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- Chronique -
Quand la "Machine France" bloque toute évolution positive
Tous les dirigeants qui ont semblé vouloir tenter de démocratiser la France, de donner un véritable pouvoir aux peuples et aux régions ont été vite neutralisés. L'épisode récent, vu de plus près, ne semble pas échapper à la règle
Par Jean-Jacques Monnier pour Jean-Jacques Monnier le 18/12/18 16:23

La crise sociale sans précédent traversée par l’hexagone et la Bretagne donne lieu, de la part des hommes politiques comme des intellectuels qui ont l’oreille des médias centralisés, à des torrents de haine, de colère et surtout de désinformation, toutes attitudes contraires au sérieux de l’information. C’est d’ailleurs la première fois que les démagogues soufflent sur les braises en considérant la haine et la colère comme des facteurs positifs dans l’évolution de la situation. Il y a 230 ans, la France a connu une époque ou colère, haine, émotions en tous genres, alimentées non par internet mais par les « rumeurs » téléguidées - ce qui y ressemble étrangement - ont conduit non seulement à la destruction de la Bretagne, mais à un bilan humain et économique catastrophique au niveau français, et qui plus est à une dictature durable. Dans les deux situations, un citoyen est d’abord un être vigilant sur les sources d’information, sur les faits, sur l’intox plus que jamais possible. Les votes pour Trump, le Brexit et Bolsonaro (Brésil) ont récemment illustré ses effets potentiels. Ce qui suit n’est qu’une contribution provisoire qui mérite d’être améliorée et approfondie.

Depuis la IIIe République, les corps intermédiaires, les syndicats, les partis formulent des revendications, expriment des désaccords et l’on recherche le compromis qui permettra d’avancer dans l’intérêt général. Un individu peut être en colère, un citoyen ou un parti ou un mouvement social organisé non. Quand on passe au niveau collectif, en démocratie, ces mots n’ont plus droit de cité.

Une fois l’information établie, on peut ensuite avoir des idées, des interprétations. Mais encore faut-il passer par l’écrit, par un véritable travail journalistique, du temps et de l’argent (sauf bénévolat ou sacerdoce). Il n’y a pas d’information instantanée et sans coût. Merci à la lettre d’ABP de nous alimenter dans ce domaine aussi.

Le risque et parfois le but de l’instantané et de la théorie du complot est de désigner un bouc-émissaire. Cette fois, c’est Macron, cible de toutes les forces politiques en crise ou pas : il a le tort d’incarner le pouvoir, supposé ignorer les réalités.

Je n’avais pas lu son livre « Révolution », publié avant la campagne électorale. Aujourd’hui en Poche à 5€, il permet des constats non conformes à la Doxa. Il y dénonce la France qui souffre de la désertification des services publics : « cette France périphérique manque souvent d’équipements publics de base, de moyens de transport, de crèches, de lieux culturels. Les conditions d’existence peuvent y être de piètre qualité. On connaît le problème que posent certaines zones pavillonnaires aujourd’hui très dégradées, ou ces zones dans lesquelles les maisons s’entremêlent avec les entrepôts et les petites entreprises ». Et d’indiquer qu’il faut tenir compte dans les réformes des « impératifs de justice ». E. Macron semblait préoccupé par l’injustice (citée 7 fois) , y compris des plus modestes qu’il pouvait côtoyer. Alors comment la « Machine France », selon l’expression de Jean Ollivro, transforme-t-elle cette vision réaliste en politique à contretemps et à contre-courant ?

Le candidat Macron pressentait aussi les risques d’explosion sociale : « avec Internet, désormais, tous le monde voit tout, commente tout, se compare avec le reste de la planète. Cela donne le sentiment libérateur que tout est possible. Cela nourrit en même temps toutes les névroses et révèle avec cruauté les injustices sociales, les différences de niveau de vie ». A-t-il trahi sa parole ? Le Point évoque les réformes les plus sociales bloquées ou retardées par un autre pouvoir, opaque celui-là, Bercy et plus largement la nomenklatura du ministère des finances et des autres ministères. Ce monde-là a pour arme essentielle une idéologie officielle et séculaire à tous les niveaux, le jacobinisme unitaire, auxquels adhèrent au moins en apparence tous les élus aux responsabilités.

Et pourquoi le « Pacte girondin » promis à Quimper est-il suivi par une pratique jacobine qui dessaisit les pouvoirs locaux élus de leurs responsabilités ? N’est –on pas tout simplement dans l’histoire de la Ve République ou les grands corps de l’état ont pris le pouvoir avec leur volonté absolutiste ?

On se rappelle qu’avec le ministre Alain Peyreffite (sous Pompidou et Giscard), le centralisme était le « mal français », qu’avec le couple Chirac-Raffarin, la décentralisation était la « mère des réformes ». Et si le président n’était que le jouet de la caste centraliste et bureaucratique ? Il est sur un siège éjectable alors que cette caste est durablement aux commandes de l’Etat. En ciblant le président, on renforce encore cette caste anonyme. Pour affaiblir cette dernière, il faudrait renforcer les pouvoirs locaux, et singulièrement les régions, ce à quoi elle s’oppose au nom de la défense de la République !

On parle partout du RIC, le référendum d’initiative citoyenne ? Les Bretons donnent à la France entière une occasion de renouer avec la démocratie : résoudre démocratiquement la question de la réunification de la Bretagne, ce qui suppose une débat contradictoire et prolongé… durée qui n’est pas permise par la loi actuelle.

Les politiques qui, à droite et à gauche, feignent de réclamer le RIC sont aussi ceux qui s’opposeront avec le plus de fanatisme à ce que les régions se déterminent elles-mêmes et ne soient pas « découpées » par le pouvoir central. Ce sont les plus centralistes, les plus opposés à l’expression de la diversité culturelle. Plus encore que de coutume, le citoyen doit se méfier des manœuvres, de l’intox, de l’information non vérifiée. Il y a va de l’avenir de la démocratie, auquel bien des Bretons sont déjà prêts à participer activement chez eux.

Jean-Jacques Monnier

Voir aussi :
Jean-Jacques Monnier est historien et écrivain.
[ Voir tous les articles de Jean-Jacques Monnier]
Vos 4 commentaires
krys44 Le Mercredi 19 décembre 2018 11:11
Merci Monsieur Monnier !
On a un peu l'impression de voir Louis XVI !
Une comédie de façade , comme le sera sans doute aussi leur "grande concertation" ! "Roulez les citoyens dans la farine" , gagner du temps semblent leurs premières préoccupations de gouvernement en débâcle . Provoquer "la casse" par tous les moyens pour permettre la répression la plus impressionnante .
"On va t'écraser , punaise !"
La carrière avant tout !
Machine infernale ...
La Démocratie est un combat de tous les jours . jamais un acquis "pour toujours" . C'est une ploutocratie dans laquelle nous vivons .
Les citoyens ne demandent pas d'apitoiement sur leur sort , seulement de le prendre en main en retrouvant du lien social et culturel , un sens à leur existence et à l'avenir de leurs enfants .
"Plus grand" signifie toujours moins de Démocratie . La Métropolisation n'arrange pas "l'humanité" dans la vie quotidienne , le dernier charcutage des régions non plus !
Ils sont tellement ridicules , ces hiboux !
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Jean-Jacques Monnier Le Mercredi 19 décembre 2018 17:21
Difficile de modérer les réactions à l'article. Je cite celle-ci : "Votre phrase qui commence par "il y a 230 ans" ne manque pas de sel : notre pays a au moins le mérite d'avoir été le phare des Lumières, reconnu par le monde entier, et encore reconnu aujourd'hui (remémorez-vous la période du 7 au 11 janvier 2015). Quant à la destruction de la Bretagne...Vous auriez gagné en légitimité en rappelant que cette décision a été à sollicitée par les états de Bretagne, en échange de privilèges, la Révolution n'a fait qu''abolir tous les privilèges, sans distinction, pour parvenir à un système ayant pour but la recherche de l'égalité".
-Beaucoup ici savent que les Etats de Bretagne n'ont jamais sollicité leur destruction. Que les députés bretons aux Etats Généraux devaient respecter - ce qu'ils ont décidé de ne pas faire- des cahiers de doléances, rédigés démocratiquement, dont aucun ne demandait la suppression des institutions bretonnes. Que la Bretagne comme toute l'Europe a connu le mouvement dit "des Lumières" mais que cela n'entraînait aucunement le sacrifice d'institutions imparfaites mais supérieures au régime de la plupart des territoires du domaine royal. Robespierre lui-même défend ardemment, au début, la pérennité des Etats d'Artois, l'équivalent des Etats de Bretagne. L'objectif avoué par la Révolution sera l'égalité mais on en exclura la majorité, des peuples, ceux qui contestent le pouvoir et les autres (femmes, citoyens pauvres donc passifs, paysans, étrangers etc). Une classe a chassé l'autre. Elle proclame la France "une et indivisible", mais le nouveau pouvoir la divise à l'infini par les exclusions et les rétorsions auxquelles elle procède. Une France dont on s'exclue si l'on ne soutient pas la faction au pouvoir, lequel n'émanera pas d'élections libres avant longtemps.
Cette idéologie, qui s'affirme à travers une série de hasards de l'Histoire, persiste avec le comportement de la technostructure qui nous dirige et avec l'idéologie sur laquelle elle s'appuie, le jacobinisme. Réponse trop courte: 150 pages de faits n'y suffiraient pas. Ce sera donc du domaine de l'écrit imprimé !
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krys44 Le Mercredi 19 décembre 2018 19:55
Pour ne parler que des "lumières" :
Il justifiaient l'esclavage , la traite négrière ...
Clair très obscur !
L'égalité , mais certains étant "plus égaux" que d'autres !
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Jean-Jacques Monnier Le Jeudi 20 décembre 2018 16:46
Je me permets de publier un nouveau commentaire écourté, parce que la seconde partie, d'actualité, pourrait être jugée diffamatoire. Notre lecteur apporte des précisions historiques très intéressantes :
"Les députés (non mandatés par les États de Bretagne) du tiers Breton qui sont parti à l'Assemblée constituante étrangère française, n'avaient pas de privilèges, ils n'ont donc pu en abandonner. (et de plus n'ont pas respecté leurs soit-disant mandats) La Bretagne n'étant qu'un État associé à la Couronne en tant qu'allié et ne faisant pas partie du Royaume de France, n'avait "abandonné" sous menaces de forces que sa Souveraineté en 1532, elle est d'ailleurs qualifiée de province étrangère jusqu'en 1788 (voir carte des Traites). Le Chapelier, tout juste anobli en Bretagne, n'avait pu avoir le poste qu'il convoitait au Parlement de Bretagne a usurpé les droits de la nation bretonne et bafoué le "res publica", le droit public de Bretagne en permettant de s'asseoir sur les traités "pacta sunt servanda" conclu entre les 2 nations (De Botherel, La Houssaye, député Maury) - Traité de Nantes 1499 (2 actes, Mariage et Convention de droit public)".
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