Maël de Calan vient d’achever son entreprise de débretonnisation du collège brestois de Kerhallet qui prendra désormais le nom de Joséphine BAKER. Interpellé par courrier diffusé dans la presse locale et adressé par des associations bretonnes, Maël de Calan n’a pas daigné leur répondre.
Il aurait été tellement simple de joindre le nom de Joséphine BAKER, femme d’exception, à celui de Kerhallet. Ainsi, nous n’aurions pas débretonnisé à la satisfaction de tout le monde. L’esprit de la Bretagne est dans le partage.
Mais non seulement cette solution n’a pas été envisagée, mais Maël de Calan n’a pas daigné justifier personnellement sa décision. Il a laissé sa vice-présidente du Conseil départemental, Mme Bourbigot, l’expliquer par la demande de la communauté éducative soucieuse d’une nouvelle image et par le risque de confusion postale avec l’école et la piscine qui portent le même nom.
La question de l’image du quartier me fait dire que ce n’est pas en changeant de nom que vous changerez la réalité des choses ainsi que les difficultés sociales et éducatives que peuvent affronter les enseignants. Encore une concession à l’esprit du temps ?
Celle de la confusion postale a de quoi faire sourire celui qui connaît le moteur de la débretonnisation actuelle de nos campagnes, menée à l’instigation de la poste et avec la complicité active ou l’inconscience de certains élus locaux. Il existe toujours une raison technique pour justifier la destruction d’une culture minoritaire, aux yeux de ceux qui devraient pourtant la défendre.
Kerhallet est la chronique d’une débretonnisation ordinaire menée par des gens qui ne voient pas ou refusent de voir que notre langue, comme tout ce qui nous réunit en Bretagne, est menacée d’éradication, faute d’un enseignement digne de ce nom. Si les Bretons ne la défendent pas, et au premier chef ses élus, que restera-t-il de notre culture demain ?
Maël de Calan, en tant que Président du Conseil départemental du Finistère, devrait être l’élu le plus conscient de ces grands enjeux. Or il ne voit pas le problème ou alors il le voit mais il s’en moque éperdument. Difficile pour nous de savoir ce qu’il en pense puisqu’il n’en a rien dit. Mais nous pouvons tout de même déduire de son silence qu’il réagit en responsable politique soucieux de ne pas communiquer à son détriment. La polémique finit toujours par passer.
La polémique passe mais la mémoire reste. Les Bretons sauront désormais à quoi s’en tenir lorsque Maël De Calan parlera de la Bretagne, de sa langue et de sa culture, avec des trémolos dans la voix.
Maël de Calan doit faire partie de ces responsables politiques professionnels, munis des diplômes adéquats pour ce faire et qui considèrent que leurs fonctions actuelles ne sont qu’une juste rétribution. Les élus professionnels oeuvrent moins pour le peuple, son histoire, sa culture qu’en tant que membre d’une nouvelle noblesse de Pouvoir dont l’objectif premier est de se maintenir, avec les yeux tournés vers Paris.
Et nous Bretons, nous ne sommes pas dans l’esprit du temps. Notre culture, notre langue recèlent quelque chose de folklorique ou de honteux dans l’ordre français. Voir les Chinois remplacer la langue tibétaine par la langue chinoise choque les bons esprits, même ceux de la communauté éducative de Kerhallet, lorsque la débretonnisation a quelque chose de naturel pour ceux qui ont intériorisé l’identité négative. Kerhallet n’est jamais qu’un reste de « langue de plouc » au sein d’une métropole brestoise tournée vers l’avenir.
Le rôle de la communauté éducative de Kerhallet est de faire de nos collégiens de bons français comme à Paris. Le fait que leur collège se soulage d’une appellation bretonne est dans l’ordre des choses.
Nos enseignants font de leur mieux au service des élèves. Ils travaillent dur pour rendre les élèves en tous points conformes, mais ils ne voient pas les avantages de la différenciation.
La Bretagne est un supplément d’âme pour les jeunes Bretons mais encore pour ceux qui viennent d’ailleurs. A singer Paris en toute chose, avec des moyens bien inférieurs à ceux de la capitale, on ne fait qu’accroître les inégalités des chances qui structurent le modèle éducatif national. La langue et la culture bretonnes sont des atouts supplémentaires au profit des élèves, même pour ceux qui sont en difficulté.
Le nom de Kerhallet était un appel au grand large, une porte vers la diversité.
Maël de Calan a décidé de refermer cette porte. Et c’est regrettable car l’humanité ne repose que sur sa diversité, et le lien entre nos différences. Tout ce qui contribue à forger ce monde indifférencié au nom d’une fausse égalité, ne fait que renforcer les formes de domination et l’incapacité à les penser.
Bien sûr, on nous dira qu’il ne s’agit que d’un nom, qu’il reste encore l’école et la piscine. Certes, mais il faut résister toujours contre la bêtise et l’esprit de la débretonnisation ordinaire qui sévit un peu partout en Bretagne.
Je ne crois pas que Joséphine BAKER eût apprécié de voir son nom associé à cette forme de déshumanisation insidieuse qu’est la débretonnisation. Elle avait le cœur assez grand pour se trouver aux côtés de Jean François Riou Kerhallet.
Yvon Ollivier
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