Au Mali, la France est fortement impliquée, sous parapluie européen. La présence de l’armée française date de 2013 et a été décidée pour éviter l’effondrement de l’Etat malien face aux assauts de groupes islamistes venus du Nord du pays. Elle dure depuis sans discontinuer, la France bénéficiant du concours, essentiellement financier, de l’Union Européenne.
En Azawad, territoire à peuplement principal touareg, peuple nomade de culture berbère, la révolte était partie du mouvement de libération nationale de l’Azawad (MLNA). Cette révolte a été largement victorieuse de l’armée malienne présente dans le Nord du pays, mais elle a été ensuite parasitée par des mouvements proches d’Al Qaida dont les djihadistes, armés et financés depuis les Etats du Golfe, ont écarté le MLNA et ont fait peser une menace islamiste sur tout le Sahel.
L’intervention de l’armée française a été décidée alors, et, dans le désert hostile, elle a été facilitée par une action concertée avec le MLNA pour combattre l’islamisme. Plusieurs groupes se sont alors fédérés, dont le MLNA, dans une Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), et en 2015 ont été signés les accords d’Alger qui donnent une grande autonomie aux Touaregs. Cette autonomie est insupportable à l’armée malienne qu’ils avaient humiliée militairement en 2014, en provoquant sa déroute à Kidal et Menaka et en s’emparant d’une grande partie de son arsenal.
Dans le territoire du Nord ainsi administré à travers les accords passés avec le CMA, Bamako, son administration et son armée sont tenus à l’écart, y compris par l’armée française qui veut préserver les équilibres mis en place pour trouver un consensus touareg face aux islamistes. Et, de fait, l’Azawad est de moins en moins le théâtre d’actions d’un terrorisme qui, par contre, s’est largement redéployé dans la « zone des trois frontières », beaucoup plus au sud, mettant en grande difficulté les militaires maliens.
A Bamako les nouveaux dirigeants putschistes qui ont renversé le pouvoir légal sont parmi les plus extrémistes de ceux qui n’ont jamais admis que soient signés les accords d’Alger avec le CMA. Ils accusent l’armée française de favoriser une sécession de l’Azawad, et, même, c’était l’accusation de « manifestants » qui avaient bloqué un convoi de ravitaillement de l’armée française remontant du port d’Abidjan vers Gao, sa base principale en territoire touareg, elle est accusée de favoriser et armer les opposants au nouveau pouvoir de Bamako.
Le coup d’Etat mené en deux temps par le nouveau maître de la caserne de Kati, siège de l’état-major malien à quelques kilomètres de Bamako, Assimi Goïta, a conduit à la nomination sous son contrôle d’un gouvernement dont le premier ministre est un va-t’en guerre anti-touareg, comme une grande partie de la classe politique malienne. D’où l’appel lancé par ce gouvernement aux milices paramilitaires Wagner déjà déployées par la Russie dans plusieurs endroits de la planète, notamment en République Centrafricaine et en Libye. L’objectif caché du pouvoir de Bamako, sous couvert de lutte contre le terrorisme, est d’utiliser cette unité paramilitaire pour réinstaller de force sa « légalité » à Kidal, Gao et Tombouctou, ce que l’armée française, avec Barkhane, s’est refusée à faire.
Car l’accalmie en zone touareg a permis à l’armée française de réduire sa présence militaire dans le Nord, pour se réorganiser vers les nouvelles zones d’action des groupes islamistes. Aussi, l’état-major français cherche comment empêcher l’armée malienne d’aller déstabiliser l’Azawad avec le concours de mercenaires russes réputés pour n’hésiter devant aucun moyen pour mener leurs opérations militaires. D’où les communications très offensives de la diplomatie française pour s’opposer à l’arrivée des mercenaires russes, et, en prolongement, la décision de Bruxelles de bloquer tous les transferts de fonds vers Bamako. Ce qui n’est pas resté sans conséquence puisque les autorités maliennes ont affirmé n’avoir conclu aucun accord avec la milice Wagner, affirmant que les hommes en armes vus à côté de l’aéroport de Bamako étaient en fait de simples « conseillers » envoyés directement par l’armée russe. Sauf que les mercenaires russes sont déjà entrés en action lors de combats entre l’armée malienne et les djihadistes dans la partie centrale du Mali. L’un d’entre eux a été tué, et d’autres sont blessés. Et les démentis officiels sont peu crédibles face aux constatations de terrain, particulièrement à Tombouctou.
Un bras de fer militaire, diplomatique et politique est en cours. Son issue est incertaine.
Ce communiqué est paru sur François Alfonsi
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