Alors que l'on fête le centenaire de l'invention du drapeau breton moderne, le Gwenn ha du, beaucoup d'articles de presse nous ont expliqué la signification des bandes noires et blanches mais personne n'a daigné se pencher sur ce noir et blanc, qui, non seulement est l'essence du drapeau breton d'aujourd'hui, mais aussi celui des blasons aux hermines noires et celui de l'ancien drapeau, le kroaz-du , en breton la croix noire.
Le kroaz-du remonterait aux Croisades, la 3e, en 1088, quand le pape avait demandé aux chevaliers qui partaient de se regrouper autour d'un drapeau, une croix de différente couleur selon les nations ou plutôt selon le pays d'où ils partaient. Les chevaliers français ont pris la croix blanche sur fond rouge, les anglais l'inverse, une croix rouge sur fond blanc, la fameuse croix de Saint-Georges. La croix verte des Flamands au départ des croisades reste un mystère et ne durera pas. Que les Bretons aient choisi une croix noire est mentionné par un chroniqueur anglais du nom de Roger de Hoveden (1174 - 1201) dans la Chronica magistri Rogeri de Houedene (voir sur Gallica).
Les ducs de Bretagne, comme les rois de France ou d'Angleterre, avaient tous un ou plusieurs astrologues officiels et ce sont de toute évidence eux qui ont été consultés pour le choix d'un étendard pour les Croisades. Ces astrologues ne passaient pas tant de temps à dresser des horoscopes, mais ils conseillaient le roi, les aidaient à choisir les dates appropriées pour leurs entreprises, les constructions de nouveaux édifices ou même les dates et lieux des batailles à mener. Les astrologues du Moyen-âge avaient défini un signe astrologique pour chaque royaume. La bible de l'époque était le Tetrabiblos du grand astronome et géographe égyptien-grec, Claude Ptolémée, qui a vécu au 2e siècle (90-168) à Alexandrie. Ses livres n'ont pas été brûlés avec la bibliothèque d'Alexandrie mais ont été traduits du grec en arabe, puis de l'arabe dans les langues européennes à la fin du Moyen-âge. Un de ses livres perdus vient d'ailleurs d'être redécouvert en mars dernier Il s'agit d'astrologie chaldéenne que les Grecs avaient adoptée et qui a survécu jusqu'à nos jours. L'astrologie druidique a existé mais est malheureusement perdue, elle avait un zodiac différent puisque les Celtes vivaient à des latitudes bien plus au nord que la Chaldée (aujourd'hui l'Irak du sud).
Ptolémée a tout un livre, le 2e du Tetrabiblos , sur la géographie astrologique, ainsi l'Europe de l'ouest est sous les signes du feu. Il écrit « en chaque partie de la terre, les tempéraments coïncident avec les signes du zodiac ». La Grande Bretagne est bélier et la Gaule lion comme d'ailleurs l'Italie. Ptolémée écrit : « La Bretagne (la grande), la Belgie, la Germanie, ont plus de rapport avec le bélier et mars ». Le rouge étant associé à ces signes, c'est tout simplement là l'origine du choix des croisés français d'une croix blanche sur fond rouge et des Anglais, à l'inverse, d'une croix rouge sur fond blanc. Les Italiens se sont contentés d'une croix jaune, qui, du reste, est une couleur solaire. Ptolémée associe le Lion à l'Italie et à la Gaule « L'Italie, l'Apouille (?), la Gaule, le Togé (?), la Sicile, ont davantage de rapports avec le Lion et le Soleil ». Il place l'Espagne et les Celtibères sous le signe sagittaire, aussi un signe de feu.
A l'époque de Ptolemée, il n'y avait pas de Bretagne et l'association du duché de Bretagne avec le noir, associé au signe du Capricorne, s'est faite plus tardivement après l'arrivée des Bretons en Armorique. En arrivant en Armorique, les Bretons ont progressivement abandonné le rouge. Celui du dragon du drapeau gallois bien que le dragon rouge figure toujours sur le drapeau du Trégor. Oui, le dragon rouge des prophéties de Merlin, opposé au dragon blanc des Saxons.
A la longue, les Anglo-Saxons ont aussi adopté le rouge dans leur tunique et leur drapeau national doté d'une croix rouge centrale et de la croix de Saint André, blanche sur fond bleu, de l'Écosse. La dynastie des Dreux a apporté l'hermine sur les blasons bretons et cette hermine était noire. La croix bretonne étant noire sur blanc, la blanche hermine est devenue noire quand on l'a placée dans les quatre quadrants blancs du drapeau du duché. L'hermine, dont le nom français vient de "Arménie", le pays dont on importait les fourrures précieuses, n'est pas une fourrure noire. Elle est blanche en hiver et brune en été.
Le noir était une couleur bretonne depuis au moins 826 puisque le chroniqueur franc Ermold Le Noir écrit en 826 à propos du roi breton Morvan qui aurait déclaré à l'empereur Louis le Pieux: "Si mes boucliers sont noirs, j'en ai du moins à profusion et ne craint pas la guerre". Pourquoi les astrologues ont-ils choisi le signe du capricorne, un signe de terre, et sa couleur noire pour représenter la Bretagne reste obscure mais personne ne peut nier que la terre et toute son industrie agro-alimentaire, la première industrie en Bretagne, sont des éléments essentiels, voire fondateurs. Certes la mer qui nous entoure est omniprésente, mais l'eau n'est certainement pas dans le caractère breton. Beaucoup de Bretonnes et de Bretons se reconnaîtront dans cette description du tempérament capricorne « Pour résumer la personnalité du signe Capricorne, on peut dire qu'il est sérieux, réfléchi, ambitieux, prudent, introverti, travailleur, persévérant et tranquille. Cependant, il peut aussi se montrer renfermé, froid, distant, antipathique, sévère et parfois sans pitié.» la source ,s%C3%A9v%C3%A8re%20et%20parfois%20sans%20piti%C3%A9.
Calude Ptolémée, la Tetrabible , réédité par Denis Labouré (1975) Loge astrologique de France
An Introduction to political astrology de Charles Carter (1950, 1969, 2004).Sa liste des pays et de leur signes comprend certaines régions françaises mais pas la Bretagne.
Les drapeaux bretons - des Origines à nos jours de Philippe Rault (2006) Coop-Breizh
Gwenn-Ha-Du : Le Drapeau Breton - Trilogie Des Symboles De Bretagne de Michael Bodloré. Coop-Breizh (2015).
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