Au bout du processus il y a donc eu un accord, l’accord de Beauvau. Il ouvre la voie à l’autonomie de la Corse. C’est un succès politique très important, qui doit déboucher sur une réforme constitutionnelle, puis sur une loi organique qui pourra profiter du nouvel espace constitutionnel ainsi ouvert, et enfin une loi-programme contractualisée avec l’Etat pour continuer l’effort de modernisation de la Corse.
L’accord obtenu par l’Assemblée de Corse répond aux trois priorités qui sont les siennes depuis que sont négociés des accords entre l’Etat et la Corse : inscription de la « communauté corse » dans la constitution, reconnaissance d’un « lien à sa terre » pour favoriser des politiques foncières spécifiques, et pouvoir réglementaire et législatif pour disposer d’une autonomie « pleine et entière ».
Sur ces points, depuis la création de l’Assemblée de Corse sous Mitterrand en 1982, jusqu’à la création de la Collectivité Unique de Corse en 2017 sous la présidence de François Hollande, en passant par le statut Rocard-Joxe de 1992, qui avait été censuré par la Constitution sur la notion de peuple corse, ou le processus de Matignon avec Lionel Jospin en 2002, toutes les évolutions se sont faites à constitution constante, sans parvenir à un statut donnant aux Corses suffisamment de liberté pour décider par eux-mêmes sur les affaires les concernant.
Pour aller plus loin, le préalable était donc de modifier la constitution.
Cet engagement a été pris par Emmanuel Macron devant l’Assemblée de Corse le 28 février 2023. Il vient d’aboutir sur une proposition consensuelle.
Les « Écritures constitutionnelles » qui ont été adoptées lors de la réunion du lundi 11 mars place Beauvau satisfont en effet les attentes formulées par une immense majorité des Corses.
Ainsi, le compromis retient que « la Corse est dotée d’un statut d’autonomie au sein de la République qui tient compte de ses intérêts propres, liés à son insularité méditerranéenne et à sa communauté historique, linguistique, culturelle, ayant développé un lien singulier à la terre ». Cette formulation en vue de l’inscription de la Corse dans la Constitution cite les attributs d’un peuple (histoire, langue, culture), et aussi « son lien singulier à sa terre », reconnaissance qui ouvre le champ des possibles pour un « statut de résidence » s’appliquant aux politiques foncières et immobilières. Cet ajout est un résultat direct de la négociation menée depuis le discours d’Emmanuel Macron.
Le consensus le plus difficile à obtenir a été sur le pouvoir législatif. La première rédaction du gouvernement était très éloignée d’une autonomie, se contentant de reproduire le schéma d’une habilitation préalable de la Collectivité de Corse, attribuée au coup par coup par l’Assemblée nationale (en matière législative) ou le gouvernement (en matière réglementaire) pour adapter les législations nationales. Le texte final, tout à fait différent, affirme : « La Collectivité de Corse peut être habilitée à fixer les normes donc les lois et les règlements dans les matières où s’exercent ses compétences ». Et il développe : « La loi organique détermine le contrôle exercé par le Conseil d’Etat et le Conseil Constitutionnel sur les normes prises par l’Assemblée de Corse ». Traduction : dans les domaines des compétences transférées à la Collectivité Autonome de Corse, celle-ci pourra définir elle-même ses règlements (soumis au contrôle a posteriori du Conseil d’Etat, comme l’est le gouvernement) et ses lois (soumises au contrôle a posteriori du Conseil Constitutionnel comme l’est le Parlement). Il n’est donc plus question d’une habilitation préalable donnée au cas par cas.
Cette faculté d’édicter ses propres règlements et ses propres lois est le cœur même d’un statut d’autonomie tel qu’il en existe dans de nombreuses situations comparables en Europe. L’accord de Beauvau ouvre enfin cette possibilité pour la Corse.
La modification constitutionnelle va donc s’engager sur ces bases. Peut-elle aller à son terme ? Au Sénat, on sait que la majorité sera difficile. Mais qui endossera la responsabilité de la suite des événements en Corse si la déception était au rendez-vous ? Car il ne s’agit pas simplement de refuser un projet d’Emmanuel Macron. Il s’agirait alors d’aller contre la volonté de tout un peuple qui, depuis soixante ans, a multiplié les sacrifices pour arriver à cette autonomie.
C’est une nouvelle étape, éminemment politique, qui commence au lendemain de cet « accord de Beauvau ». La révision constitutionnelle annoncée soulève déjà une multitude de contre-feux de tous les jacobins, particulièrement dans les médias. Mais une volonté est clairement affirmée désormais. Et là où il y a une volonté, il y a un chemin.
Ce communiqué est paru sur François Alfonsi
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