Les escarmouches avec les fonctionnaires de l’Etat français sur le sujet de la prénomination des gens se répètent avec constance en Bretagne. Depuis la fameuse affaire LE GOARNIG (1), on assiste régulièrement à des rejets des choix de prénoms faits par les parents des jeunes enfants. Le dernier en date concerne le prénom Fañch.
On notera par contre qu’il n’y a pas d’ostracisme, en Bretagne, de la part de ces mêmes fonctionnaires à l’encontre des prénoms anglais, arabes, africains, espagnols, etc. Depuis la fin des années 1960, ils sont nettement plus libéraux: les immigrés peuvent opter pour des prénoms liés à leurs origines. Étonnamment, à l’extérieur de la Bretagne, en région parisienne, à l’étranger, ces mêmes agents acceptent les prénoms bretons. Conclusion: en Bretagne, mieux vaut ne pas porter un prénom en langue bretonne, ce qui sous-entend, mieux vaut ne pas parler la langue bretonne.
De façon surprenante, ce message semble avoir été intégré en Bretagne même. Puisque rares sont les Bretons munis d’un prénom français qui ont cherché à le changer par un prénom breton. Pourtant, à la différence des noms de famille qu’on ne peut pas légalement modifier, le prénom peut être modifié. Depuis le 27 février 2017, toute personne peut demander à changer de prénom si elle justifie d'un intérêt légitime (2).
Touchant à l’intime, “le prénom n’a rien d’anodin. Il raconte infiniment plus que ce que l’on pourrait croire: sur nous-mêmes, sur ceux qui nous l’ont donné, sur l’époque et le lieu où nous sommes né-es - en un mot sur notre histoire privée et publique” (3). Jusqu'en 1966, l’État français s’évertua à interdire à des générations de parents bretons le droit de nommer leur enfant selon leur désir et à leur imposer un prénom français qui n’avait rien d’anodin. Ce prénom racontait une oppression. N’est-il pas alors légitime de changer son prénom français par un prénom breton ou un prénom gallo en Bretagne?
Même s'il y en a beaucoup qui l'ont déjà fait, qu’attendent alors les enseignants de breton ou de gallo et leurs élèves, leurs étudiants, leurs auditeurs, les animateurs des radios bretonnes, les membres des associations bretonnes, des entreprises bretonnes, les militants des partis politiques bretons, les élu-es de Bretagne, etc. pour changer leur prénom?
N’est-ce pas Monsieur Jan-Michao L’boulangier?
Youenn-Fañch AR C’HOADIG
(1) (voir le site)
(2) Fiche pratique changement de prénom - (voir le site)
(3) Catherine VINCENT - Le Monde, samedi 13 octobre 2018