finistère, de l'Ille-et-Vilaine et de la Loire-Atlantique, auront, très probablement, sombré, sans qu'on puisse être sûr que l'UMP et l'UDI, soit les bénéficiaires complets de la nouvelle donne. Quant aux Régions Bretagne et Pays-de-la-Loire, elles pourraient devenir ingouvernables, surtout si le gouvernement poursuit ses projets ineptes de réforme territoriale à la hâche.
Christian Rogel