Publier | S'accréditer | S'abonner | Faire un don
Logo ABP
ABP e brezhoneg | ABP in English |
-
- Lettre ouverte -
DROIT DE REPONSE A L ARTICLE DE BEMBEZ PARU LE 19 JUILLET 2004 SUR LE SITE DE L AGENCE BRETAGNE PRESSE
Suite au communiqué de l'association culturelle Bemdez sur l’action à Carnac du 19 juillet contre le nouveau projet nucléaire français, nous, groupes du Morbihan de la Fédération Anarchiste, nous devons de mettre les choses au point. En tout premier lieu, le titre du communiqué porte à confusion car il signifierait que
Par Philippe Argouarch pour Fédération anarchiste le 21/08/04 20:38

Suite au communiqué de l'association culturelle Bemdez sur l’action à Carnac du 19 juillet contre le nouveau projet nucléaire français, nous, groupes du Morbihan de la Fédération Anarchiste, nous devons de mettre les choses au point.

En tout premier lieu, le titre du communiqué porte à confusion car il signifierait que la Fédération Anarchiste a été hostile à la manifestation contre le nucléaire en Bretagne. Ce n’est pas le cas, les groupes du Morbihan de la FA sont membres du réseau Sortir du Nucléaire 56 et la FA est membre du réseau national. Nous avons toujours essayé de prendre part activement dans cette lutte et à la réflexion contre le nucléaire et pour des alternatives énergétiques.

Concernant les faits, d'abord, le drapeau n'a pas été « jeté à terre » mais enroulé et posé sur le sable. Ensuite, ce n'était pas l'oeuvre du « noyau dur » de la fédération anarchiste mais d'un individu, certes membre de la fédération anarchiste, mais agissant à titre individuel et non au nom de son organisation.

L’acte posé, une discussion vive a débuté entre, d'une part des membres de Bemdez, d’autre part des participants à l’action antinucléaire, dont juste certains sont membres de la fédération anarchiste. Bemdez a quitté les lieux témoignant sans doute par là que la présence du drapeau était prioritaire sur le combat antinucléaire.

Or, le mouvement antinucléaire est divers. Il est composé de militants écologistes, membres ou non d’une organisation, de militants de la cause bretonne, membres ou non d’une organisation, de militants libertaires, membres ou non d’une organisation, d’individus ne se revendiquant de rien de particulier.

Dans cette action, à Carnac, hormis les drapeaux du réseau sortir du nucléaire, les militants d’organisation n’avaient pas de signes distinctifs. Seule, Bemdez avait apporté le drapeau gwenn-ha-du qui constitue une revendication politique dans laquelle tout un chacun n’est pas obligé de se reconnaître. C’est pour ne pas enfermer la cause antinucléaire dans la cause bretonnante que l’étendard gwenn-ha-du a été enlevé. Ce n’est pas nier que les bretonnants (autonomistes, indépendantistes...) en sont une part non négligeable. Ce n’est pas non plus cracher sur la culture bretonne qui ne saurait être réduite à cet étendard.

Le drapeau breton gwenn-ha-du est-il si neutre politiquement ‘ Dessiné dans les années 1920 par Morvan Marshal, adopté par la suite par le Parti National Breton, ce drapeau n’est pas sans passé. Les bandes noires et blanches représentent les évêchés de Basse et Haute Bretagne, et l’hermine symbolise les ducs de Bretagne à la devise ambiguë « plutôt la mort que la souillure » . Il n’est par conséquent pas incompréhensible que les anarchistes ne se reconnaissent pas dans ses références au clergé et à la féodalité. Ceci dit, nous ne déclarons pas que tous les porteurs de ce drapeau se considèrent comme les héritiers de ces références, tout comme tous les communistes qui brandissent aujourd’hui le drapeau rouge ne sauraient être les promoteurs du goulag. Mais les références historiques ne sont pas sans sens et il ne faut pas s’étonner d’être l’objet de certains rappels dérangeants. Mais, plus intrigante, est cette remarque selon laquelle ce drapeau représente « une société dans sa diversité » : quand les citoyens et citoyennes de cette société se sont-ils prononcés en ce sens ‘ Comme tout drapeau, celui-ci n'est-il pas juste l’emblème de celles et ceux qui le portent ‘ Dire qu’il représente une société qui n’en a jamais débattu, n’est-ce pas déjà le lui imposer ‘

La réaction face à ce drapeau considéré comme « jeté à terre » frise l’irrationnel, comme un blasphème hérisserait un intégriste, et nous interroge : et si ces personnes prenaient le pouvoir, que feraient-elles face aux déviant-e-s ‘ Considérer que celles et ceux qui refusent ce drapeau sont des ultras du patriotisme à la française revient à adopter le raisonnement de certains qui prétendent que les militant-e-s de la cause bretonne d’aujourd’hui sont les successeurs des fascistes du PNB.

Pour notre part, il nous arrive de brandir un drapeau noir : nous ne déclarons pas qu’il symbolise un peuple, ni même le prolétariat, mais un corpus d’idées et de références dans lesquelles nous nous reconnaissons. Et nous comprenons que certain-e-s prennent leur distance.

« Qui sommes-nous ‘

Nous luttons pour une société libre, sans classe ni État, ayant comme buts premiers :

* l'égalité sociale, économique de tous les individus

* la possession collective ou individuelle des moyens de production et de distribution, excluant toute possibilité pour certains de vivre en exploitant le travail des autres

* l'égalité des la naissance des moyens de développement, c’est-à-dire d'éducation et d’instruction dans tous les domaines de la science, de l’industrie et des arts

* l’organisation sociale sur les bases de la libre fédération des producteurs et des consommateurs, faite et modifiable selon la volonté de leurs composants

* la libre union des individus selon leurs convenances et leurs affinités

* l’abolition du salariat, de toutes les institutions étatiques et formes d’oppression qui permettent et maintiennent l’exploitation de l'homme par l'homme, ce qui implique la lutte contre les religions et les mysticismes, même s’ils se cachent sous le manteau de la science, contre le patriotisme et pour la fraternisation de tous les groupes humains, et l’abolition des frontières.

C’est la société entière que nous voulons reconstruire sur une base de respect et d’entraide, non pour un individu, une classe ou un parti, mais pour tous les individus ; la question sociale ne pouvant être résolue définitivement et réellement qu’a l'échelle mondiale. »

Ceci est un extrait des principes de base de la Fédération Anarchiste. Lorsque l’association Bemdez à travers son président M. Bertrand Deléon nous traite d’avoir un « discours très patriote français » et de défendre « des groupuscules patriotiques » , ces accusations sont très graves et très insultantes et nous aimerions d’ailleurs connaître les sources de ce bon monsieur qui est apparemment très sûr de lui.

Par la suite, il nous reproche d’avoir fait des actions conjointement avec la Libre Pensée pour la venue du Pape à Sainte-Anne d’Auray, à Locarn contre l’institut du même nom et au Crédit Agricole à Vannes en rapport avec la venue de l’agro-industriel M. Glon, président de l’Institut de Locarn. Et alors ‘ Pendant ces actions, nous avons travaillé avec bien d’autres organisations : ATTAC 56, Confédération Paysanne 56, AC !, SUD PTT, SUD Education, Parti des Travailleurs (PT-Lorient), TEAG, LCR, Les Moutons Noirs, Liber-Terre, STM-CNT etc. D’ailleurs, il nous semble que Bemdez a eu par le passé à se défendre que « Bemdez n'a pas de liens avec le "mouvement séparatiste Emgann" et tout autre mouvement politique. » et de continuer « Certes, le nom de Bemdez a été vu dans des collectifs où Emgann comme Attac ou encore la Confédération Paysanne (à titre d'exemples) étaient présents, cela n'implique pas pour autant l'association dans des "relations étroites" avec ces derniers

. » Vous vous êtes fait accuser de relations étroites avec Emgann dont vous vous défendez et aujourd’hui, vous jouez le même jeu en nous accusant d’avoir des relations plus qu’étroites avec La Libre Pensée ce dont nous nous défendons : ce n’est pas très cohérent. Nous apparaîtrons encore dans le futur dans des collectifs sur des thématiques que nous jugerons intéressantes avec d’autres organisations comme La libre Pensée, ce qui ne nous empêche pas d’être critiques fasse à ces organisations et nous n’avons pas besoin d’un rapport des RG pour nous faire une opinion.

Concernant, le procès d’un « éducateur spécialisé de 39 ans surpris par la police à taguer le symbole de la Fédération Anarchiste sur un caisson EDF, par dessus des inscriptions apposées par des militants bretons, est présenté devant le tribunal correctionnel de Rennes » , ce n’est le fait que d’une personne dont son geste et la défense adoptée lors du procès n’ont pas eu notre approbation.

Nous nous permettons une comparaison. Si nous avions été des catholiques convaincus antinucléaires venus défiler avec une croix, si les seuls symboles distinctifs avaient été d’une part les drapeaux du réseau sortir du nucléaire et d’autre part cette croix catholique, combien auraient accepté d’être assimilés à des catholiques antinucléaires ‘ Nombre de manifestants auraient fait en sorte que cette croix soit rangée. Pourtant, le Morbihan est une terre catholique, la croix a une légitimité historique. Les catholiques seraient-ils alors dans le vrai en considérant les personnes hostiles à la croix comme des musulmans par exemple et en rédigeant un communiqué vengeur en conséquence ‘

Par ailleurs, ce n’est pas nous qui avons apporté le drapeau à tête de mort. Nous n’avions aucun signe distinctif (drapeau, autocollant, tract, banderole...). Ceci dit, c’est quand même marrant un drapeau à la pirate, non ‘ Chercher la petite bête au-delà témoigne d’un manque d’humour (noir).

Le monsieur qui portait le t-shirt de John Trudell n’est pas membre de la FA, c’est la première fois que nous le rencontrions. Ce qui a visiblement gêné Bemdez, c’est qu’il était d’accord que la présence du gwenn-ha-du était de trop ce jour là. A nous, il est paru très sympathique en revanche.

Bemdez nous reproche aussi de n’avoir rien tenté contre les « drapeaux français ornant les commémorations des victimes de la rafle du Vel’ d’Hiv’ » . Qu’a fait Bemdez pour l’occasion dont nous pourrions éventuellement nous inspirer ‘

« Car, que ce soit en France, en Indochine, en Kabylie ou encore au Rwanda, c’est précisément sous la bannière tricolore de la France que les pires exactions ont été accomplies pour faire vivre aux peuples parmi les plus noires périodes de l’Histoire » Nous sommes entièrement d’accord car nous sommes vraiment non nationalistes, non patriotes et nous combattons les Etats et leurs armées.

Et si à Carnac il y avait eu ce jour là un drapeau français, sans doute nous serions retrouvés associés ponctuellement à Bemdez pour le déloger...

Nous aurions fait de même avec le drapeau européen.

« En 2003, la France, patrie autoproclamée des Droits de l'Homme, a été condamnée 76 fois pour violation de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, se plaçant deuxième ex-aequo avec la Turquie, derrière l'Italie qui caracole en tête avec 104 condamnations.

Tout ça n’a pas l’air d’ébranler la FA » C’est mal nous connaître. Toute attaque contre la liberté individuelle, toute injustice a au minimum notre réprobation, à défaut de pouvoir les empêcher.

Bemdez, par son prisme très déformant, donne l’impression que dès qu’on ne se reconnaît pas derrière le drapeau breton, on devient un « ultra du patriotisme à la française » . En adoptant un tel raisonnement binaire, Bemdez dérape vers le nationalisme. Pour ce qui concerne la fédération anarchiste, mise en cause dans cet article calomnieux, alors qu’elle ne revendique pas l’action, elle ne peut que constater que le nationalisme, quelle qu’en soit l’échelle, divise celles et ceux qui devraient s’unir, faisant le jeu des exploiteurs, c’est-à-dire du patronat et de l’Etat (français et autres).

oici une position que les groupes composant l’union régionale Bretagne de la fédération anarchiste ont adopté en avril 2002.

« Anarchisme, cultures, nations...

L’anarchisme se fonde sur trois revendications majeures : la liberté des individu-e-s, l'égalité économique et sociale et l’entraide. Le fonctionnement anarchiste d'une société repose donc sur la libre association des individu-e-s qui la composent, l'efficacité étant garantie par la pratique fédéraliste.

C'est à la lumière de ces principes fondateurs de l'anarchisme que nous pouvons aborder clairement les questions culturelles ou identitaires.

D'une part, la libre association contient le droit sans équivoque de chacune et chacun à se reconnaître, partiellement ou complètement, dans des affinités ou des pratiques collectives, qu'elles soient culturelles, politiques, intellectuelles ou autres. Ces affinités et pratiques peuvent s’exercer sur les bases géographiques qu’elles se choisissent.

Cette liberté inclut, comme toutes les libertés, les conditions de son exercice effectif ; cela comprend donc le droit à l'usage des langues quelles qu'elles soient et la possibilité effective d'apprendre ces langues, notamment au sein de l'école publique.

Le même principe de liberté individuelle contient aussi le droit de chacun-e à forger sa propre identité, sans être contraint-e par une pseudo-identité collective, qu'elle se pare des oripeaux de la culture ou de la nation.

Il est important de développer une ou des langues communes qui ne soient pas une ou des langues de domination qui privilégient un groupe particulier. Cette ou ces langues qui pourraient être l’espéranto ou un langage des signes doivent permettre la compréhension et la solidarité entre tous les groupes humains.

D’autre part, au nom de nos principes anarchistes, nous ne pouvons que condamner la politique française de répression des cultures et des langues dites minoritaires, menée pendant des décennies.

De même, il est nécessaire de résister à l'instrumentalisation de la culture, de la langue et du sentiment identitaire orchestrée, via les médias régionaux, par les bourgeoisies locales (comme l'Institut de Locarn) et les organisations politiques qui s'en servent pour maintenir la paix sociale et finalement maintenir l'oppression de classe.

Il faut distinguer les résistances à des oppressions subies par des populations et les tentatives par les mouvements nationalistes de canaliser ces résistances dans une finalité de prise de pouvoir et de construction d’un Etat.

De plus, les libertaires sont conscient-e-s que les phénomènes collectifs, les cultures, peuvent être vecteurs d'idées réactionnaires : s'il nous arrive de nous inscrire individuellement, ou collectivement, dans des courants culturels, nous en dénonçons donc les éventuels aspects autoritaires et tâchons d'y promouvoir nos idées, et d'y faire avancer nos luttes pour une société solidaire.

Enfin, nous ne confondons pas culture, nation et Etat. Les anarchistes sont internationalistes ou anationalistes, refusent qu’on leur affuble une nationalité et luttent contre l’Etat. Vouloir, sous prétexte culturel, religieux, ethnique..., créer un territoire autour d’un Etat national ou régional revient nécessairement au niveau politique et économique à reproduire la société de classes et d’oppression, et au niveau culturel à reproduire à moindre échelle le mode de domination que nous dénonçons pour tout Etat, à commencer par l’Etat français.

Nous, anarchistes, défendons le fédéralisme libertaire qui permettra, en même temps que résister à la mondialisation capitaliste, le développement d'une société égalitaire et émancipée et le libre épanouissement des individus. C'est dans cette perspective que nos différences, notamment culturelles, permettront l'enrichissement mutuel de chacune et chacun d'entre nous. »

Fédération anarchiste

Groupe libertaire Francisco Ferrer cité Allende B19 56100 Lorient

Groupe libertaire René Lochu 6 rue de la Tannerie 56000 Vannes

fedeanar56 [at] yahoo.fr

Voir aussi sur le même sujet :