Le 17 décembre dernier, le Parlement européen, réuni en assemblée plénière, a voté à une large majorité une résolution pour soutenir l’initiative citoyenne européenne « Minority safepack initiative » dite MSPI.
Le Parlement européen a également demandé à la Commission européenne de lancer le processus législatif afin d’établir un seuil standard de protection des minorités qui s’imposerait à tous les États membres de l’U.E.
Ce vote a été précédé d’autres votes et déclarations de soutien. Le plus récent étant celui du Parlement allemand le 27 novembre dernier qui a voté à l’unanimité une résolution demandant à la Commission de répondre favorablement aux objectifs de la MSPI.
Dans le courant de l’année et en 2019 des parlementaires hollandais, irlandais et des membres de gouvernements italiens, estoniens, lituaniens, tchèques, slovènes se sont déclarés favorables à la MSPI. Même le rapporteur spécial des Nations Unies sur les questions des minorités a fait voter une recommandation en faveur de l’Initiative.
La Commission européenne doit donc se positionner avant le 15 janvier 2021.
En théorie, elle peut soit refuser les projets législatifs proposés par les promoteurs de l’Initiative, soit faire quelques propositions législatives en faveur des minorités, soit suivre toutes les demandes de la MSPI.
Sa déclaration est donc attendue avec impatience. On peut s’inquiéter, car certains Commissaires européens risquent de violer le serment qu’ils ont fait devant la Cour de Justice de l’Union européenne, le 13 janvier dernier, et défendre les positions politiques de l’État Membre dont ils sont originaires, alors qu’ils ne doivent défendre que les Traités et les droits fondamentaux des citoyens européens.
Premièrement, le Parlement européen, dans le cadre de la réforme de la procédure des Initiatives citoyennes européennes a obtenu plus de pouvoirs. En effet depuis le 1er janvier 2020, si une initiative est victorieuse, le Parlement doit auditionner publiquement les promoteurs de celle-ci, mais nouveauté, il peut aussi, si le sujet lui semble important, décider de voter une résolution en audience plénière, ce qu’il vient de faire pour la MSPI.
L’audition publique a eu lieu en octobre et la résolution en audience plénière a été votée en décembre. Le positionnement du Parlement européen est politiquement fort et plutôt rassurant pour le suivi.
Car si une prise de position en faveur des minorités en Europe est toujours intéressante, la résolution votée engage pratiquement la Commission européenne. Surtout, la Commission a déjà retiré de la MSPI les demandes qu’elle juge non couvertes par les Traités fondateurs de l’U.E. En 2013 la Commission avait tout simplement rejeté le projet de la MSPI et la Cour de Justice de l’Union européenne en 2016 a condamné ladite Commission à lancer la procédure de la MSPI, jugeant son refus juridiquement infondé.
La Commission européenne, contrainte, a donc autorisé la MSPI mais en supprimant du projet deux points importants pour les minorités : le premier concernait leur représentation au Parlement européen ; et le second visait à renforcer les directives relatives à l’égalité en intégrant dans les motifs de non discrimination l’appartenance à une minorité nationale.
La Commission européenne ayant déjà écarté de la MSPI deux points sensibles, un refus de sa part de mettre en place les projets de loi serait donc incompréhensible et préjudiciable aux relations avec le Parlement européen, la Cour de justice de l’Union européenne, la majorité des États membres ainsi que les opinions publiques.
Actuellement, aucun texte législatif du Conseil de l’Europe ou de l’U.E n’a de force contraignante pour les États membres. Si la Commission le décide, pour la première fois, nous pourrons enfin nous prévaloir de normes européennes contraignantes pour faire avancer nos légitimes revendications.
Formulons donc le voeu que l’année 2021 nous apporte de belles opportunités à saisir.
Pour Skol-Uhel ar Vro,
le Président de la section « Droit et Institutions »
Jean-Pierre LEVESQUE