Le 29 mai, les citoyens ont choisi. Comme l’a dit Josep Borrell, Président socialiste du parlement européen, « La peur a été plus forte que le rêve » . Le vote négatif de la France à l’égard du projet européen est-il vraiment surprenant ? Non, car depuis 30 ans on n’a de cesse de nous expliquer que tous nos problèmes viennent de l’Europe. Non, car l’Etat nous trompe sur l’exemplarité du modèle français, tout en masquant son incapacité à le réformer et à construire une société plus juste. Que signifient aujourd’hui Liberté, Egalité, Fraternité, face à une société qui craque de toutes parts ? Chômage à 10% dans l’hexagone (14% en Catalogne du Nord), précarité grandissante, délabrement des systèmes d’éducation, de recherche et de santé, incapacité à intégrer des pans entiers de la population, comme nous l’avons dramatiquement vécu à Perpinyà ces jours ci. Le modèle français, centralisé et jacobin, est à bout de souffle et nous, citoyens, en payons le prix fort. Au lieu de le réformer on a trouvé le bouc émissaire idéal : l’Europe. Mais en faisant cela on a instrumentalisé les peurs et joué avec le populisme. Le résultat est terrible : après avoir vu l’extrême droite accéder au 2ème tour de l’élection présidentielle de 2002, voilà qu’en 2005 extrême gauche et extrême droite rassemblent sur leur « Non » une majorité d’électeurs, décomplexés par les campagnes « pro Non » menées par Nicolas Dupont-Aignan (UMP) et Laurent Fabius (PS) en dissidence de leurs partis, favorables au Oui. Car aujourd’hui ce n’est pas le Non qui l’a emporté, mais bien LES Non : 35% proviennent de l’extrême droite, 40% de l’extrême gauche et 25% de modérés entraînés par les dissidents UMP ou PS. Cette convergence exclut une quelconque alternative positive des Non et souligne le côté « ras le bol » de ce vote. Quand à la droite au pouvoir, elle se contente aujourd’hui, pour toute réponse à ce Tsunami électoral, de redistribuer les portefeuilles.
Et l’Europe dans tout ça ? La vérité c’est que nous avons été privé de débat européen par tous ceux qui ont voulu jouer sur nos peurs. A la question centrale : quelle Europe voulons nous ? On nous a amené à nous demander si nous voulions une Europe libérale. Avons-nous ce choix ? Depuis la faillite des systèmes collectivistes expérimentés dans les pays de l’Est, aucune alternative n’a été définie. Seuls les français en doutent encore ! Il faut avoir le courage de dire qu’en Europe c’est sur un socle libéral que s’appliqueront désormais les politiques plus ou moins sociales. Le Bloc Català, quant à lui, parti de centre gauche, s’inscrit clairement dans le courant social libéral européen alliant libertés individuelles et justice sociale. Il est paradoxal de constater que le Non au projet de constitution a été motivé par sa coloration « trop libérale » pour les Français, alors que celui d’autres partenaires européens s’appuie sur le contraire. Tous ces Non se rejoignent en une chose, un protectionnisme national, doublé d’une absence de réelle volonté consensuelle. Comme si LA vérité n’existait qu’à l’intérieur de l’hexagone. Ce débat biaisé entre pro et anti libéraux a donc masqué l’essentiel : un affrontement brutal entre deux visions de l’Europe. D’un coté les souverainistes, partisans de l’Etat-nation fort, dont la France centralisée et jacobine est l’archétype, et d’un autre les fédéralistes, partisans d’une redistribution du pouvoir des états vers l’entité européenne et aussi vers les régions. Là aussi le Bloc Català a clairement choisi son camp, celui du fédéralisme, seule voie alliant démocratie de proximité, respect des cultures et des peuples et mise en commun des valeurs européennes.
Face à cette grave crise de société qui souligne à quel point sont grandes les difficultés et les inquiétudes, notamment en Catalogne du Nord, le Bloc Català fait plusieurs propositions. La première est un appel au rassemblement de tous les modérés afin de construire un futur différent, fait de tolérance et de justice. Pour cela nous invitons les partis du Oui à des rencontres bilatérales pour bâtir cette alternative et faire des propositions concrètes pour notre territoire. La deuxième est de développer des liens plus forts avec les Catalans du Sud, car l’avenir se construira plus vite chez eux. Il faut nous y associer. Ces deux propositions nécessitent plus que jamais la création d’une Région Catalane du Nord. Cette Région permettrait à la fois d’orienter avec énergie notre propre avenir, mais aussi de créer institutionnellement les partenariats dont nous avons besoin, tant avec la Catalogne sud, pour offrir un contenu à l’Euro région catalane, qu’avec les régions de Montpellier et Toulouse. Elle permettrait aussi une présence directe de nos représentants au sein même des institutions européennes par le biais du Comité des Régions, accentuant par la même nos possibilités d’action. Pour vaincre nos peurs, il faut maintenant redonner de la force à nos rêves !
Jack Falcon, Président du Conseil Politique du Bloc Català