A 9 h 50 ce matin, M. François Fillon a été nommé Premier Ministre. Président de la Région Pays de Loire jusqu'en 2002, M. Fillon est un farouche opposant à la réunification de La Bretagne. Il fut aussi l'auteur, en 2005, d'une loi sur l'éducation qui a dégradé les conditions d'enseignement des langues régionales. Que faut-il attendre de sa nomination à la tête du gouvernement ?
Le 12 avril dernier sur TV Breizh, répondant aux questions de Christine Oberdoff, François Fillon donnait son point de vue sur les langues régionales et la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. Extraits. (1)
Christine Oberdoff. Pourquoi Nicolas Sarkozy est contre la ratification de la charte européenne des langues régionales ?
François Fillon. Pour deux raisons. C'est une illusion de penser qu'on pourrait ratifier facilement cette charte. Il faudrait pour cela changer la Constitution française et en enlever le principe de l'indivisibilité de la République. Et franchement, là on n'est pas d'accord. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de Français qui soient pour la suppression de ce principe ni pour que des juges européens puissent donner leur avis sur la manière d'enseigner les langues régionales en France. Nous disons que l'Europe doit rester à sa place. La question, c'est comment mieux enseigner les langues régionales ?
C.O. Alors justement, qui doit les enseigner ?
F.F. Lorsque j'étais Ministre de l'éducation, j'ai introduit dans la loi de 2005 l'idée que cela puisse se faire dans le cadre d'un accord entre la région qui le demande et le Ministère de l'Éducation nationale. Nicolas Sarkozy a indiqué qu'il était prêt à ce qu'on inscrive un droit à cet enseignement dans les écoles lorsque le nombre de demandes est suffisant. On peut aller beaucoup plus loin que ce qui est fait aujourd'hui. Mais, laisser le juge européen décider à notre place de la manière dont les langues régionales doivent être enseignées en France, ce ne m'apparaît pas comme un progrès.
La loi Fillon
La loi Fillon de 2005 n'a pas, loin s'en faut, amélioré les conditions d'enseignement des langues régionales. Selon Sylviane Alaux, conseillère Municipale de Ciboure et Conseillère Régionale d'Aquitaine, "la Loi Fillon de 2005, réformant le Code de l'Education, a très mal défini voire ignoré la place de l'enseignement des langues régionales au sein de l'éducation nationale. En instituant le "socle commun de connaissances", elle n'a reconnu que les langues vivantes étrangères, alors que les textes précédents mentionnaient des langues vivantes.
Cette nuance est très pernicieuse : elle enlève tout statut aux langues vivantes "non étrangères", c'est-à-dire les langues régionales.
Cette loi est d'autre part très imprécise quand il s'agit d'organiser leur enseignement : quand l'article 312-10 du Code de l'Education dans sa version initiale prévoyait "un enseignement des langues et cultures régionales [ qui ] peut être dispensé tout au long de la scolarité", le texte de François Fillon y a ajouté "selon des modalités définies par voie de convention entre l'Etat et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage". L'absence de précisions sur le contenu de ces conventions a entretenu une ambiguïté que l'on retrouve aujourd'hui dans le flou qui accompagne la préparation de la rentrée 2007." (2)
Xavier Darcos sera-t-il le nouveau ministre de l'Education Nationale ?
Demain, la nomination des membres du Gouvernement nous permettra de connaître le nom du nouveau Ministre de l'Education nationale. Xavier Darcos semble aujourd'hui le favori. Ministre délégué à l'enseignement scolaire dans le gouvernement Raffarin, il avait notamment déclaré au Sénat (3), à propos des langues régionales, qu'il convenait " de les développer, de les promouvoir et de les protéger lorsque cela s'avère nécessaire, et ce, bien sûr, dans le respect des lois de la République et des principes qui la fondent, dont le principe de l'unicité de la langue."
Ce même jour, il ajoutait :
"La décision du Conseil d'Etat du 29 novembre 2002 ne concerne qu'une forme d'enseignement des langues régionales : la méthode dite de « l'immersion », considérée comme incompatible avec la loi du 4 août 1994, qui dispose que la langue d'enseignement est le français.
En revanche, cette décision ne remet pas en cause l'enseignement bilingue à parité horaire tel qu'il existe dans nombre d'écoles et d'établissements. Le juge administratif exige simplement, pour ce qui concerne cette méthode d'apprentissage, une définition rigoureuse des horaires entre le français et la langue régionale enseignée, afin que l'on soit assuré qu'une partie des enseignements des différentes disciplines se fait effectivement en français. Vous savez, cher monsieur Trémel, que, {{dans les écoles Diwan, on en arrivait à ce qu'une partie des disciplines scientifiques soient enseignées en anglais parallèlement au breton, situation pour le moins paradoxale !"
Continuez de signer le Pacte des Langues
Le gouvernement de M. Fillon ne sera qu'un gouvernement provisoire dans l'attente des résultats des élections législatives des 10 et 17 juin prochain. Pour donner un statut officiel aux langues régionales et permettre la ratification de la Charte européenne des langues régionales, il faut nécessairement modifier la Constituion. Pour donner anfin toute leur place à toutes les langues parlées en France et assurer leur enseignement, il faut un Ministère des Langues de France.
C'est ce que demandenent les signataires du Pacte des Langues. Parmi eux, figurent de nombreux citoyens, mais aussi de plus en plus de candidats aux élections législatives.
Continuez de signer le Pacte des Langues en suivant ce lien (voir le site) ]
- (1) repris sur Blog Breizh (voir le site)
- (2) Tribune libre de Sylviane Alaux, publiée dans le Journal Euskalherria du 5/04/2007 (voir le site)
- (3) Réponse à la question de M. Pierre-Yvon Trémel, ancien sénateur des Cötes d'Armor sur la situation de l'enseignement public bilingue publiée sur le site du Sénat (voir le site)