Monsieur le Ministre,
En Bretagne, sur le dernier siècle, la politique ethnocide des gouvernements français a considérablement réduit le nombre de locuteurs bretons. Déclaré langue mencée d’extinction par l’UNESCO, le breton est pourtant encore parlé aujourd’hui par 270 000 personnes (1). C’est peu. Beaucoup trop peu pour sauver cette langue, notre langue.
La Bretagne, avec ses cinq départements, compte un peu plus de 4 000 000 d’habitants. 80% d’entre eux sont favorables à l’enseignement du breton à l’école (1). C’est beaucoup.
En Bretagne, 900 000 enfants sont scolarisés et dépendent, pour leur éducation, des directives de votre Ministère. 13 000 d’entre eux (1,44%) apprennent le breton. C’est peu.
En décembre 2004, à l’unanimité de ses élus, dont ceux de votre propre majorité, le Conseil Régional de Bretagne a voté un Plan pour la sauvegarde de la langue bretonne. Ce plan prévoit d’atteindre 20 000 enfants scolarisés dans en filière bilingue breton-français d’ici 2010. Un objectif raisonnable qui nécessite une croissance du nombre d’élèves en filière bilingue de 14% par an.
Cet objectif n’est pas tenu. Jugez-en ! Cette année, la croissance du nombre d’élèves en filière bilingue est de 6,57 %, en recul sur l’an passé (7,63 %).
Ainsi, en ne donnant pas les moyens nécessaires au Rectorat de Bretagne, vous devenez aujourd’hui le premier responsable du déclin du breton. Serez-vous l'homme de cette responsabilité historique ?
Le nombre d’enseignants formés à l’enseignement du breton à l’IUFM de Saint-Brieuc est inférieur aux propres engagements de l’Etat. Un grand nombre d’enseignants en langue bretonne n’ont qu’un statut de suppléant. Ils sont employés sous contrat précaire renouvelés d’année en année. L’actualité nous révèle que FIN SEPTEMBRE, aucun d’entre eux n’avait touché son salaire. Il ne s’agit pas d’un dérapage mais bien d’une rêgle appliquée par vos services. Dans les années passées, certains suppléants n’ont touché leur premier salaire qu’en OCTOBRE ou NOVEMBRE. (2)
Ces pratiques d'un autre âge sont celles de votre administration. En 2006. Elles sont indignes d’un état de droit, indignes de notre République, indignes du pays des droits de l’Homme.
En ce début de siècle où la France est à la traine de l’Europe dans l’enseignement des langues étrangères, tous les linguistes s’accordent à dire que l’apprentissage précoce d’une seconde langue est une chance pour les enfants. Il favorise l’acquisition de plusieurs autres langues par la suite.
En plus du français, qu’ils parlent bien, les enfants de Bretagne ont la chance d’avoir autour d’eux une langue régionale qu'ils peuvent encore entendre dans leur environnement quotidien... Un atout considérable, riche d'avenir, pour apprendre une seconde langue dès le plus jeune âge.
Pourtant, vos services continuent de vouloir pratiquer une politique ethnocide.
En Ille et Vilaine et en Loire Atlantique, les Inspections Académiques font une obstruction systématique à tout projet d’ouverture de nouvelles classes bilingues. Dans les Côtes d’Armor, aucun nouveau site n’a ouvert depuis cinq ans.
Cette année, à BULAT-PESTIVIEN (Côtes d’Armor) et à LANGUIDIC (Morbihan), des parents sont mobilisés depuis sept semaines pour obtenir l’ouverture d’une classe bilingue breton-français pour leurs enfants. Sans être entendus, ni même reçus par vos services départementaux.
En refusant de les satisfaire, en refusant d’ouvrir ces classes, vous poussez à l’exaspération des citoyens, français comme tous les autres, qui ne demandent que l’application de leur droit universel à voir leurs enfants apprendre le breton, une langue qu’ils ont choisi.
Monsieur le Ministre, il est temps que la raison l'emporte. En Bretagne, en France, en Europe et dans le monde, des milliers de citoyens vous le demandent.
P. LeFeuvre
- Citoyen parmi d'autres
(1) Sondage TMO 2001
(2) Voir le communiqué des parents de Merville sur ce site (voir le site)