Ha ! Ha ! Il commence à nous faire rire le sieur Auxiette ! Dans un entretien diffusé ce week-end sur France 3 Ouest, planté devant un attirail de propagande Pays de la Loire®, à l'image d'un sportif qu'on interviewerait devant un mur de sponsors, le président PdL® a déclaré à propos de la Réunification de la Bretagne : « Ce serait une forme d'annexion des temps modernes, une forme de colonisation que je ne pourrais accepter... » (voir le site)
Des propos complètement déplacés et ahurissants pour un élu, qui nous font sourire, mais qui témoignent avant tout d'une peur irrationnelle face à la perspective d'une perte d'intérêts personnels et privilégiés.
En effet ce sont bien les Bretons qui depuis la création de la région PdL® demandent à ce que la région Bretagne intègre l'ensemble du territoire breton ! Jacques refuserait même à certains de ceux-ci de pouvoir s'exprimer en faveur de l'unité territoriale « le débat n'est pas de dépecer la région Pays de la Loire® comme certains s'en accordent la légitimité, quand je dis certains je parle d'élus mais aussi de chefs d'entreprises ! », oui, M. Auxiette la revendication de réunification traverse l'ensemble de la société bretonne, dont des patrons et des élus, mais aussi des partis politiques, des associations culturelles, sociales, environnementales... ; des syndicats, des jeunes, des vieux, des ménagères de moins de cinquante ans, etc. à l'image des 10.000 manifestants du 20 septembre à Nantes.
Bref, Auxiette s'embourbe, sent la fin des PdL proche, et réagit telle la bête dans ses derniers retranchements. Alors que les militants de la réunification ne cessent de se défendre des motivations « ethnicistes » qu'il leur prête souvent dans la presse, J. Auxiette en expert, même si on sent dans la formulation que ça lui fait mal aux dents, nous dit que « oui c'est vrai Nantes et une partie de la Loire-Atlantique ont eu historiquement une histoire commune avec la Bretagne ». Mais M. Auxiette, notre revendication de l'unité se projette avant tout dans notre désir de vivre ensemble et de construire un projet politique commun, maintes fois répétés, et non sur une hypothétique et restrictive homogénéité ethnique, linguistique ou culturelle que vous semblez formuler comme seul argument pouvant témoigner de l'unité des Bretons.
En réalité les propos d'Auxiette nous amènent à nous poser la question d'une attitude aussi irrationnelle. Il ne semble pas que cela soit motivé par une simple rivalité parlementaire, rappelons qu'en Bretagne le président PS du CG 44 et la président PS de la région Bretagne sont favorables à la réunification, et que ce projet à été principalement soutenu par la gauche française plus que par la droite jusqu'à ces dernières années.
Cette attitude illustre nécessairement la peur de perdre un poste et une notoriété, gagnés à l'arraché, notamment lorsqu'il oppose à la réunification le déficit démographique et économique porté à l'image des PdL, comme s'il ignorait que celle-ci entraînerait forcément une réorganisation des territoires composant les PdL vers d'autres régions administratives (« La Loire-Atlantique, c'est 1,2 million d'habitants sur les 3,5 millions que comptent les PdL®, ça compte démographiquement et économiquement »). Cependant ces propos, et surtout cette omission, amènent indirectement à se poser la question de « l'identité des Pays de la Loire », qui de facto disparaîtrait avec la disparition de son incarnation administrative.
Dès sa création en 1972, les administrateurs ont cherché à donné une âme à l'établissement public, c'est ce que déclarait le premier préfet de région PdL Camous en janvier 1974 : « La plupart des régions de France ne sont pas dotées à leur naissance de cette conscience collective, éveillée et active qui fait des collectivités adultes (...) c'est ce que maintenant nous devons ambitionner et conquérir ».
En réalité ceci était le début de la politique identitaire "ligérienne" dont l'adjectif n'avait pas encore été inventé. C'est ce projet un peu fou, formidablement jubilatoire et motivant pour un homme politique – créer de toute pièce une conscience collective, une identité artificielle, construite à partir d'une administration nouvelle – qui a amené un ministre de l’Équipement et de l'Aménagement, personnalité du gouvernement d'alors, Olivier Guichard, à prendre les rênes des Pays de la Loire® en tant que président.
Pourtant à l'époque les régions nouvellement constituées ne sont que des établissements publics sans réel pouvoir politique. De plus Guichard a été maire dix ans durant d'une commune de Gironde et n'a aucun rapport avec ce nouveau territoire. C'est donc bien l'expérimentation sociale générée par les potentialités de cette nouvelle structure politique (en plus d'une obstruction au mouvement d'émancipation nationale en Bretagne) qui marque la venue de Guichard et le début de la création identitaire des PdL®.
Depuis, cet objectif et cette politique n'ont cessé d'animer les dirigeants successifs de la région, jusqu'à Jacques Auxiette ancien opposant au Conseil régional d'Olivier Guichard. Comprenons-le : Jacques Auxiette est conseiller régional depuis 1979, bien avant la régionalisation de 1982 et avant l’élection du CR au suffrage universel à partir de 1986. Il dépend politiquement de cette structure politique depuis trente ans, il y a siégé dès les premières années et a participé depuis cette époque à la politique identitaire initiée par Guichard et Camous. En ce sens et malgré l'opposition politique il y a une véritable mission sainte qui semble être transmise de président PdL à président PdL, la création identitaire des PdL (notamment au détriment de l'identité bretonne du 44, qui, dès le début a été un frein à ce projet) et la pérennisation de cette politique.
Lui-même se place comme « un héritier » d'Olivier Guichard et un continuateur de sa conception régionale (voir le numéro de janvier-février de Place Publique et l'émission « Ça vous regarde » du 24 janvier sur France 3 Ouest). D'ailleurs la surprenante initiative prise par J. Auxiette d'édifier deux bustes monumentaux d'Olivier Guichard, un au palais de région et un un autre à Fontevraud, sur les fonds publics et sans appel d'offre, témoigne autant de l'affiliation d'avec le créateur dont il veut témoigner que de la construction collective d'un mythe fondateur. C'est notamment ce qu'explique Goulven Boudic, chercheur de l'Université de Nantes et consultant pour France 3, et qui témoigne cependant pourtant d'une très grande tiédeur quant au problème de la réunification de la Bretagne.
Dans la pratique actuelle on retrouve toujours cette politique de création identitaire, fondement de l'existence même de la région, basée sur une communication-propagande toujours en opposition avec la contestation du territoire PdL et visant principalement les jeunes générations. Le nouveau slogan de la région « l'esprit grand ouvert » s'opposant et cristallisant la « fermeture d'esprit » dont ferait preuve une population nantaise voulant vivre au sein d'un territoire administré breton ou la campagne « diversivie » voulant présenter les distensions au sein du territoire comme la caractérisation et la justification même de « l'âme » des PdL et qui insinuerait qu'en étant pour le redécoupage de la région on serait contre la « diversité », sont autant d'exemple d'une propagande régionale toujours placée dans la justification et dans la construction d'une « conscience collective à conquérir ». Ajoutons qu'à chaque fois ces campagnes se chiffrent en centaines de milliers d'euros payés par le contribuable, et qui font paraître ridicule les quelques milliers d'euro réclamé par la région pour la contestation de cette communication-propagande par les barbouilleurs volontaires. Enfin, on retrouve aujourd'hui la même volonté d'intégrer la conscience des jeunes générations qui a caractérisé la propagande "paysdelaloirienne" depuis le début avec des campagnes de fidélisation et l'investissement fort dans des structures comme le Conseil régional des Jeunes. A l'issue des débats participatifs sur les assises régionales du développement durable 2008-2009, et alors même que toutes questions sur l'avenir de la région et la réunification y étaient interdites, on retrouve des conclusions préconisant « de faire entrer dans les écoles le journal des Pays de la Loire® et d'y ajouter des rubriques pour favoriser dès le plus jeune âge une identité ligérienne ».
Nous le voyons pour les dirigeants PdL, affirmer et faire exister la région est une lutte, un vrai combat politique, c'est même la valeur régionale suprême dépassant les clivages politiques, créer les citoyens et la société à partir de l'administration plutôt que d'adapter les outils politiques à la population. Valeur, et même mission à laquelle J. Auxiette participe depuis maintenant trente ans au sein de la région PdL, structure administrative dont la durée et l'existence s'interpénètrent avec l'ensemble de sa carrière politique.
C'est aussi cette implication personnelle avec l'existence de la région qui permet de comprendre que J. Auxiette n'arrive à se projeter objectivement dans le débat sur la réorganisation territoriale, dans lequel tout le monde reconnaît la nécessité de « redécouper les régions de l'Ouest ». On le voit, sans parler de songer à l'opportunité pour les territoires que pourrait constituer la Réunification de la Bretagne (créations des régions Vendée-Poitou-Charentes et Val de Loire), il ne se projette pas non plus dans une région Grand Ouest, pour lui il y aura forcément « dépeçage des PdL ».
En comprenant tout cela on saisit sans doute les raisons amenant à une telle démesure dans les propos de M. Auxiette. On se rend aussi compte que jusqu'à la réunification effective de la Bretagne il y a un réel combat à mener contre la politique coloniale des Pays de la Loire®.