Dans le dernier numéro d'ARMEN qui vient de sortir, (N°185- Novembre-Décembre 2011), un beau reportage a été consacré à la bataille de Saint-Aubin du Cormier, ce qui est assez rare dans les magazines bretons, et je tiens à remercier ici le bimestriel ARMEN, ainsi que son auteur et le photographe, qui sont venus me rencontrer sur site.
A propos de l'article « La bataille de Saint-Aubin du Cormier – De l'Histoire à la Mémoire », j'aime le point de vue de l'auteur, Tanguy Chabeaux, qui s'y attache à expliquer au delà de la bataille, sa fortune posthume aux travers des régimes et des générations aux mentalités changeantes, des versions premières ou remaniées selon chaque historien qui la relate, son utilisation au travers des successifs mouvements nationalistes, politiques, culturels…
Juste si vous le voulez bien, quelques petites imprécisions et oublis que je me permets de recadrer ici : la journée de la bataille du 28 juillet 1488, jour de Saint Samson effectivement, n'était pas il me semble un dimanche, mais bien un lundi. Par ailleurs, le nombre de tués dans cette bataille enragée fut prés de 6000 bretons et alliés (et non 8000), et environ 1 500 français et mercenaires… Ce qui fait tout de même un total d'environ 7 500 hommes tués en quelques heures dans cette effroyable bataille au corps à corps, chiffre avoisinant ceux des tués dans les journées meurtrières de 1914-18 !!!
Pour la période récente traitée rapidement (mais ce n'était bien sûr pas le sujet exclusif de l'article), « Mémoire et Dignité » était effectivement le collectif de défense côté breton contre le projet « profanateur », dont je partageais la direction avec Yann Fontana et sa compagne Leïla, avec en soutien notre principal allié « AME- Association Mézières Environnement » qui regroupait cultivateurs et riverains de l'ex-futur site d'enfouissement de déchets ménagers… Après notre victoire en 2001, j'ai fondé l'association MAB, Musée Archipel Breton que je préside toujours aujourd'hui, et dont la première action culturelle fut de monter le Festival des Libertés Bretonnes en 2001 et 2002, dans le château de Pierre de Dreux. Malgré de belles programmations musicales bretonnes et celtiques et de nombreux artistes venus en soutien, le festival copieusement saboté par « certaines personnes payées par nos impôts » ne put dépasser ses deux années d'existence… A suivre, La Sci Koad Sav Pell a été crée en 2003 pour l'achat de l'épicentre du champ de bataille, où nous poursuivons aujourd'hui la construction d'un Parc de Sculptures-Mémorial.
Pour revenir à l'article d'ARMEN, les lecteurs auront sans doute remarqué cette énigmatique photo militaire à la page 45, qui est la raison principale du présent communiqué. Je suis la personne qui l'ai proposé à l'iconographe d'ARMEN avec tout son texte explicatif, mais pour des raisons de place, sa légende dans l'article d'ARMEN a été réduit à son stricte minimum. Je tiens donc ici à redonner ce texte dans son intégralité, pour l'Histoire de la Bretagne à Saint-Aubin du Cormier, et pour honorer à ma façon une personnalité bretonne de première importance qui nous a quitté il y a quelques mois : je veux parler de Per Denez.
C'est effectivement lui qui m'avait remis cette photo (ou plutôt une photocopie laser de qualité que j'ai moi-même scanné pour ARMEN). Je tiens à préciser que Per Denez nous avait fait un chèque de soutien équivalent à l'achat d'une part dans Koad Sav Pell, mais en ne désirant pas apparaître officiellement dans notre SCI. Il reçu à suivre toutes nos lettres d'info de MAB en tant que membre d'honneur de notre association, et ce jusqu'à son décès. Voici donc en guise d'explication de cette photo militaire, l'intégralité ci-dessous et en photos jointes, du courrier manuscrit que Per Denez m'adressa le 23 janvier 2004.Kenavo Per! JLLC
Mon cher Jean-Loup Le Cuff ,
Je viens de retrouver cette photo. Je pense que tu seras heureux de l'avoir. Si tu le désires, tu peux la publier. J'aimerais même beaucoup que tu la publies dans un prochain bulletin : elle rappellera un grand moment à St Aubin du Cormier, devant l'ancienne croix qui marque, sur le champ de bataille, le souvenir de nos morts. Voici dans quelles conditions la cérémonie eût lieu.
Ce fut à l'occasion du Congrès Celtique International de Fougères. Un repère pour le fixer dans le temps : il eût lieu en 1968, au moment même où les tanks russes s'emparaient de Prague et mettaient fin à son Printemps. Un autre souvenir pour moi : l'arrivé d'une centaine de jeunes gallois, avec des drapeaux au dragon rouge flottant partout sur les voitures. C'est à cette occasion que Dafydd Iwan - aujourd'hui président du Parti National Gallois, Plaid Cymru, chanta en Bretagne pour la première fois, prélude à de nombreuses visites. Il y eût une belle mobilisation à Fougères pour accueillir les représentants des nations celtes. Et à cette occasion j'ai pu remarquer combien le sentiment breton était, à Fougères, ancré dans l'histoire.
Évidemment, une cérémonie sur la lande de la Rencontre s'imposait. J'eus l'idée de demander au Bagad de la Lande d'Ouée de rendre les honneurs. Je me rendis au camp pour rencontrer le pennsoner, le Lieutenant Lescalier - j'aimerais que l'on se souvienne de ce nom - il accepta d'emblée mais, assurément, devait demander l'autorisation du commandant du camp, et il m'emmena dans divers bureaux pour que j'expose le projet. Je circulais avec lui dans un command-car arborant, sur une longue antenne, un gwenn-ha-du. Le Bagad fut autorisé à participer. Je notais combien le sentiment breton était fort au camp, et un groupe d'officiers, évidemment en retrait, assista à la cérémonie. L'arrivée du Bagad fut un moment d'intense émotion. Je n'ai plus le souvenir des airs donnés par le Bagad - j'en discutais avec le Lieutenant Lescalier - et je crois que le "Salut aux Morts" fut celui écrit par Polig Monjarret. Le Général Vallerie rappela le déroulement de la bataille et au nom de la délégation irlandaise c'est le colonel commandant les troupes de l'ONU au Congo qui parla. Je pense que le Bagad resta jusqu'au Bro Gozh final.
Existe-t-il encore des films de cette cérémonie ? La "couverture médiatique", comme on dit, fut bonne. Et Paris-Match envoya un photographe. Hélas, dois-je dire. Ce fut un mini-séisme à Paris dans les hautes sphères et Michel Debré piqua une belle colère. Le Lieutenant Lescalier fut sanctionné et transféré à Tahiti et le commandant du camp prié de veiller à ce que les couleurs bretonnes n'apparaissent plus dans le Bagad. La gamme autorisée se réduisait au bleu, au blanc, et au rouge - que l'on agença de diverses manières. Mais on ne vit plus, dans les grands défilés, dans les fêtes, ce beau Bagad de la Lande d'Ouée, tous instruments portant un petit drapeau breton, et, en tête de bagad, au centre, un immense Gwenn-ha-du et, de chaque coté, un drapeau à croix noire, couleurs de l'armée bretonne. Mais je pensais - tant d'années plus tard - au Lieutenant Lescalier lorsque les pompiers de Rennes, en grève, défilaient sur trois rangs avec, en tête, trois pompiers en grand uniforme, avec le beau casque traditionnel brillant, celui du centre portant un grand Gwenn-ha-du, et ses deux collègues, à ses cotés, portant le drapeau à croix noire. Je pensais m'être assuré d'une photographie, il y eut un ratage que je ne cesse depuis de regretter. Mais peut-être y a-t-il quelque part quelqu'un qui a fixé la scène. Ce serait une joie de la retrouver.
Per Denez