Qui est plus compétent qu'un fonctionnaire de l'ONU pour faire un point sur les dispositions légales internationales concernant les langues locales et mettre en regard l'obstination de la France à les éviter et même à tordre son droit interne grâce à un Conseil d'État qui n'étaye pas ses affirmations, même quand elles sont publiques.
Thierry Kranzer est arrivé à l'école maternelle dans un monde d'extra-terrestres qui mettaient un point d'honneur à ne pas tenir compte du fait qu'il parlait l'alsacien. Cette expérience personnelle l'a qualifié pour se porter à l'aide des minorités dans le monde et nous permet de comprendre à quel point la non-politique linguistique de l'État français est en désaccord avec les autorités mondiales qui, pour préserver la paix et limiter les revendications en chaîne d'indépendance, font pression pour que les demandes d'autonomie linguistiques et culturelles soient traitées.
Quand beaucoup d'États font des efforts, la diplomatie française se drape dans un manteau d'indifférence aux diversités françaises et prend un malin plaisir à ne pas tenir compte des opinions différentes.
Sont passées en revue les 50 années pendant lesquelles de nombreux politiciens français ont cherché à faire évoluer la loi et la pratique concernant les langues régionales. Petites avancées suivies de grands coups de frein, le dernier en date (2012) étant l'avis non-publié du Conseil d'État qui autorise François Hollande à ne pas tenir sa promesse de signature de la Charte européenne des langues moins répandues.
On aperçoit de nombreux parlementaires alsaciens et bretons, mais aussi antillais, basques, corses et occitans, aux prises avec la Nation Française, comme matrice d' « une religion sécularisée » à « l'effet similaire à celui joué par christianisme en Occident » et qui se nourrit du « goût de l'abstraction et de l'uniformisation jacobine » au lieu de l'esprit de conciliation (Joseph Jurt).
Thierry Kranzer nous donne à voir comment l'ONU a fait évoluer ses instruments juridiques pour protéger les minorités, si bien que la France est régulièrement tancée pour son inertie.
Pour parer au danger que courent les langues régionales, plusieurs pistes, inspirées de conventions internationales sont indiquées. Il faut des programmes scolaires qui amènent à donner une image positive des diversités, un secrétariat aux langues de France qui rendrait aux locuteurs une image positive d'eux-mêmes et lutterait contre les attitudes de mépris. Une loi anti-discrimination pourrait être votée.
S'appuyant sur Édouard Valdman, qui s'interroge sur l'origine du totalitarisme qui a engendré la Terreur et le génocide vendéen, T. Kranzer voit dans l'interprétation donnée des Lumières une pensée unique qui sacralise la République de la Raison et de l'Égalité, alors que les monarchies constitutionnelles réalisent aussi bien et, parfois mieux, la démocratie et le développement social.
La France rafistole et maquille son passé pour mieux oublier que Clovis et Charlemagne étaient germaniques, que le roi a été déposé par les Bretons et les Marseillais, et que, sans les marins bretons et la brigade alsacienne, les Anglais auraient été vainqueurs de la Guerre d'Indépendance américaine.
François Fillon, héritier de De Gaulle, met en garde contre les exemples belges et espagnols pour se féliciter des « linguicides » (terme emprunté à Claude Hagège) qui permettent d'avoir « une langue et une culture françaises magnifiques ».
La conclusion plaide pour la haute valeur ajoutée que donne l'enseignement des langues par immersion.
Dans ce livre court et assez facile à lire du fait que les chapitres sont brefs, on trouve en fin de volume de nombreux éléments sur les langues régionales et les textes juridiques et parlementaires, ainsi qu'une chronologie détaillée qui en font le manuel de l'aménagement linguistique.
Dans la postface, le sénateur honoraire, Henri Goetschy, revient sur la loi constitutionnelle de 1992 qui tente de conforter le monolinguisme, y voyant « un repli identitaire ». Il appelle à une révolution (anti-)-jacobine.