Le 25 décembre 2009, Bretons du Monde-OBE publiait sur son site internet et celui de l'ABP un communiqué intitulé "Quand EDF communique sur l'insuffisance de notre indépendance" qui rétablissait la vérité des chiffres… ( voir notre article )
Depuis, sur différents forums, BdM-OBE retrouve avec bonheur son argumentation fidèlement reprise. Mais il faut se rendre aussi à l'évidence que la communication d'EDF sur les soit-disant 8 % de la consommation seulement produits en Bretagne, attise un fort ressentiment, pour ne pas dire une véritable haine anti-bretonne, de nombreux internautes se manifestant sur divers forums populaires voire populistes. De quoi mener une enquête de responsabilités sur l'émergence de ces propos outranciers…
1. Échantillons d'appels à la punition
Ils sont tirés du site du Figaro du 4 janvier 2010 : http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2010/01/04/01011-20100104FILWWW00618-bretagne-risque-de-coupures-de-courant.php?mode=commentaires
• Premier échantillon : "Il faut punir les Bretons pour qu'ils comprennent"
Pas d'électricité pendant une semaine : ils comprendront 05/01/2010 à 17:32 "On ne peut à la fois, avec l'usine marémotrice de la Rance et Guerlédan (Mûr-de-Bretagne), ne produire que 8 % de l'électricité consommée et refuser toute nouvelle centrale sur le territoire breton (qui n'est pas la France comme les Corses). Nucléaire : NON, éolien : NON, au gaz ou au charbon : NON, alors qu'ils plongent dans le noir de leurs ancêtres celtiques à la bougie pendant une période de réflexion : au moins une semaine ! après ils réfléchiront".
• Un autre échantillon ? "Les Bretons sont têtus et doivent être punis".
Le beurre et l'argent du beurre. 05/01/2010 à 14:31 "Ils ne veulent pas de centrale(s),eh bien ils n'auront pas de jus...nos Bretons têtus".
• Ou alors : "Oui, il faut punir ceux qui ne produisent pas ce qu'ils consomment". (Celui qui s'exprime doit sûrement produire, pétrole, viande, poisson, bananes, oranges, etc…)
Une coupure c'est normal 05/01/2010 à 14:29 "Oui il faut faire des coupures tant qu'ils voudront pas produire de l'électricité, et donner de préférence à ceux qui ont des centrales".
• Un autre qui cherche à réfléchir mais ne va jusqu'au bout.
On ne veut pas d'éoliennes, de centrales, de lignes THT... 05/01/2010 à 14:21 ..."et ensuite, on s'étonne de manquer d'électricité. Certains pseudo-écologistes bretons persistent à vouloir bloquer tout les projets d'envergure pour leur région (à part l'usine de la Rance, il n'y a pas grand chose puis la CT de Cordemais est en Pays de La Loire): ils doivent alors accepter de se passer d'électricité et de s'éclairer à la bougie. La centrale de Brennilis n'a jamais été remplacée...alors, bien sûr, la Pointe du Raz n'était peut être pas le meilleur emplacement mais aucune alternative sérieuse n'a été étudiée depuis".
• Un dernier échantillon pour la route, celui qui se donne le pseudo de "Robespier" (il est donc normal qu'il soit favorable à la coupure des Bretons !)
Voulaient pas du nucléaire 05/01/2010 à 13:16 "Eh bien qu'ils fassent avec, car trop facile de vouloir du jus mais pas les centrales pour le faire. Ils devront investir dans beaucoup, beaucoup d'éoliennes ou revenir à la bougie".
Bretons du Monde-OBE : "Sur quels fondements s'alimente la colère anti-bretonne ?" de ces lecteurs du Figaro non cautionnés pour autant par le modérateur du site ? Où sont les responsabilités ? Nous en voyons trois : celles de l'EDF au service de l'État jacobin, des médias de Bretagne mus par leurs intérêts particuliers et de la classe politique bretonne assurément timorée…
2. Les responsabilités de l'opérateur EDF : à 3 niveaux !
2.1 La désinformation du public
Cette désinformation s'exerce sur fond de psychose alimentée par la circonstance d'un hiver plus rigoureux : le chiffre de 8 % exclut la production de la centrale de Cordemais en Loire-Atlantique ! D'une puissance de 2 600 MW, sa capacité de production est équivalente à 30 % de la consommation des Pays-de-Loire, compte tenu des habitudes d'EDF de publier des chiffres en fonction d'un trait fictif séparant deux circonscriptions administratives. Si les coups de ciseaux du régime vichyste, puis ceux de Serge Antoine, cet Enarque qui, dans sa cuisine, dessina au début des années 50 les "circonscriptions d'action régionale", avaient laissé la Loire-Atlantique en Bretagne à sa place immémoriale, les chiffres auraient été pour la Bretagne non plus de 8 % mais de 40 %, sans compter la mise en service prochaine, par GdF-Suez sur son site gazier de Montoir-de-Bretagne, d'une centrale à gaz de 440 MW qui portera la totalité de la production thermique à 45 %. La manipulation des chiffres ne modifie pourtant pas la réalité des capacités de production dans la péninsule bretonne dont une majorité se trouve en Loire-Atlantique. En retirant ce département du bilan de production électrique bretonne, EDF augmente considérablement l'ampleur d'un déficit régional, que la Bretagne partage au demeurant avec bien d'autres régions de l'Hexagone.
2.2 De l'ampleur comparée des populations déficitaires en production électrique
La répétition du chiffre de 8 % de production électrique bretonne est bien un objectif de stigmatisation d'une communauté devenant le mouton noir désigné à la vindicte populaire. Outre que ce chiffre est totalement faux puisque relatif à une Bretagne amputée, on évite d'appliquer la même logique à la population d'Ile de France qui est cependant en état de dépendance plus prononcée que la population des quatre départements de Bretagne administrative. Selon les derniers chiffres de population, ce territoire compte 3,12 millions d'habitants tandis que l'Île-de-France en compte 11,5 millions. Cette dernière ne produit que 10 % de sa consommation, ce qui laisse 90 % de Franciliens moyens dépendants d'une fourniture extérieure. Dans ce contexte, 10,35 millions de Franciliens devraient être montrés du doigt contre seulement 2,87 millions de "Bretons administratifs". En matière de dépendance, il est clair que ce sont bien les "Parisiens" les champions, non incités, pour autant, à diminuer leurs illuminations de Noël. Cherchez l'erreur…
2.3 L'alimentation de la pointe bretonne
L'alimentation de la pointe bretonne est certes fragile, car elle s'effectue quasiment en antenne par les lignes 225 et 400 kV à faible maillage de réseau de transport. Cependant, cette structure n'est pas nouvelle et on ne comprend pas pourquoi EDF a, d'une part, combattu la multiplication de petites productions locales raccordées au réseau de distribution 20 kV mieux adapté à la dispersion de l'habitat breton, et d'autre part encouragé le chauffage "tout électrique", accentuant la fragilité en période de froid. On reste perplexe quand on voit l'opérateur faire appel au civisme des particuliers en période difficile tout en refusant des contrats incitant aux économies d'énergie. Que penser des modes de chauffage électrique promus par EDF auprès de ses propres agents en activité ou en retraite ? En réalité, quand nous disons que nous ne comprenons pas, nous voulons dire que nous comprenons trop bien !
3. La complicité de la presse dans la campagne EDF d'intoxication
Il faut appeler un chat, un chat. Quand les quotidiens bretons répètent à longueur d'information le chiffre de 8 % sans expliquer comment il est calculé, cela procède d'une malveillance identitaire ! Grâce aux statistiques départementales accessibles sur Internet, il nous est possible à nous, associatifs, de reconstituer la vérité des chiffres, alors pourquoi pas eux ? Les réponses sont simples… Ouest France, qui joue la carte "Grand-Ouest" comme l'indique son titre, trouve son intérêt à servir la soupe aux barons des Pays-de-Loire. Quant au Télégramme, il joue la carte des trois départements de l'ouest breton valorisant d'autres barons, ceux du Finistère, qui redoutent qu'une réunification administrative ne les excentre encore plus à l'ouest du centre de gravité d'une Bretagne intégrale. Pour la télévision, "FR3 Ouest", au libellé révélateur, n'est pas en reste pour répéter docilement que la Bretagne ne produit que 8 % de son électricité consommée, sans jamais mettre en exergue qu'il y a 3,6 fois plus de Franciliens que de "Bretons administratifs" électro-dépendants ! Voilà comment l'opinion publique bretonne se laisse intimider sur l'une des rares ressources que la Bretagne importe en proportion notable, alors qu'elle est quasiment autosuffisante sur les autres biens vitaux !
4. La passivité de la classe politique bretonne
Est-il normal que le personnel politique qui se fait élire en Bretagne soit aussi passif dans les tribunes locales ou parisiennes ? Est-il normal qu'ils laissent leurs électeurs isolés face à cette campagne de dénigrement qui vise à les rabaisser au rang d'assistés ? Ils se devraient de rappeler qu'il est indécent de montrer ainsi du doigt une population et des représentants qui avaient formulé des propositions alternatives à la seule production électronucléaire. Il leur appartient aussi de rétablir la vérité de la production d'énergie globale. L'électricité n'est qu'une forme de l'énergie et non sa source primaire. Les lieux de captage de l'énergie primaire dans l'Hexagone sont les cours d'eau (énergie hydraulique), la mer (courants, houle et marées), la biomasse, le soleil (énergies thermique et photovoltaïque), l'air (vent), le sous-sol (géothermie). C'est ce qu'on appelle les énergies renouvelables. Or, à part l'hydraulique essentiellement, EDF produit son électricité à l'aide de ressources fossiles non renouvelables et importées (uranium, pétrole, gaz, charbon). Donc, on voit bien que la dépendance n'est pas dans le fait d'importer de l'électricité mais dans celui d'importer le combustible brûlé par les centrales (nucléaires aussi bien que thermiques conventionnelles). L'état de dépendance électrique n'est pas une spécificité bretonne, c'est une réalité française, européenne, et mondiale. Faut-il encore rappeler cette évidence à notre personnel politique pourtant rémunéré à cette fin pour y penser de lui-même ?
5. Les Bretons expatriés interpellés
Si Bretons du Monde-OBE, qui n'est pas une organisation politique, interpelle presse et politiques sur ce problème de communication, c'est aussi parce que les nombreux Bretons expatriés, à Paris ou ailleurs, subissent le contre coup direct de cette campagne. Ce sont eux qui sont en première ligne à être interpellés directement par leurs collègues, amis, voisins. Beaucoup d'entre eux n'ont pas la réplique adaptée à la situation, par ignorance, lassitude, humilité mais parfois aussi honte, comme s'il était juste de mettre en cause des individus du fait de leur origine, en exigeant que la Bretagne soit auto-suffisante dans chaque domaine de production, tout en critiquant les excédents de l'agro-alimentaire breton. Le bof moyen exige des Bretons ce qu'il n'attend pas de lui-même. L'esprit des colonies n'est pas si loin.
6. Aller plus loin dans la réflexion
Ce serait une affaire d'État si la cible désignée n'était pas notre communauté territoriale bretonne… Mais la leçon est bien comprise : on peut en toute impunité insulter les Bretons, les montrer du doigt sans risquer de poursuite judiciaire puisque la loi française ne veut reconnaître qu'un peuple français à l'exclusion d'un peuple breton pouvant se sentir outragé. À cet égard, on a l'exemple récent des propos insultants de Jacky Berroyer contre lequel aucune plainte n'est recevable au nom de la liberté de l'artiste… ( voir notre article ) qui liste tous les articles ABP sur le sujet.
En fait, il y a communauté et communauté ! Nous avons relaté plus haut qu'on ne parle pas dans les mêmes termes de l'Île-de-France qui est en situation de forte dépendance, non seulement pour son alimentation électrique, mais aussi pour la quasi-totalité des biens qu'elle consomme. Il n'a pas été non plus proposé de punir les habitants de la Côte d'Azur pour refus d'une centrale nucléaire entre Sainte-Maxime et Menton. Il est vrai qu'il n'a jamais été proposé d'en installer une là où viennent se reposer tant de VIP de la vie politique et artistique française ! Il faudra donc bien nous résoudre à comprendre que nos contempteurs ne sauraient se punir eux-mêmes et que le fautif est "l'autre", les Bretons en l'occurrence.
Eh bien oui, nous les Bretons, nous sommes "autres", et revendiquons donc nos vraies responsabilités ! Pour la Bretagne, celles d'une autonomie de gestion régionale comparable à celle que tant d'États fédéralisés d'Europe et du monde ont su mettre en œuvre pour équilibrer leurs besoins et leurs ressources…
Communication "Bretons du Monde - OBE"