Que la fête de Samhain, l'ancien nouvel an de nos ancêtres, soit devenue un évènement commercial sous le nom américain d'Halloween, c'est un peu comme au Moyen-âge avec la vente des indulgences par l'église, une dégénérescence des rites et une perte de leur signification première. Les rites ne sont que des symboles servant à la fois à donner du sens aux choses et donc à rassurer les populations, mais aussi à satisfaire son besoin festif et de lien social. Associer le rite au calendrier est impératif car il permet par sa répétition de structurel le temps en fonction des saisons et régir les activités. Tout un programme.
C 'était le cas du nouvel an druidique, le premier novembre, soit 40 jours exactement après l'équinoxe d'automne que nos ancêtres savaient calculer exactement grâce à des marqueurs en bois ou en pierre dans la direction du soleil couchant. Le choix du 1er novembre était judicieux pour commencer la nouvelle année du calendrier solaire. Bien plus logique que le nouvel an actuel, le premier janvier. Le nouvel an druidique suivait magistralement les cycles de la nature, le mois de novembre étant précisément le mois de la mort et de la renaissance, puisque c'est le moment de la séparation des graines de la plante-mère, qui elle, meurt après la chute des feuilles ou les premières gelées.
Très peu de choses sont connues des rituels en usages dans les anciennes civilisations celtiques. On sait, grâce à des vieux textes irlandais, que tous les feux étaient éteints pour une période de trois jours. Bernard Rio, auteur, de Voyage dans l'Au-delà : La mort chez les Bretons, confirme que la Samhain durait trois jours et "était une phase intermédiaire qui n'appartenait ni à l'ancienne année, ni à la nouvelle". Le 3ème jour en Irlande, un feu était allumé en haut de la montagne sacrée de Tara (au nord de Dublin). Des porteurs de torches partaient alors dans les quatre directions, rallumer dans tous les foyers, la flamme de bel tan, du feu de Bel (le dieu solaire), à travers tout le pays. Le symbolisme du feu et du soleil et de la vie est bien sûr évident et par là, la renaissance du soleil et des feux avec ce nouvel an et ces nouvelles graines ou semences. La même chose a du exister en Bretagne, probablement avec un feu rallumé au sommet du Menez Bré.
Nos ancêtres croyaient que, pendant les trois jours qui précédaient le nouvel an, le monde invisible et le monde réel pouvaient communiquer. Ils croyaient que les morts pouvaient revenir parler et il fallait les accueillir convenablement avec le respect qu'ils méritaient. Les restes de cette croyance ont survécu dans la fête américaine d' Halloween. En premier lieu, dans la tradition de vider des citrouilles, d'y mettre une bougie, et de la placer sur le porche des maisons. Bernard Rio parle de "lanterne des morts". C'est une tradition multi-millénaire, importée en Amérique avec les colons écossais et irlandais et peut-être aussi bretons... Sans foyer à la maison, donc sans lumière, il s'agissait d'indiquer le chemin de la demeure aux morts désirant s'inviter. La tradition a survécu en Bretagne dans certaines régions mais avec des betteraves.
Une autre caractéristique de la Samhain qui a survécu, c'est que Halloween se fête le soir. Ce n'est pas un hasard car chez les Celtes et sans doute, les peuples du Néolithique avant eux, la nouvelle journée commençait à la tombée de la nuit comme chez les anciens Égyptiens. Le nouvel an druidique commençait à la tombée de la nuit de Samhain, la quarantième nuit après l'équinoxe.
L'église catholique, plutôt que de combattre de front ces traditions "païennes", ancrées sans doute depuis des millénaires, a fini pas les intégrer en transformant Samhain en une fête des saints, de TOUS les saints, la Toussaint, et le lendemain la fête de TOUS les morts, une tradition toujours très forte en Bretagne.