Dans le cercle de pierres, ovates, bardes et druides attendent...
Un druide est venu du Pays de Galles ainsi que le Grand Barde de Cornouailles (la Gorseth Kernow n'a pas de druides). Per-Vari Kerloc'h, le grand druide de Bretagne, préside la cérémonie. Ils portent des robes vertes, bleues et blanches. Certains sont novices, d'autres ont des dizaines d'années de fidélité à leurs pratiques druidiques, mises en place au XIXe siècle dans un courant romantique qui voulait voir renaître le druidisme qu'on ne connaît que par des textes écrits par les Romains, les druides se refusant à l'écriture : " l'écriture tue la parole ". Pas de prêtre, pas d'homme à la tête (de grandes druidesses auraient également existé). Le gui, l'épée, les symboles druidiques : tout était à inventer ou à ré-inventer. Un lien fort à la nature, aux forces telluriques, au soleil, au vent, à la Bretagne, et aux langues celtiques.
Ce n'est pas le " Gorsedd digor ", de Jakez Riou, pièce de théâtre qui se moquait des druides, qui va se dérouler ce dimanche matin. C'est une cérémonie solennelle, à laquelle assistent les Ramoneurs de Menhirs, des personnalités venues de toute la Bretagne, des curieux, des amis, des artistes...
Ce matin, dans le grand pré d'Arzano que les vaches ont délaissé pour un temps, le grand prêtre monte sur la pierre au centre du cercle, le Maen log. Après avoir remercié toutes les personnes présentes et ouvert le Gorsedd avec de la harpe, du biniou et de la bombarde, puis le chant entonné par Gweltaz Ar Fur, il prend la parole. Et il enchaîne la campagne électorale, cite Hollande, Mélenchon, Marine Le Pen, remercie le président de Région pour le travail accompli pour la Bretagne, égratigne au passage ceux qui se moquent de la Bretagne et en subissent les conséquences. Il fait le bilan de l'année, en breton, avec force et sans emphase, il parle de la Redadeg et félicite ses organisateurs, de l'Université, des avancées pour la langue et la culture de ce pays. Mais il n'oublie pas, et redoute l'avenir. Qu'en sera-t-il de la charte des langues régionales ? Qu'en sera-t-il de la décentralisation ? Que deviendra la Bretagne dans le contexte économique et politique à venir ?
Il sourit, sort l'épée de son fourreau. Connivence partagée avec ses amis. Les curieux armés de caméras et d'appareils photos ont-ils compris le sens profondément politique de l'allocution du grand druide ? Que le folklore apparent de cette cérémonie cache une volonté farouche de défendre une spiritualité qui n'est pas cartésienne, un combat pour l'homme breton, mais d'abord et avant tout, pour l'homme libre (relire la préface de la réédition de "Comment peut-on être breton ?", de Morvan Lebesque, par le grand druide Gwenc'hlan Le Scouezec, qui, à sa mort, a été remplacé par Per-Vari Kerloc'h).