Après être resté près de douze ans portes closes pour rénovation, le musée Dobrée à Nantes, haut lieu de patrimoine breton, s’apprête à rouvrir ses portes au public, le 18 mai prochain. On pourra y voir entre autres le reliquaire d' Anne de Bretagne. Il s'agit d'un écrin d'or qui renfermait le coeur d'une bretonne qui fut duchesse, reine des Romains, et deux fois reine de France.
Ce reliquaire est d'autant plus précieux qu'il semble miraculeusement avoir échappé aux aléas des pillages, des cambriolages et des révolutions. En 2018, la précieuse relique avait même été dérobée par des délinquants qui avaient envisagé de la fondre, ignorant complètement la nature et l'histoire de l'objet en question. On ne peut complètement blâmer l'étudiant nantais en chimie de ne pas connaitre l'histoire de Bretagne car personne ne lui a jamais enseignée. Ayant écopé de 4 ans de prison ferme, on ne peut qu'espérer qu'il ait pris le temps de la lire.
Après la chute de la monarchie constitutionnelle, lors de la journée du 10 août 1792, le gouvernement provisoire ordonne la fonte des monuments en bronze, argent ou métaux divers pour en faire notamment des "balles patriotes". Cette même Convention ordonna en 1793 la destruction des insignes de la féodalité et des tombeaux nobles ou princiers dans tous les édifices de la République. Le député Bertrand Barère, bien connu des Bretons pour ses déclarations en faveur de la destruction des langues autres que le français, parle de s'attaquer aux « cendres impures des tyrans » sous prétexte de récupérer le plomb des cercueils. Et l'écrin en or d'Anne de Bretagne était dans un coffre en plomb... Le 25 décembre 1793, suite à une directive de la Convention, le reliquaire fut exhumé et saisi au titre de la collecte des métaux précieux appartenant aux églises.
Quant au tombeau, contenant le corps d'Anne de Bretagne, inhumé à la Sainte-Chapelle Saint-Denis, il subira le même sort que tous les souverains du royaume, les cercueils en chêne seront défoncés à coup de masse, le plomb récupéré au ciseau et les corps jetés dans une fosse commune avant d'être profanés et exposés au public et aux dépeceurs.
Le coeur d'Anne de Bretagne est, lui, envoyé à la Monnaie de Nantes pour y être fondu pour pouvoir récupérer or et plomb. Miraculeusement, il est un moment oublié ou caché, puis reconnu « monument des sciences et des arts ». Sauvé, il est transféré au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale. Rendu à Nantes en 1819, il parcourt différents musées avant d'arriver en 1886, au musée Dobrée. Il serait normal que la volonté de la duchesse et reine soit respectée et que le reliquaire de son coeur soit retourné dans la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes au pied du gisant de ses parents comme elle l'avait voulu, vu la disparition de l'église des Carmes.
C'est précisément dans son testament, un document essentiel que François 1er a fait détruire ( voir notre article ) qu'Anne de Bretagne a donné des instructions quant à ses obsèques. Ce reliquat en or, où elle a voulu que son coeur soit déposé, était destiné à La chapelle des Carmes dans le tombeau des ses parents qu'elle avait fait ériger. Cet ancien couvent a été pillé pendant la Révolution, vendu au plus offrant et il n'en reste plus grand chose. L'église et le mobilier ont été vendus. Les énormes gisants en pierre taillée de François II et de sa femme n 'ont pu être détruits. Ils ont été déplacés à la Cathédrale une fois la tourmente passée.
Le reste de ce patrimoine a disparu. La bibliothèque de l'Université de Princeton aux États-Unis détient le missel des Carmes, une oeuvre d'art contenant des documents précieux pour l'Histoire de Bretagne en particulier sur l'histoire des Montfort. En attendant le retour du missel, objet du patrimoine breton, retournons le reliquaire à l'endroit qu'avait choisi Anne de Bretagne, au pied du gisant de ses parents, celui du duc François II et de Marguerite de Foix, aujourd'hui dans la cathédrale.
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