« Enez Glaz »… l’île verte : Un bout de terre émergeant à quelques vagues de la côte nord du Finistère, à l’ouest de Portsall et au nord de Trémazan.
Un îlot rocheux posé en lisière d’Iroise, cette mer qui, entre Molène et Sein, est composante de la Mer Celtique bordant le Sud de l'Irlande, les deux pointes sud-ouest de la Grande-Bretagne et la façade ouest de la Bretagne.
« Enez Glaz » est aussi le nom que la pianiste Dominique Martin a donné à son album par lequel la compositrice et interprète souhaitait rendre hommage à ses ancêtres, au celticisme, en proposant, sur ses arrangements originaux, 9 ballades pour piano, iodées de thèmes populaires bretons, irlandais, et, plus loin naviguant, d’Iroise en mer d’Irlande, de l’île de Man.
De famille maternelle portsallaise, Dominique Martin, pianiste et chanteuse brestoise, est originaire de ce Pays d’Iroise.
Elle entreprend, à Brest, des études de piano classique. Elle découvre, aussi, notamment avec le pianiste brestois, Henri MOUGEAT, le jazz qui la passionne.
Côté classique, elle jouera du BACH, BEETHOVEN, CHOPIN, SCHUBERT, SCHUMANN…
Puis elle dispense des cours de musique, compose ses propres chansons et se produit en formule « piano-bar ».
Dominique participe à plusieurs enregistrements d’artistes brestois et sort, dans un tout autre style que ce présent opus, 2 CD de chanson française, autoproduits :
En 2005, un EP de 4 titres, « Du bout des lèvres », et, en 2008, sous le nom de Dominic M., un disque de 11 titres, « Pok » (bisou, en breton).
Bien loin de cette prime forme d’expression vocale et musicale sus-citée, « Enez Glaz » est un retour aux sources, « un besoin de m’approprier la musique de mes ancêtres pour y retrouver mes racines à travers ma première expression musicale… le piano », comme le précise l’artiste.
Ce n’est pas anecdotique, tant s’en faut ! Dominique Martin fait partie des musiciens découverts et soutenus, au travers de son label d’enregistrement sonore et d’édition musicale « Hôtel de la Grève - HDLG », par le, ô combien, talentueux, référant, Didier Squiban qui, lui aussi, a œuvré entre jazz, classique et celtique, en nous livrant de merveilleuses pages mélodiques et rythmiques, notamment reprises dans son magnifique et fort bien documenté coffret de 3 Compact-Discs, nommé « One for… ». Nous vous l’avions présenté, lors de sa parution, en page d’accueil et celui-ci figure toujours, en vous le recommandant, plus que jamais, au sein de nos « CD à retenir » (Voir page) .
« Enez Glaz » de Dominique Martin est le 1er album publié par le label du célèbre pianiste qui n’hésite pas à affirmer son plus que parrainage, mais son entière caution artistique, par l’apposition, sur le film protecteur du CD d’un sticker autocollant, au sigle HDLG, « Didier SQUIBAN présente ».
« Sa musique est à son image : sensible et sincère, belle et ancrée, douce et forte, à la fois.
Aucune frime dans ses ballades, en revanche, beaucoup de belles choses : Poésie, amour, cool attitude et partage.
Neuf promenades, neuf visions fugitives, neuf perles.
Merci pokou (pour l’allusion, voir plus haut), Dominique ». - Didier SQUIBAN.
Nous tenions à mentionner, au sein de cette chronique, cette chaleureuse et convaincante présentation écrite par le Maître, impressions pleinement partagées, dès notre première écoute. Cette professionnelle et amicale préface figure, en dessous, d’une reproduction d’une probable ancienne carte d’Enez Glaz (Enez Hlaz), publiée sur le pan interne gauche de la jaquette.
La jaquette… Elle est superbe, aussi lumineuse et distinguée que le contenu musical !
Il s’agit d’une photographie signée de Nathalie Chanteau (Voir site) , réalisée, à marée basse, de la plage du Château, devant Portsall, avec, bagué de rouge vif, le phare de Trémazan qui, escortant « Enez glaz » et souligné de ce fameux glaz armoricain (bleu-vert… ou vert-bleu !), se mire dans le scintillant et humide estran sablonneux qui nappe le premier plan.
Une œuvre très picturale au contraste marqué, comme la puissante douceur interprétative de la pianiste.
Une fois encore, saluons les artistes qui soignent la présentation de leur musique et qui font préférer les beaux objets Compact-Discs, aux insipides fichiers numériques.
D’entrée, un reproche… Ce serein, apaisant et introspectif voyage en Bretagne et en Celtie qui enchante et nous emmène dans ses voluptueuses spires, semble bien trop court. Le mode répétition de votre platine sera bien utile pour prolonger ces petites 40 minutes que vous redécouvrirez, approfondirez, à chaque marée de ces limpides notes.
Pour cet enregistrement réalisé en septembre 2021, mixé et remasterisé, à Plougastel-Daoulas, par Ludovic MESNIL, dans le studio de Didier SQUIBAN, l’Hôtel de la grève, Dominique MARTIN, joue sur un piano ¾ de queue Blüthner, pièce unique appartenant à Didier SQUBAN.
Construit en 1905, le précieux instrument a été restauré, entièrement à neuf, par Maurice VALAT (Voir site) .
Ce bijou instrumental a la particularité de posséder 4 cordes au lieu de 3, dans les aigus, ce qui génère, dans de plus intenses résonances, des prolongements insoupçonnés.
Côté programme, vous allez être comblés, puisque Dominique Martin, ravivant ses racines familiales, viscéralement bretonnes, a, notamment, choisi de revisiter, des mélodies qu’elle chantait, enfant, à la messe, ou qu’elle écoutait sur son radio-cassette, avec sa sœur qui jouait, par ailleurs, de la harpe celtique.
Vous allez donc, reconnaître quelques standards armoricains, celtiques, et vivement apprécier, à leur juste valeur, les très riches et fins arrangements que la compositrice et interprète a adossés ou mêlés, à ces pièces iconiques.
La culture bretonne était très présente à la maison et si l’artiste, certes, a débuté sa carrière de musicienne par la chanson française, elle est toujours restée imbibée de ses natives racines bretonnes, au point, d’actuellement, apprendre, avec grand bonheur et large investissement, le breton.
Le programme s’ouvre sur « Jenovefa » (Geneviève), inspiré d’une version d’Alan STIVELL enregistrée par le légendaire breton et celtic harper hero, en 2e plage de la face B du vinyle 33 tours « E Langonned », paru en 1974.
C’est un traditionnel breton (Entre prêtrise imposée et amour contrarié pour une belle qui, in fine, se suicide), extrait du Barzaz Breizh.
Au-delà des profondes vagues de piano qui vous emmènent, dès l’introduction de la pièce, après le suave enrobé dont elles parent cette familière mélodie, l’élévation de celle-ci vers des déliés plus aigus, plus limpides, et la reprise du thème, vous savourerez les toutes dernières notes, quelque peu, « piano bar/jazzy », teintées du parcours musical de l’artiste.
En piste 2, dans la série « amour contrarié », imposant un choix parental pour un autre destin marital plus fortuné que l’être aimé, voici « Penherez Kerlouaz » (L’héritière de Kerlouaz), une gwerz inspirée de la version de Yann-Fañch KEMENER qui l’interprète, accompagné de l’harmonium de Florence ROUSSEAU, sous la forme d’un cantique « Mari, hon mamm garantezus », enregistré sur le CD « Chants Sacrés de Basse-Bretagne », avec Aldo RIPOCHE, enregistrement paru chez Buda Musique, en novembre 2017.
A noter que cette mélodie a été, également, gravée, cette fois sous son titre natif, par Anne AUFFRET, sur le disque « Chants profanes et sacrés de Bretagne », paru en novembre 1993 et réédité en 2001, album que la chanteuse et harpiste celtique partageait avec Yann-Fañch KEMENER.
Et puis, et puis… Didier SQUIBAN a intégré, entouré de l’Orchestre National de Bretagne, cette même pièce dans le 3e mouvement de sa symphonie « Bretagne » (2000), avec une orchestration signée du regretté Pierre-Yves MOIGN.
« Ca sonne comme un concert de Rachmaninoff », précisait, alors, le pianiste Renanais.
Après l’exposé thématique, par la grâce de ses riches arrangements, Dominique MARTIN nous offre une version perlée, toute en pleins et déliés, en profondeur ou légèreté. Les cascades d’aigus sont plus ruisselantes et cristallines que jamais.
De Bretagne, en Irlande, suit, en plage 3, la superbe mélodie d’une chanson traditionnelle irlandaise, titrée CARRICKERGUS, nom de la plus vieille ville du comté d'Antrim, en Irlande du Nord.
C’est la version de Paddy RELLY, membre des DUBLINERS entre 1996 et 2005, qui a le plus inspiré Dominique MARTIN.
Certains d’entre vous auront, peut-être, découvert ce morceau, chanté par Joe DASSIN, sous l’appellation « Mon village du bout du monde ».
Ah ! Quelle belle idée de Dominique MARTIN, d’avoir, pour la plage 4 du disque, pianistiquement disserté sur une composition originale d’Alan STIVELL, « Keltia hag an Diderman » (La Celtie et l’infini), paru en 2002, sur son magnifique et mémorable album instrumental, « Au-delà des mots ».
Au cours de cette pièce, ici, déclinée en « 3 mouvements », le piano semble, quelque peu, « swinguer », avant de caresser, à nouveau, dans son quasi-tempo originel, la mélodie.
Après « Son a garantez » (Chanson d’amour), extraite du recueil « Kanouiennou Bobl » écrit, au début du XXe siècle, par Alfred BOURGEOIS, fin défenseur de la culture bretonne, suit, dans ce même ordre d’idée de sentiments amoureux, une intégrale composition originale de la compositrice, destinée à la personne qui partage sa vie.
L’appellation « One for Joël », fait penser au titre générique du coffret, de Didier SQUIBAN précédemment cité, et à ceux des Compact discs contenus dans ce dernier…
Clin d’œil au parrain et directeur musical ?...
Quels passionnés instants romantiques ! En tous cas, heureux Joël !
Nous vous avions présenté la réédition, en 2017, de « Voulouz loar - Velluto di luna » (Velours de lune), légendaire et initiale publication d’Annie EBREL et Riccardo DEL FRA, parue en 1998 (Notre chronique) .
Dominique MARTIN reprend, en plage 7, la mélodie de ce traditionnel, de cette ode païenne, à l’amitié, à l’amour, via Apollon, Mercure, Vénus et Jupiter…
Clair et velouté, le délicat jeu de Dominique MARTIN corrobore, parfaitement, le titre.
De la finistérienne « île verte »… à l’île de Man, voguons d’Iroise, en Mer celtique, puis en Mer d’Irlande, pour nous laisser bercer par « Arrane oïe Vie » (The Goodnight Song), chanson traditionnelle mannoise.
La pianiste s’est inspirée de l’interprétation, a capella, d’une jeune fille lauréate des Manx Folk Awards de 2017, qui reprenait ce titre, chanté, par ailleurs, par Emma CHRISTIAN, artiste éminente de la renaissance de la musique folklorique traditionnelle mannoise qui l’avait enregistré sur son album « Beneath the Twilight », paru en 1994.
De son côté, Alan STIVELL conclut, à la harpe solo, son disque « E Langonned », par une version instrumentale de ce morceau, sous le titre écourté « Oye Vie » (Bonne nuit).
Plage 9 d’ « Enez Glaz »… Un « grand standard breton », « Marig Ar Pollanton », popularisé, dès 1970, sur son 1er vinyle « Reflets », bien évidemment… par Alan STIVELL et repris, en 2005, par Gilles SERVAT, sur son somptueux album « Sous le ciel de cuivre et d'eau ».
Avec ses phrasés accentués, le piano semble chanter en breton.
C’est ainsi que se termine, trop tôt, certes, ce très beau « récital », mais, comme en guise de rappel et, sans doute, en remerciements à Didier SQUIBAN, le gracieux touché de Dominique MARTIN revient, un très court instant, se poser sur le clavier magique pour nous offrir, en bonus, « Cantique », arrangé, il va de soi, par le musicien qui l’avait intégré dans le 2e mouvement de sa Symphonie Iroise, enregistrée avec l’Orchestre National de Bretagne.
Nous avons été charmés par ce panorama musical traditionnel breton et, parfois, celtique, joué, tour à tour, avec puissance, profondeur ou nuances, et souvent parsemé, au cœur des pièces abordées, de très courts silences, ponctuant comme de petites césures les vers de notes qui portent, délicatement, la sensible poésie interprétative de l’artiste, décidément, très inspirée.
Un CD à vous procurer, pour le plaisir de « reconnaître »… mais aussi pour connaître d’autres développements musicaux tissés par l’incontestable talent de l’artiste.
« Enez Glaz », de Dominique MARTIN, vous repérerez, très facilement, ce remarquable enregistrement, dans les bacs, grâce à la superbe « photo-peinture » de la jaquette et, label absolu de qualité, au sticker siglé HDLG, « Didier SQUIBAN présente ».
Bonne et confortable écoute, voguez vers la sérénité d’« Enez Glaz »...
Gérard SIMON
Illustration sonore de la page : Dominique MARTIN - Album Enez Glaz : "Jenovefa" - Extrait de 01:00.
D'autres extraits sonores sur Culture et celtie, l'e-MAGazine (Voir site)
Les titres du CD "Enez Glaz" de Dominique MARTIN :
01 - Jenovefa - (Dominique MARTIN / Traditionnel) - 4:52.
02 - Penherez Keroulaz - (Dominique MARTIN / Traditionnel) - 03:25.
03 - Carrickfergus - (Dominique MARTIN / Traditionnel) - 03:49.
04 - Keltia hag an Didermen - (Alan STIVELL - Edition Keltia III - Arrangement Dominique MARTIN) - 04:34.
05 - Son ar garantez - (Dominique MARTIN / Traditionnel) - 04:29.
06 - One for Joël - (Dominique MARTIN / Traditionnel) - 4:27.
07 - Apollon - (Dominique MARTIN / Traditionnel) - 03:24.
08 - Arrane oï Vie - (Dominique MARTIN / Traditionnel) - 04:20.
09 - Marig ar Pollanton - (Dominique MARTIN / Traditionnel) - 04:12.
10 - Cantique (Bonus - Arrangement Didier SQUIBAN) - 01:51.
Total : 39:33.
CD "Enez Glaz"- Dominique MARTIN;
Parution : 6 mai 2022.
Production : HDLG
Distribué par COOP BREIZH - (Voir site)
Réf : 4016475.
© Culture et Celtie
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