Depuis que le Pays de Galles s'est doté d'une Assemblée Nationale, les programmes scolaires incorporent désormais la dimension galloise dans toutes les matières, et tout particulièrement en Histoire.
Les élèves du secondaire ont désormais l'opportunité de connaître et comprendre « events from both the history of their area and that of Wales, Britain and other countries» (les événements de l'histoire de leur zone et celles de Galles). Tiré de : History in the National Curriculum in Wales (voir le site)
Ainsi l'idée est que chaque élève puisse avoir les connaissances adéquates pour comprendre le monde dans lequel il vit, à commencer par son propre environnement. Par exemple, les conséquences de la conquête de l'Angleterre par Guillaume de Normandie pour le Pays de Galles sont étudiées, tout comme l'annexion de la principauté par Edouard Ier à la fin du XIIIe siècle. Les jeunes Gallois ont accès à leur histoire et sont par là-même capables de concevoir plus aisément la construction du Royaume-Uni.
La situation est somme toute différente en Bretagne. Le jeune Breton dans l'École de la République n'a pas accès à sa propre histoire. L'histoire de Bretagne est absente des programmes. Aussi n'est-il pas une seule fois fait mention de l'État breton moderne mis en place par les Montfort aux XIVe et XVe siècles, encore moins de la façon dont la Bretagne fut intégrée au Royaume de France après la guerre d'Indépendance débutée en 1488.
On s'aperçoit ainsi que la Bretagne, selon l'historiographie républicaine, « naît » au début du XVIe siècle, sous les traits, néanmoins charmants, de la duchesse Anne, par le rattachement (concept soit dit en passant fort discutable) de la Principauté bretonne au Royaume de France. L'après 1532 passe également à la trappe, et on n'enseigne pas à l'élève qui étudie l'Invincible Armada, par exemple, que les voiles des navires espagnoles ont été fabriquées à Locronan, haut lieu de l'industrie toilière européenne à l'époque.
Il est évident que le rapport qu'entretient la République à l'Histoire est nationaliste, relation de plus en plus contestée, à en juger par la polémique actuelle autour de la lettre de Guy Môquet. L'État a d'ailleurs toujours eu des difficultés à faire face aux heures sombres de son passé. Ainsi l'étude de la France de Pétain fut longtemps absente des programmes scolaires, et il a fallu attendre l'ouvrage de l'historien américain Robert Paxton, La France de Vichy , au début des années 70, pour qu'elle commence à assumer cette part de passé.
L'association de l'Histoire-Géographie en une seule matière sous la IIIe République n'a eu que pour unique but d'inculquer la Nation française aux enfants de France (un territoire, une nation, un peuple, une langue, etc...). L'Histoire de France telle qu'elle apparaît dans les programmes, n'est en réalité que l'histoire de l'État français. Pour cette raison, l'Éducation nationale se refuse à accorder une place à l'histoire régionale au sein de ses programmes, car cela pourrait, pense-t-elle, participer éventuellement à l'éveil de la conscience nationale des peuples que compte la France.
C'est donc parce que l'État français a une conception nationaliste de l'Histoire, qu'il refuse de donner au jeune Breton le droit fondamental de connaître l'histoire de son pays. Cela est une grave erreur. Le but de l'enseignement de l'Histoire de Bretagne, n'est en aucun cas de faire une histoire nationaliste pro bretonne ; il s'agit tout simplement de former des citoyens conscients de leurs racines, ouverts sur le monde qui les entoure, forts de leurs identités. Ainsi l'exemple gallois mérite, à mon sens, d'être suivi.
L'histoire qui aujourd'hui est enseignée dans les universités de Bretagne est, la plupart du temps, objective et dépassionnée, qu'il s'agisse des recherches de Christian Bougeard sur la seconde guerre mondiale ou celles de Jean Kerhervé sur l'État breton. L'Histoire n'est pas une science exacte et demande à être débattue, et c'est ce qui est fait lors des nombreux colloques organisés, auxquels participent des historiens de toutes nationalités intéressés par notre pays.
Pour avoir enseigné dans des écoles de Bretagne et du Pays de Galles, je sais par expérience que les élèves sont ravis de pouvoir avoir accès à une histoire qui longtemps leur a été refusée.
Dans un monde où l'individu a une identité plurielle, on ne peut continuer de s'enfermer dans un carcan franco-français ; et, si je peux me le permettre, j'invite tous mes collègues enseignants de Bretagne, de France et de Navarre à regarder ce qui se fait dans les autres pays, parce qu'au-delà des considérations d'ordre politique ou idéologique, il est important de garder à l'esprit qu'il s'agit avant tout de l'éducation des citoyens de demain.
Pour la Fédération Extérieure du Parti Breton, Alexandre Delin