L’écart est grand entre les 7,5 millions d’habitants de la Catalogne et les 350.000 habitants de la Corse, en passant par les 1,8 million d’habitants d’Irlande du Nord, les 2,7 millions de Galiciens, les 3 millions de Basques et de Gallois, les 5,5 millions d’Ecossais et les 6,5 millions de Flamands. Et, au-delà de ces différences démographiques et économiques, il y a des réalités politiques fondamentalement diverses. Mais c’est dans un même cadre européen que chacun de ces peuples pourra faire évoluer sa situation et aller vers son émancipation.
C’est le sens de la création du « self-determination caucus » au sein du Parlement Européen, et de son prolongement au sein du Comité Européen des Régions. Il regroupe d’ores et déjà les députés nationalistes basques, catalans, irlandais, galicien et corse. Cette démarche associe aussi les Flamands, et est ouverte aux Ecossais et aux Gallois même si, Brexit oblige, ils ont perdu leurs députés européens.
La journée parlementaire de l’ALE à Bastia a largement abordé l’avenir de ces peuples en Europe, notamment lors de la réunion ouverte qui a été tenue au Mantinum en présence d’Oriol Junqueras et Gilles Simeoni. Les responsables de Femu a Corsica avaient été rejoints par des délégations du PNC et de Core in Fronte pour assister à l’événement.
La tribune regroupait plusieurs membres de l’Assemblée plénière de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe, le député catalan Jordi Solé et deux membres, flamand (Karl Vanlouwe) et corse (Nanette Maupertuis), du Comité des Régions, qui, comme le Parlement Européen, en est partie prenante.
Notre « self-determination caucus » s’est fixé comme premier objectif de faire entendre la voix des peuples sans Etats dans le cadre de cette Conférence qui s’est ouverte en mai dernier, et dont les réunions vont se succéder pendant plusieurs mois.
La situation de la Catalogne est emblématique, où la crise politique continue qui secoue l’Europe entière comme on l’a vu ce week-end en Italie avec l’arrestation/libération de Carles Puigdemont, poursuivi par la justice espagnole, mais protégé par les décisions de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui juge sévèrement les sentences liberticides prononcées par l’Etat espagnol contre les responsables démocratiquement élus de la Catalogne, au nom de sa « souveraineté », au mépris des revendications exprimées par le peuple catalan.
L’autre actualité pressante de l’Union Européenne se déroule en Ecosse où l’indépendance du pays est à l’ordre du jour pour qu’il puisse rejoindre l’Union Européenne qu’il a quitté contre son gré par l’effet du Brexit décidé par une majorité de Britanniques mais refusé par une très large majorité des Ecossais.
Au Pays Basque ou en Corse, l’actualité est moins pressante, mais la totale « surdité » de l’Etat français comme de l’Etat espagnol face aux résultats démocratiques des élections qui donnent deux-tiers des voix aux mouvements nationalistes finira par poser, le jour venu, le même type de problème fondamental : Basques et Corses sont-ils des peuples européens ? Ont-ils le droit de décider de leur destin ? De quel droit un Etat pourrait-il imposer un statu quo institutionnel et refuser toute négociation comme c’est le cas actuellement ?
Le « self-determination caucus » propose qu’un « mécanisme européen de clarté démocratique » soit mis en vigueur qui, sans se substituer à ceux qui doivent négocier, veille à ce que les conditions d’un dialogue puissent exister, dans la clarté et la transparence, avec l’entremise d’une médiation européenne qui garantisse que la voix démocratique des peuples sans Etats soit entendue et leurs intérêts pris en compte face à la logique constitutionnelle des Etats-membres.
Cette démarche permettra de poser les jalons d’une solution politique aux problèmes posés avec acuité en Catalogne et en Ecosse, mais qui le sont aussi, de façon latente, à travers des majorités politiques fortes et confirmées par des scrutins successifs sur une longue période, en Corse et au Pays Basque. Ailleurs, comme en Flandre, l’évolution de la situation actuelle semble inéluctable, ainsi que celle de l’Irlande du Nord. Sans l’investissement d’une médiation européenne, le risque est grand de situations conflictuelles dont les effets ne pourront être maîtrisés.
Pour y faire face, l’Europe devra se donner les moyens de secouer le carcan des Etats issus de la Seconde Guerre mondiale, il y a quatre-vingts ans. Tel est le message du « self-determination caucus ».