Deux ans seulement après l'inauguration en grande pompe, en présence du ministre délégué de l’agroalimentaire français, d'une usine à Carhaix de poudre de lait infantile destinée au marché chinois, le groupe Synutra serait sur le point de céder le site à son partenaire Sodiaal (Entremont, Yoplait, Candia), première coopérative laitière française.
D'après Le Monde, la coopérative Sodiaal, négocierait en ce moment une reprise du site de Carhaix, en tout ou partie. Une précipitation qui étonne et qui soulève des tas de questions sur les raisons de cet abandon. Synutra refuse de commenter tant que les négociations sont en cours.
L'autre usine de Synutra dans le Cotentin, qui conditionnait des cartons de lait UHT pour le marché chinois a arrêté son activité le 1er août. Il va de soi que le projet d'une deuxième usine, que Synutra prévoyait à Carhaix, pour aussi conditionner des cartons de lait UHT, ne verra probablement jamais le jour comme d'ailleurs le centre de recherche prévu.
L'entreprise Synutra International Inc., dont le siège social est à Rockville aux États-Unis, n'est plus cotée en bourse. Elle n'a pas publié de rapport annuel en 2017. Le site web de l'entreprise est fermé ! (voir le site) . Certains des fournisseurs de ses usines en France n'ont toujours pas été payés et des huissiers sont même intervenus récemment pour effectuer des saisies. Selon certaines sources, les ventes de lait en Chine n'auraient pas atteint les prévisions et le marché des poudres de lait serait saturé en particulier à cause des énormes réserves de la Communauté Européenne. Elle a commencé à les écouler à bas prix car la qualité du produit diminue avec le temps. Les demandes de produits laitiers augmentent pourtant. Voir à ce sujet l'analyse du marché produite aujourd'hui par TERRA (voir le site)
Les spéculations sur le devenir du groupe vont bon train mais il n'est pas anodin de noter que Synutra achète aussi du lait brut en Nouvelle Zélande à l'immense coopérative Fonterra, qui, elle même a investi plus d'un demi-milliard de dollars en Chine. Le lait néo-zélandais est moins cher que le lait breton, il se vend à 312 euros la tonne (prix juin 2018) . Le lait breton se vend (souvent à perte) à 350 euros la tonne (prix 3e trimestre 2018). Si la loi EGALIM passée en mai dernier a pour but, entre autres mesures, d'éviter que les producteurs de lait ou de porc produisent à perte, elle jouera certainement en faveur aussi du départ des Chinois vers des cieux plus prometteurs. A noter aussi que le 8 décembre 2017 des militants du syndicat CGT Mines-Energie s'étaient pointés aux portes de l'usine de Carhaix et auraient, selon les déclarations du directeur du site qui a porté plainte, coupé l'eau et l'électricité !
Contacté par ABP, Alain Glon, le président de l'Institut de Locarn situé à seulement 15 km de l'usine Synutra, a déclaré n'avoir "jamais considéré que confier le sort des éleveurs bretons à des Chinois était une disposition raisonnable".
modifié le 24/08/18