Après Polig Monjarret, Pierre-Jakez Hélias, Pierre Roy, Bernard de Parades et beaucoup d'autres de ces Bretons formidables auxquels on doit l'extraordinaire vitalité actuelle de la culture populaire bretonne aujourd'hui, c'est Loeiz Ropars qui vient à son tour de nous quitter. Il est mort chez lui à Quimper samedi dernier (3 novembre).
Sans lui, il n'y aurait peut-être jamais eu le renouveau, puis l'incroyable diffusion des festoù noz, d'abord en Cornouaille, puis dans le reste de la Bretagne, y compris bien loin de son aire d'origine, jusqu'à Fougères, Vitré, Châteaubriant, Ancenis et Clisson, dans la diaspora bretonne en France et dans le monde entier, comme dernièrement en Californie à Palo Alto en 2001, à Pékin en 2005 ainsi qu'à Tokyo et New York en 2006.
Né à Poullaouen en 1921, Loeiz Ropars a grandi avant-guerre dans cette société paysanne traditionnelle qu'a su si bien décrire son ami Pierre-Jakez Hélias, où le breton était la langue de toute la communauté et où la tradition restait alors encore très forte. Les voûtes de l'église paroissiale résonnaient tous les dimanches de magnifiques cantiques bretons et les grands travaux de la vie rurale, comme la moisson et les battages, étaient autant d'occasions pour toute la communauté villageoise de se retrouver pour des danses rythmées par les voix des chanteurs de kan ha diskan. Conscient que toute cette richesse risquait de disparaître, Loeiz Ropars ressentit en lui dès 1939 la volonté de préserver et de diffuser cet héritage. Avec Pierre-Marie Huiban et Roger Le Béon, il allait de fait entreprendre de relancer le kan ha diskan en créant un concours dès 1954.
Après des études supérieures à l'Université de Rennes, où il prit conscience, comme beaucoup de Bas Bretons partis étudier en Haute Bretagne, de l'originalité de la culture populaire de Basse Bretagne, il vint habiter Quimper en 1946 et débuta une carrière d'enseignant. Il fut professeur de français, de latin et de grec, ainsi que de breton, dès qu'il le put, dans divers collèges et lycées, tout en consacrant l'essentiel de son temps libre à la promotion et à la diffusion de la culture populaire bretonne.
En 1949 il fut un des fondateurs, avec Jean Lédan, du groupe Kevrenn Glazik qui allait devenir par la suite le bagad Kemper.
Il fut aussi un des fondateurs du Cercle Celtique de Quimper et il participa le 15 octobre 1950 à la naissance de la confédération Kendalc'h, dont Pierre Mocaër devait être le premier président et Polig Monjarret le secrétaire général. Au comité directeur de Kendalc'h, il côtoyait notamment Pierre Roy, Dorig Le Voyer, Jo Halléguen, Bernard de Parades, Pierre Jakez Hélias, Jos Le Doaré, Yann Poupinot, le frère Visant Séité, Jean Lédan et Léon Toulemont. Pendant 50 ans, Loeiz Ropars fut, en tant que moniteur de danses et animateur de festoù noz, un des artisans essentiels du renouveau des festoù noz en Bretagne.
L'importante discographie qu'il a laissée, traduit mieux que tout le rôle capital qui fut le sien en tant que ‹passeur de mémoire›.
Comme Polig Monjarret en 1988, Bernard de Parades en 1989, Charles et Chanig Ar Gall en 1990, Jean Tricoire en 1990 et d'autres personnalités éminentes, Loeiz Roparz devait à son tour recevoir en 1995 le Collier de l'Hermine, la plus haute distinction décernée à des femmes et des hommes ayant bien servi la Bretagne.
B LT / ABP